Marchés
Les prix agricoles de plus en plus dépendants de la finance
« La corrélation entre les marchés financiers et les commodities prend de plus en plus d’ampleur », a estimé Jean-Jacques Ohanna, président du cabinet de conseil Riskelia, lors de sa présentation à la journée de débats Vigie Matières premières qui a eu lieu le 15 novembre à Paris. Et pour cause, les fondamentaux semblent perdre de plus en plus leur emprise sur la tenue des marchés agricoles. Même si le weather market et les bilans mondiaux continuent d’influer sur les cours, Jean-Jacques Ohanna rappelle que « les prix des matières premières sont corrélés à hauteur de 30 % avec le S&P500 » (indice américain). Le président du cabinet de conseil Riskelia insiste même en ajoutant qu’« en 1985 la relation entre le prix de l’énergie et des matières premières agricoles était de l’ordre de 10 %, or aujourd’hui nous sommes au-delà des 30 %. Avec le prix des métaux, cette relation dans la variation des prix dépassent même les 50 %. » Un état de fait qui n’implique pourtant pas une influence des marchés financiers sur les commodities, mais simplement une relation déjà constatée entre la demande et la croissance mondiale. Ainsi Jean-Jacques Ohanna relate un épisode qui vient renforcer la thèse d’une tenue des marchés agricoles par la spéculation. « Jusqu’en avril dernier, il y avait une bulle autour de l’argent et du pétrole. Seulement, en mai Jean-Claude Trichet a maintenu les taux d’intérêts de la BCE, contre toute attente, provoquant ainsi l’éclatement de cette bulle : l’argent a perdu 35 % en une semaine. Cela a eu un impact direct sur le prix du pétrole, qui a chuté de 10 % en une journée. Derrière, ce sont toutes les matières premières qui ont dégringolé, sans aucune nouvelle du côté des fondamentaux ou de la croissance mondiale. Aujourd’hui, les dynamiques spéculatives ont un impact direct », assène-t-il.
L’arrivée de nouveaux investisseurs
Et pourtant, cet impact n’est pas que le fait d’une spéculation plus importante depuis 2006, mais aussi de l’arrivée d’un nouveau genre d’investisseurs sur ces marchés. « Il y a deux types d’intervenants sur les matières premières. Les Hedge Funds qui sont sur ce marché depuis longtemps, et les investisseurs indiciels qui ont pris beaucoup d’essor ces dernières années », explique Jean-Jacques Ohanna. Ces derniers participent pour leur part à la corrélation entre les différentes matières premières. « Les indiciels n’ont pas d’investissement avisé sur chaque matière première », souligne le président du cabinet de conseil Riskelia. Ils sont aussi les premiers à se désinvestir des marchés agricoles lors des crises financières. « Les investisseurs indiciels ont largement revendu leurs positions pendant la crise de 2008, avant de revenir sur le marché. Depuis cet été, on retrouve ce désengagement sur les commodities », lance Jean-Jacques Ohanna. Un retrait qui est la conséquence directe du manque de liquidité rencontré sur les marchés financiers. « Avant la chute de Lehman Brothers, on avait atteint 100 Md$ de flux. Puis on est passé à 50 Md$. Il y a eu ensuite un rebond qui a amené les investissements à hauteur de 150 Md$ » sur les marchés financiers, argumente Jean-Jacques Ohanna. Et effectivement, la variation de ces flux correspond non seulement à ceux observés sur les matières premières agricoles, mais aussi à leurs prix. Cependant, la place des opérateurs agricoles restent la grande inconnue de cette étude sur le marché des commodities.