Dossier
« Les lourdeurs administratives sont regrettables ! »
Noëlle Léonard de Juvigny, Chargée de mission Méthanisation de Cap Seine
La Dépêche-Le Petit Meunier : Pouvez-vous nous présenter l’unité de méthanisation Capik ?
N. L. de J. : Il s’agit d’une filiale de Cap Seine et d’Ikos environnement. Le méthaniseur repose sur un procédé en continu à 37 °C, avec une capacité nominale de 20.000 t/an de déchets traités. Nous récupérons du biogaz, à même de générer 3.200 MWh d’électricité et 3.300 MWh de chaleur, utilisée dans le process, et un résidu, le digestat. La valorisation du digestat brut en tant que produit, après transformation par co-compostage, passe par une longue autorisation de mise en marché. Nous le dédions pour le moment à du compostage ou un plan d’épandage, dont nous avons fait la demande. À terme, nous devrions disposer de 6.500 t d’engrais liquide et 620 t en sec. Par traitement de l’air de séchage des digestats, nous récupérons aussi du sulfate d’ammonium.
LD-LPM : Comment ce site est-il approvisionné ?
N. L. de J. : Déchets de l’industrie agroalimentaire, déchets verts de municipalités, effluents d’élevage, poussières de céréales, boues des stations d’épuration..., les gisements peuvent être variés. Nous assurons un service de traitement, rémunéré à la tonne, pour chacun des fournisseurs, avec lesquels nous engageons un contrat annuel. L’acceptation des déchets passe par une procédure d’autorisation supposant des analyses pour en certifier la conformité réglementaire et qualitative. Dans la mesure où tout ce qui entre dans le méthaniseur en ressort, hormis la matière organique qui est dégradée, les seuils d’acceptation, concernant les métaux lourds par exemple, sont ceux de la norme Compost. Par leur démarche de valorisation de la matière organique, nos fournisseurs se trouvent exonérés de la TGAP. Dans le cadre du partenariat avec Cap Seine, des agriculteurs n’ayant pas suffisamment de surface épandable ont tout de même pu accroître leur activité d’élevage, grâce au traitement de leur lisier par Capik.
LD-LPM : Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
N. L. de J. : Il aura fallu quatre ans entre les premières réflexions de 2006 et l’inauguration du site, en avril 2011. Les lourdeurs administratives d’autorisation du projet, mais aussi de valorisation des digestats, sont regrettables. Cette unité représente un investissement de 3,38 M€ pour la méthanisation et de 2,4 M€ pour la cogénération. Il faut compter une dizaine d’années pour l’amortir.
LD-LPM : Comment voyez-vous l’avenir de la méthanisation en France ?
N. L. de J. : Le plan EMAA (cf. p.7) du gouvernement a fixé des objectifs ambitieux pour lesquels les leviers d’action se laissent désirer. On ne peut pas attendre que la dynamique vienne d’en haut. On doit avancer. La méthanisation a sa place dans l’éventail des sources d’énergie. En Haute-Normandie, nous avons mis en place des mesures de durabilité de la filière, avec des critères d’éligibilité des projets pour les financements publics, comme des rayons d’approvisionnement acceptables ou encore une proportion maximale de cultures énergétiques, dédiées ou intermédiaires, dans la ration. Une structure, Nov&aTech, propose de réaliser des pré-diagnostics pour confirmer la faisabilité, mais aussi éviter que plusieurs projets exploitent le même gisement, au risque de les voir capoter. On ressent une réelle volonté d’organiser et développer une filière nationale, y compris en termes d’équipements, qui aujourd’hui viennent surtout d’Allemagne. Je fais le pari que, d’ici trois ans, il y aura beaucoup plus de matériel français.