Les cours du sucre profitent d’un déficit record au niveau mondial
A 560 livres/t sur Londres, le prix du sucre a atteint un sommet historique depuis la création du contrat en 1983, et la hausse devrait se poursuivre
LES RECORDS récemment enregistrés par les cours du sucre, à 560 livres/t sur Londres, du jamais vu depuis la création du contrat en 1983, et 21,88 cents la livre à New York (un niveau atteint il y a vingt-huit ans), contrastent avec la mollesse observée sur les autres marchés agricoles. Si dans l’ensemble les prix se sont détendus cette année, ceux du sucre ont progressé de façon exponentielle depuis le début de la crise économique mondiale. Des difficultés climatiques et économiques expliquent cette tendance.
Sensibilité des fondamentaux
Malgré la crise, les consommations de sucre ont progressé de 1,9 % cette année, en recul par rapport aux progressions annuelles observées à plus long terme s’établissant aux alentours de 2,7%. Les pays émergents sont les moteurs de cette demande. L’Inde, dont les consommations progressent de 7,14 % en 2008/09 pour s’établir aux alentours des 22,5 Mt, participe à l’explosion des cours de l’or blanc. De plus, une forte chute des productions indiennes de sucre obligerait le pays à importer 2,7 Mt cette année et 5 Mt l’année prochaine. En septembre, les stocks indiens pourraient atteindre un niveau critique, inférieur aux trois mois de consommation, incitant le gouvernement indien à assouplir ses règles d’importations afin de permettre l’entrée de sucre raffiné. Au niveau mondial, les stocks s’établiraient à 20 Mt, avec un déficit de 8 Mt pour 2008/09, qui resterait de 5 Mt en 2009/10.
Un climat atypique tend le marché
Selon l’Unica (Union des industriels de la canne à sucre brésiliens), des pluies abondantes en juin sur les régions du centre-sud du Brésil, où 88 % de la canne à sucre est produite, ont réduit le nombre de jours où le broyage est possible. Ceci décale l’arrivée des productions brésiliennes sur le marché, avec 33,23 Mt récoltées au mois de juin, une baisse de 0,74 % par rapport à la même période un an plus tôt. En Inde, deux des principales zones de cultures de la canne sont touchées par la sécheresse (cf. carte). Sur l’ensemble du pays les précipitations baissent de 19 % par rapport à la moyenne historique. Ceci impacte la production 2008/09 qui s’établit à 14,7 Mt, une baisse de 50 % par rapport à 2007/08. Les analystes estiment déjà la récolte indienne 2009/10 en baisse de 15 %, à 17 Mt, en raison de conditions toujours très sèches lors des mises en culture.
Impact du crédit “crunch”
Dès le début de la crise, les cours du sucre ont profité des effets du crédit “crunch”. En effet, la contraction des offres en crédits bancaires, dont les exploitations agricoles sont dépendantes, a eu un impact négatif sur les achats d’intrants ainsi que sur les surfaces mises en cultures. L’anticipation par les opérateurs d’une baisse des rendements moyens et des disponibiltés à terme ont fait s’envoler les cours du sucre. Une demande mondiale toujours croissante n’a fait que renforcer cette tendance. En Inde, deuxième producteur mondial, mais surtout premier consommateur, les surfaces dédiées à la canne à sucre seraient en baisse de 5 % sur 2008/09, à 4,15 Mha.
Au Brésil, premier producteur mondial, si les surfaces ont progressé de 6,2 % cette année pour s’établir à 8,646 Mha, les rendements moyens à l’hectare baissent de 0,4 %. Les taux de sucre sont aussi impactés négativement par de fortes pluies ainsi qu’une baisse de l’utilisation des intrants.
Malgré les prix, les consommations mondiales de sucre progressent cette année, alors que les productions reculent de 7 %, à 156,62 Mt. Les cours du sucre ont ainsi gagné 77,27 % à Londres depuis le premier janvier et 92,27 % à New York. Les fonds d’investissements opérant des prises de positions massives ne font qu’accentuer cette tendance en soutenant la demande. En Europe, les tensions sur le marché mondial relancent les exportations du sucre hors quotas, ce qui contracte les stocks et ne permet pas aux prix de se détendre.