Les difficultés financières de VNF pourraient conduire à une hausse des coûts du fret fluvial
Un rapport de la Cour des Comptes de février dernier épingle Voies navigables de France pour ses difficultés budgétaires. La structure devra chercher de nouveaux financements dans l’augmentation des péages et redevances de domaine pour les installations de chargement et déchargement de péniches.
Un rapport de la Cour des Comptes de février dernier épingle Voies navigables de France pour ses difficultés budgétaires. La structure devra chercher de nouveaux financements dans l’augmentation des péages et redevances de domaine pour les installations de chargement et déchargement de péniches.

« Il manque 200 millions d’euros par an pour maintenir le réseau fluvial en France, d’après la Cour des Comptes », a annoncé Didier Léandri, président d’Entreprises fluviales de France lors de son assemblée générale le 27 juin dernier. Outre les infrastructures vieillissantes et le besoin d’investissement dans la voie d’eau, le rapport de la Cour des Comptes pointe du doigt le manque de moyens humains pour la gestion des voies d’eau et l’équipage des barges. Voies navigables de France (VNF) avait déjà pris la décision le 4 novembre 2024 de relever pour 2025 les tarifs de la redevance hydraulique, acquittée pour les rejets et prélèvements d’eau dans le domaine fluvial publique, et les installations hydro-électriques. Mais pour les opérateurs du commerce des grains qui utilisent la voie d’eau, c’est surtout l’augmentation de la redevance domaniale liée à l’occupation des bords d’eau pour le fret qui inquiète.
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Le besoin de financement de VNF risque de peser sur les utilisateurs du fret fluvial
Cécile Avezard, directrice générale de VNF, a d’ailleurs souligné la nécessité de la hausse des redevances pour VNF le 27 juin dernier. « Si les péages augmentent pour le transport de marchandises, le trafic risque de s’arrêter avec la hausse des coûts du fret », s’inquiète ainsi Matthieu Blanc, directeur général de la CFT (Compagnie fluviale de transport) et président du collège armateurs d’Entreprises fluviales de France. Pour Bruno Bouvat-Martin, élu référent d’Intercéréales en charge de la logistique, « ce n’est pas le moment d’augmenter les redevances même si nous comprenons le besoin ». Et ce, alors que la filière céréalière essaye d’augmenter le recours au fret fluvial, notamment pour pallier le manque de camions et faciliter la décarbonation.
« Nous craignons également que la construction du canal Seine-Nord Europe soit freinée », selon Intercéréales.
« Nous craignons également que la construction du canal Seine-Nord Europe soit freinée, car les projets d’infrastructure sont les premiers arrêtés dans ce cas. Nous nous battons contre cela, car des coopératives comme Noriap à Languevoisin ont déjà beaucoup investi dans les plateformes multi-modales », déclare-t-il.
La mise à grand gabarit du canal Bray-Nogent rencontre des contestations de la part de collectifs écologistes.
Il s’inquiète également de l'avancement de la mise à grand gabarit du canal Bray-Nogent, qui rencontre des contestations de la part de collectifs écologistes. De façon plus générale, les chargeurs souhaiteraient améliorer la compétitivité du fluvial.
L'aide de l'Etat est sollité par les chargeurs pour les THC et autre aide à la pince.
« Nous avons besoin d’aides de l’État pour les THC [Terminal handling charges, frais de manutention sur terminal facturés par le manutentionnaire au transporteur maritime, ndlr] et les ruptures de charges liées au transport combiné (aide à la pince) », appelle Valérie Cornet, déléguée aux transports terrestres à l’AUTF, l’Association des utilisateurs de transport de fret.
Les céréales non concurrencées par les autres marchandises
La campagne 2024-2025 a été marquée par une forte baisse de l’utilisation de la voie d’eau par la filière céréalière, liée à la faible récolte et à l’activité export peu dynamique. En parallèle, « l’activité a progressé en chimie, engrais, métallurgie et surtout conteneurs », selon le président d’Entreprises fluviales de France.
Dans un contexte de vieillissement de la flotte et de pénuries de personnel, Intercéréales se montre rassurant sur le retour des céréales sur le fluvial. « Beaucoup de chargeurs sont allés sur la voie d’eau, puis l’ont abandonnée. De toute façon, plus les utilisateurs sont nombreux, plus il est facile de faire avancer les projets », affirme Bruno Bouvat-Martin. De plus, la multiplication des filières utilisatrices permet d’éviter les retours à vide, améliorant ainsi la compétitivité du transport fluvial.
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Les difficultés sur le fret routier accentuent la nécessité pour les céréaliers d’investir le fluvial
Dans le même temps, les chargeurs de grains rencontrent des problèmes avec le transport par camion, ce qui accentue le besoin de report modal vers le fluvial. « Nous peinons à trouver des camions, et allons payer la mauvaise récolte 2024 cette année, car les transporteurs retrouvent d’autres schémas logistiques ». De plus, le côté erratique de la production céréalière ces dernières années n’est pas pour rassurer les opérateurs du fret routier sur la filière.
« Le canal Seine-Nord Europe devrait d’ailleurs pallier le problème des limites de poids transfrontalier sur les camions pour l’exportation vers le Nord de l’Europe », selon Intercéréales.
« Le canal Seine-Nord Europe et son grand gabarit devrait d’ailleurs pallier le problème des limites de poids transfrontalier sur les camions pour l’exportation vers le Nord de l’Europe, d’où son importance pour la filière », renchérit l’élu d’Intercéréales.
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La voie fluviale, un moyen d’accélérer la décarbonation de la filière
Un des principaux enjeux dans l’utilisation de la voie d’eau pour le transport de céréales réside également dans la possibilité qu’elle offre pour réduire le nombre de camions sur les routes, et ainsi améliorer le bilan carbone des acteurs du secteur. Dans le contexte de la future application de la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) qui obligera les grosses entreprises à communiquer leurs bilans carbone et leurs stratégies pour limiter les émissions, « la décarbonation est une épée de Damoclès qui pousse à l’utilisation de la voie d’eau », affirme Bruno Bouvat-Martin.
Le biodiesel HVO pour les barges, une façon d’améliorer encore la performance carbone du transport fluvial
La filière est également intéressée par le verdissement de la flotte de barges, via l’électrification ou les biocarburants. « La fiscalité sur les carburants est également un point de vigilance pour nous », signale Pascal Rottiers, président de Fluviatrans et du collège artisans d’Entreprises fluviales de France. La suppression progressive de l’avantage fiscal sur le GNR (gazole non routier) depuis le 1er janvier 2024 et jusqu’en 2030 est également un point d’attention. Mais pour l’instant, les biocarburants HVO restent plus chers. « L’utilisation de HVO provoque une baisse de la marge de 70 000 € sur un bateau », précise Pascal Rottiers. Les chargeurs comme les entreprises du transport fluvial sont cependant à l’écoute des avancées dans ce domaine. « Le carburant HVO pour les péniches intéresse la filière céréalière dans le cadre du projet Multiregio sur la logistique fluviale d’Intercéréales. Même s’il revient plus cher, c’est un choix nécessaire d’autant plus que le coût est amoindri sur des gros volumes », déclare Bruno Bouvat-Martin, d’Intercéréales.
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