Résultats coopératifs
Les poids lourds repartent à l’offensive
Les grands groupes coopératifs se retrouvent galvanisés par la progression des prix des productions agricoles et par la demande en blé français dopant les chiffres d’affaires
Après la double dépression de 2008, celle des prix des matières premières et celle de la crise économique et financière, les poids lourds des coopératives agricoles ont retrouvé un ciel plus serein. Les dix plus importantes d’entre elles redressent leurs comptes et sont reparties sur des stratégies de croissance externe. Parmi ces dix tenors, les coopératives à dominante céréalière sont de façon évidente portées par la puissante vague de hausse des prix des céréales et des produits dérivés, et sans doute pour des mois encore car l’augmentation des surfaces ensemencées appellera une croissance des volumes d’intrants. Les coopératives polyvalentes de ce top ten bénéficient elles aussi de l’effet dopant de l’euphorie céréalière. Quant aux coopératives de productions animales, elles misent sur les acquisitions.
Un optimisme sur les volumes d’affaires envisagées pour 2011
Le premier semestre de la campagne 2010/11 a vu les chiffres d’affaires des dix plus importantes coopératives agricoles françaises se redresser à la faveur d’une reprise des cours des produits agricoles. « Fin décembre 2010, on note une évolution très marquée, avec une hausse de 40 % du chiffre d’affaires au premier semestre 2010/11 », indique Jérôme Duchalais, directeur général adjoint d’InVivo. Après une année 2009/10 marquée par une dépréciation des prix, tous secteurs confondus, excepté pour le sucre, l’année 2011 s’annonce sous de meilleurs auspices.
Un retour de la demande en intrants de la part des céréaliers, soutenue par de bons prix à la production, fait repartir les volumes d’activité de l’agrofourniture. Ainsi, le secteur agrofourniture d’InVivo connaît depuis le début de l’exercice 2010/11 une hausse de 11 % de son CA. Chez Axereal, Thierry Renard, responsable de la communication, estime ainsi que « le CA 2010/11 devrait être sensiblement plus haut que celui de 2009/10 car la transformation et le négoce des céréales est le cœur de métier du groupe ». Il en va de même pour les coopératives polyvalentes comme Agrial et Terrena. « Nous pouvons espérer une hausse de notre CA de 4 % pour l’année 2010 » dont les comptes ne sont pas encore arrêtés, indique un porte-parole d’Agrial. Il poursuit : « Cette progression serait due pour moitié à l’effet hausse des prix des céréales et pour le reste à l’augmentation du périmètre agroalimentaire ». Le porte-parole d’Agrial précise : « Le bémol, est la situation de crise du secteur porcin ». Le groupe Terrena quant à lui, prévoit d’ores et déjà un rebond de son chiffre d’affaires sur 2010. L’effet Céréales et un retour probable de sa collecte 2011 au niveau de celle de 2009, à 1,8 Mt, après un creux de 1,6 Mt en 2010, devraient soutenir la reprise d’activité. Seule la coopérative Tereos avait vu son CA progresser entre l’exercice 2008/09 et 2009/10, en raison des tensions sur le marché du sucre. « Le résultat brut d’exploitation de Tereos s’établit d’ailleurs à un niveau record de 595,6 M€ sur le dernier exercice, clos en septembre 2010 », souligne un responsable de la communication.
Les ventes de céréales gonflent les chiffres d’affaires
Chez InVivo, les tonnages de céréales facturés sont en progression de 60 % sur les six premiers mois de l’exercice 2010/11. Ceci s’explique par une forte demande pour les blés français, ce qui laisse présager la vente de 9 à 10 Mt de céréales d’ici la fin de l’exercice. « Si l’on prolonge la tendance actuelle, le CA en fin d’exercice 2010/11 pourrait atteindre les 6 Md€, (contre 4,4 Md€ en 2009/10 NDLR) principalement en raison de l’envolée des cours des céréales et des importants volumes commercialisés », indique Jérôme Duchalais. Pour les mêmes raisons, le CA de l’activité Nutrition animale d’InVivo progresse de 11 % sur le premier semestre 2010/11, et celui du marché des grains, branche Négoce d’InVivo, pourrait doubler son CA sur 2010/11 en atteignant les 3 Md€, contre 1,5 Md€ sur l’année 2009/10. Chez Champagne Céréales, la hausse des céréales sur les six premiers mois de l’exercice en cours pourrait amener le CA du groupe au 30 juin 2011 à 3 Md€ contre 2,43 Md€ en 2010. Ce dernier se répartirait à 1 Md€ pour le pôle agricole, et 2 Md€ pour les activités industrielles. « Si les perspectives de croissances sont limitées sur le premier pôle en raison de l’occupation des surfaces et de hausses de rendements limités, l’activité industrielle peut, elle, encore se développer », indique le président de Champagne Céréales, Pascal Prot.
Les coopératives se donnent les moyens d’exporter
La bonne place des blés français sur le marché international pour cette campagne a bien entendu un effet dopant sur les résultats. La France étant de plus en plus tournée vers l’export pays tiers, le secteur coopépartif investit dans cette activité. En octobre, le rachat des actifs de Sodistock a permis à InVivo de disposer de trois nouveaux silos sur la façade Atlantique à Blaye, Nantes et Montoir. « Ce qui devrait permettre d’accompagner le développement du groupe à l’export », indique le directeur général adjoint d’InVivo. De plus, en passant de 12,4 % à 20 % au capital de Toepfer, opérateur mondial sur les marchés agricoles, InVivo conforte sa position d’exportateur de céréales à destination de l’Afrique du nord et de l’ouest, ainsi que vers le Moyen-Orient. Selon Jérôme Duchalais, « entre les investissements à l’étranger et les exportations, le CA réalisé en dehors du territoire français par InVivo représentait 35 % au 30 juin 2010, et devrait dépasser les 40 % sur l’exercice 2010/11 ».
Des relais de croissance externe…
La plupart des ténors des coopératives polyvalentes parient, comme relais de croissance, sur les opérations de croissance externe en France. Et ce sur l’aval comme l’amont, avec par exemple la reprise par Terrena d’une usine d’abattage de viande bovine de la société Bigard ou la prise de participation d’Invivo au capital de RAGT à hauteur de 34 %. Autre exemple d’investissements, celui de Champagne Céréales qui a intégré en septembre le groupe Compas, spécialisé dans la collecte de céréales et les activités viticoles. Selon Pascal Prot, cet investissement « pourrait apporter 90 à 100 M€ au CA sur l’exercice en cours ».
… y compris à l’international
En paralèlle, les développements se poursuivent à l’international. « L’investissement dans une usine d’alimentation animale au Vietnam, et le renforcement des capacités de production au Brésil ont permis de poursuivre la dynamique d’innovation du groupe », signale le directeur général adjoint d’InVivo. Selon lui, les investissements à l’étranger permettent de financer la recherche appliquée. En mars 2010, la reprise de l’activité malterie de l’Irlandais Greencore par Axereal s’inscrit aussi dans une dynamique de croissance externe observée chez la plupart des plus importantes coopératives françaises. D’ailleurs, le responsable de la communication d’Axereal précise que « l’acquisition de Greencore n’a couru que sur trois mois de l’exercice 2009/2010, mais devrait participer à la progression du CA sur 2010/11 avec une activité courant sur douze mois ». Le groupe continue également de développer ses activités de malterie en Croatie, Hongrie, Angleterre et Écosse.
Pour Tereos, l’annonce le 4 février de son intention d’investir 100 M€ en 2011 et 2012 dans la construction d’une usine de production de produits amylacés à base de maïs au Brésil devrait accroître la dimension mondiale du groupe. L’activité Betterave de Tereos France et TTD, filiale tchèque de Tereos, représente 50 % du résultat brut d’exploitation à 300 M€ sur 2009/10 contre 171,8 M€ en 2008/09, en progression de 74,6 % ! La canne à sucre, produite au Brésil et dans l’Océan indien, constitue 26 % du résultat brut d’exploitation de Tereos, à 157,8 M€ sur 2009/10 contre 94,9 M€ la campagne précédente, une progression de 66,2 %. Enfin, les activités ukrainiennes de Champagne Céréales, après avoir connu une bonne campagne 2008/09 à 520.000 t de céréales exportées, ont été freinées par le blocage partiel des exportations du pays faisant retomber à 350.000 t les exportations sur 2009/10.