Développement durable
Les frets fluviaux et ferroviaires ont leur carte à jouer
Le Grenelle incite les entreprises à revoir leur politique logistique en privilégiant les modes alternatifs à la route pour limiter leurs rejets carboniques. Le gain pourrait atteindre 7 Mt en 2012
LE TRANSPORT DES marchandises impacte fortement le bilan carbone des entreprises, et la filière céréalière n’y échappe pas. Le Grenelle n’a pas omis cet aspect. Si, pour le moment, les actes concrets sont discrets, des orientations sont prises afin de déboucher sur d’éventuelles réglementations d’ici 2012 pour améliorer les performances énergétiques du transport de marchandise. Des reports modaux pourraient être encouragés afin de diminuer la part du transport routier.
Ce mode a représenté 86 % du trafic en 2006, contre 58 % en 1984. Avec pour conséquence une augmentation de près de 20 % des émissions hexagonales de CO 2 entre 1990 et 2004. Les transports de marchandises participent à cette hausse en totalisant 34 % des émissions nationales en 2006. De manière synthétique, l’objectif fixé par le projet de loi issu du Gre-nelle prévoit « une croissance de 25 % de la part du fret non routier d’ici 2012. » Un essor qui serait assuré à 85 % par le ferroviaire et à 15 % par le fluvial.
Moderniser le réseau ferroviaire
Sous l’impulsion des pouvoirs publics et des opérateurs privés, la part du fret ferroviaire devrait être augmentée de 25 % d’ici à 2012. Comparativement au transport de marchandises par route, le fret ferroviaire a de meilleurs bilans financier et carbone sur de grandes distances que sur des trajets courts. En effet, si les infrastructures ne sont pas adaptées à des liaisons ferrées directes entre les organismes stockeurs et les transformateurs, les nombreux transports intermédiaires, souvent réalisés en camions, s’avèrent plus couteux. D’un point de vue économique, les coûts sont multipliés à chaque changement de modalité de transport et par la manutention liée au chargement et déchargement des marchandises. Au niveau environnemental, l’augmentation du nombre de transports intermédiaires engendre une comptabilité carbone moins performante. En effet, sur de courtes distances, les camions ou locomotives utilisés sont souvent thermiques et moins soucieux des normes environnementales (moteurs euro5). Le développement d’autoroutes ferroviaires est donc nécessaire pour les transports transnationaux de marchandises représentant 20 % du trafic, mais des adaptations sont nécessaires pour rendre compétitif ce mode de transport.
Dans ce domaine, les Français sont en retard par rapport à leurs voisins européens. Entre 2001 et 2005, si le transport ferroviaire de marchandise chutait de 20 % en France, il progressait de 19 % en Allemagne, de 13 % en Grande-Bretagne et de 30 % aux Pays-Bas.
Selon Patrick Martin, président de Logistra, un commissionnaire de transport, « le fret ferroviaire ne doit pas se développer mais il doit subir une régénération. » En effet, si le réseau ferré est développé dans l’hexagone, c’est plus sa capacité d’adaptation au ferroutage et au transport de containers qui doit s’améliorer.
Pour pallier ce retard, les responsables du réseau (RFF) en collaboration avec les opérateurs privés et publiques, vont devoir investir pour moderniser les infrastructures. Cela passerait par des centres logistiques massifiés et multimodaux adaptés aux transports combinés et aux autoroutes ferroviaires pouvant accueillir des trains de mille mètres.
Augmenter le fluvial de 25 % d’ici 5 ans
Autre élément clé du Grenelle, le développement du fluvial avec la proposition « d’augmenter le trafic d’un quart d’ici 5 ans et de le doubler à dix ans, en optimisant les performances » de ce mode. Les arguments sont importants. D’après des chiffres Voies Navigables de France (VNF), la transport fluvial consomme 3 à 4 fois moins de pétrole et émet 3 à 4 fois moins de CO 2 que le transport routier pour un service rendu équivalent (1 t/km transportée). Des innovations technologiques (motorisation propre, carburants alternatifs...) réservent des marges de progrès importantes. Le choix de ce mode implique des réductions en coûts de fret intéressants. Toujours selon VNF, le coût moyen de transport d’une tonne sur 350 km serait de 12€/t pour du fluvial grand gabarit, 17 €/t pour du petit gabarit, contre 21 €/t par la route et 22€/t pour le rail.
Bien entendu l’intérêt pour le fluvial augmente avec la distance parcourue par la marchandise, et la proximité des voies d’eau. Prenons l’exemple de Cohesis, coopérative qui assure 1 Mt de collecte, transporte 2,5 Mt de marchandises, dont 10 % par le fluvial. Pour la responsable transport et logistique du groupe, Catherine Aubriot, « nous ne ferons pas de report du transport routier sur fluvial. Un éventuel report se ferait plutôt sur le ferroviaire car nos transports sont concentrés sur un rayon moyen de seulement 44 km. Et l’arrivée de nouveaux entrants sur le ferroviaire pourrait en augmenter l’efficacité. »
Des freins au report modal
Le contexte de crise n’incite pas les entreprises au report. Les freins actuels sur les échanges et les investissements pèsent sur les initiatives entreprenariales. De plus, le prix de l’affrètement routier est très bas en ce moment, en raison d’un baril de pétrole aux alentours des 40 $/ baril à New York. Le transport routier dispose donc d’une compétitivité accrue. Par ailleurs, « on est vite contraint par des problèmes d’infrastructure », ajoute Catherine Aubriot, qui explique que « tous les canaux sur l’implantation de Cohesis ne permettent pas le passage de tonnages supérieurs à 260t. »
Des freins, certes, mais l’enjeu est de taille. Des travaux réalisés par le comité opérationnel sur le fret montrent que si les objectifs du report modal préconnisé par le Grenelle sont atteints, on réduirait de 6,10 Mt de CO 2 les émissions grâce à la hausse du fret ferroviaire, et de 0,96 Mt avec le développement du transport fluvial.