Nutrition animale
Les fabricants d'aliments actifs contre le changement climatique
Construite historiquement sur l'économie des ressources par la valorisation des coproduits, la nutrition animale veut faire reconnaître sa contribution positive au changement climatique.




À l'approche de la Cop 21, agriculture et alimentation sont particulièrement pointées du doigt comme productrices de gaz à effet de serre (GES). La nutrition animale, placée entre les productions végétales (qui pèsent 89 % de la contribution) et les productions animales (et leurs déjections), veut faire reconnaître ses actions positives. Les associations Nutrinoë (fabricants d'aliments bretons) et Feedsim avenir (promotion de la recherche et de l'analyse économique sur l'agriculture et l'agro-industrie du Grand Ouest) organisaient une conférence “Nutri-Climat” lors du dernier Space.
En alimentation animale, plus de 90 % des GES sont dus aux matières premières.
« Plus de 90 % des GES sont dus aux matières premières, le transport et le process ont une incidence très réduite sur les émissions de l'alimentation animale. Leur réduction via la formulation, à contraintes nutritionnelles et disponibilités de matières premières identiques, a cependant un potentiel limité et un surcoût important », explique Laurent Morin (Feedsim avenir). Selon les simulations, réduire de 5 % les GES dans le Grand Ouest, via la seule formulation en nutrition animale, coûterait actuellement 80 M€. La réduction des GES passera donc forcément par des actions conduites en filière. Le premier levier, c'est la technicité de l'élevage qui se traduit par la réduction de l'indice de consommation, le progrès en alimentation étant lié aux choix génétiques et à l'efficacité des bâtiments. Viennent ensuite le choix des meilleurs équilibres nutritionnels, pour favoriser l'efficacité des rations, et l'utilisation de compléments (additifs) originaux, pour améliorer encore la digestion et réduire les rejets. Enfin, les formulateurs peuvent aussi valoriser l'amélioration en amont des caractéristiques des matières premières.
Disposer de données fiables et partagées
Mais toute demande de données environnementales exige des données fiables. Depuis quelques années, l'université de Wageningen (Pays-Bas) propose sa base de données Feedprint. « Elle est fragile sur certaines matières premières, d'où le fait que nous nous sommes associés à la démarche ÉcoAlim », explique Laurent Morin. Lancée en 2013 par l'Inra et les Instituts techniques animaux, ÉcoAlim rassemble les données sur les intrants alimentaires des animaux d'élevage. « Elle est en lien avec ce qui existe déjà, notamment l'outil AgriBalyse de l'Ademe », souligne Sandrine Espagnol, en charge du dossier à l'Ifip (institut technique du porc). « Nous montrons que, selon les iti-néraires techniques, l'impact d'une matière première donnée peut varier de 15 %. » Les pistes de progrès sont pointées par la Chambre d'agriculture de Bretagne et son outil Climagri.
Substituer le soja
Pour Christian Chrétien, directeur de Sanders Ouest, la nutrition animale s'est déjà bien engagée en substituant une part croissante du tourteau de soja, passé de 45 % à 25 % des apports protéiques, grâce au tourteau de colza ou, plus récemment, de tournesol. « Nous n'achetons depuis quinze ans que du soja HAB, c'est-à-dire produit hors de la zone amazonienne et, donc, sans déforestation. Et nous poursuivons la démarche en achetant depuis l'an dernier des certificats de soja durable RTRS ».
Enfin, la réduction de l'indice de consommation des porcs, permis par l'expression des progrès génétiques, grâce à l'adaptation de la nutrition porcine, se traduit aussi, sur vingt ans, par l'économie d'un tonnage équivalent carbone d'une ville de 35.000 habitants.

« Nous espérons lancer Duralim, notre charte partagée de durabilité, tout début janvier. Il s'agit d'une démarche socle qui sera aussi centre de ressources », annonçait au Space Valérie Bris, directrice adjointe de Coop de France Nutrition animale. Dès 2010, la nutrition animale a décidé de s'organiser collectivement pour apporter des réponses aux attaques sur sa contribution au changement climatique. « Nous avons d'abord constaté que nous conduisions déjà des actions et qu'il était nécessaire de les faire reconnaître. Une étude de 2008 avait déjà montré que 89 % du coût carbone des produits ani-maux étaient liés aux matières premières. Nous avons également identifié des pistes de progrès. Il n'est pas question de diaboliser telle ou telle matière première, mais de les valoriser au mieux. » Depuis 2014, la nutrition animale a donc créé une plateforme de dialogue sur la durabilité rassemblant toute la chaîne, fournisseurs de matières premières, importateurs, distributeurs, ONG et consommateurs.