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Bioénergies
Les coops veulent jouer un rôle moteur

La valorisation énergétique de la biomasse est un enjeu économique majeur pour le monde agricole. Les coopératives ont développé de multiples projets

AVEC DES PRIX de pétrole élevés et des réserves en énergies fossiles qui ne devraient pas permettre d’approvisionner la planète pendant plus d’un siècle, l’agriculture fonde de solides espoirs sur le développement de la production d’énergie à partir de biomasse. Forte de nombreux atouts, comme celle de regrouper une large part de la ressource et d’avoir une vision globale de la filière, la coopération entend jouer un rôle majeur dans cette aventure. Pour les producteurs, cette perspective est synonyme de nouvelles valorisations et donc de revenus complémentaires. Mais elle va aussi permettre aux industries coopératives, gourmandes en énergie, de réduire le poids de ce poste en limitant leur consommation d’énergie fossile. Et c’est aussi un moyen de diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre. Coop de France a consacré, le 19 septembre, un colloque à ce thème au cours duquel divers projets ont été présentés.

La concertation inter-filières porteuse de solutions économiques

Si ces perspectives ont généré une certaine «effervescence», comme l’image Pierre Ducray, directeur de l’Union de la coopération forestière française (UCFF), «l’avancée des projets n’est pas toujours satisfaisante». Le «manque de concertation entre les filières» a souvent été un frein. La création en 2005, au sein de Coop de France, d’une commission biomasse réunissant producteurs agricoles et forestiers a permis d’avoir une «vision transversale». Elle a fait émerger des solutions s’appuyant sur plusieurs filières, des “mixtes biomasse” plus économiques et sécurisantes pour le consommateur.

Un projet de ce type a vu le jour dans le Vaucluse, à Maubec. Développée par la société EBV (énergie biomasse valorisation), il prévoit de valoriser 60.000 t/an de pulpes et pépins de raisin issus d’une distillerie et 63.000 t de plaquettes de résidus forestiers. Le marc n’étant disponible que huit mois par an, les déchets de bois permettent d’assurer un approvisionnement régulier du réacteur qui les transformera en gaz combustible. Celui-ci alimentera des générateurs d’électricité. La chaleur dégagée par les moteurs peut être vaporisée et réutilisée en industrie, voire alimenter une turbine fournissant, à son tour, de l’électricité. L’installation fera tourner six moteurs et une turbine pour une puissance électrique installée de 12,5 MW.

L’électricité, revendue à EDF dans le cadre d’un contrat sur quinze ans, profitera à la population locale. Avec 94.088 MWh, la production annuelle représente la consommation d’une population de 13.200 habitants, soit 8 fois celle de Maubec ! La production thermique atteindrait 81.068 MWh/an et le procédé devrait fournir 12 t/h de vapeur à la distillerie. Selon Thierry Pousse, gérant de Sorea énergie, cofondatrice d’EBV, 390.030 tep seraient économisées sur quinze ans. Mais attention, « ces installations ne sont pertinentes que si la biomasse est à proximité du lieu d’utilisation ». Si pour la distillerie ce projet constitue une voie supplémentaire de valorisation des déchets, l’entreprise forestière ne les exploite pas encore.

Autre point essentiel à évaluer dans le bilan : l’impact environnemental. En plus de l’économie d’énergie fossile, aucun gaz polluant ne serait rejeté dans l’atmosphère. Et la production de CO 2 par les moteurs serait égale à l’absorption des végétaux pour leur croissance.

Débuté en juillet 2004, le projet devrait être opérationnel en septembre 2008. Un délais long, « mais c’est le prix à payer quand on défriche un nouveau savoir-faire ». La technologie – déjà utilisée dans d’autres pays, et notamment aux états-Unis, en Australie ou encore, plus près de nous, en Italie et en Autriche (5MW) – peut fonctionner avec diverses matières premières, comme des pailles ou des balles de riz. Des études sont en cours pour l’étendre à des productions agricoles intéressantes au niveau énergétique et cultural, telles que le sorgho ou le miscanthus.

Chauffer des riverains aux résidus de lin

Autre projet porteur et ambitieux, celui de la coopérative Lin 2000 et de la commune de Grandvilliers (Oise), reconnu pôle d’excellence rurale en juin dernier. L’idée est de valoriser les coproduits issus du travail du lin textile. L’étape de teillage permet de séparer la fibre de la partie ligneuse qui représente 6.500 t sur une collecte de 14.000 t. 700 t de ficelles et poussières sont aussi récupérées. La filière lin oléagineux, moins développée en Picardie, apporterait 300 t de pailles. En tout, ce sont 7.500 t de coproduits qui doivent être gérées. «Un enjeu très important pour la coopérative », insiste Caroline Bertrand, chargée d’études Biomasse pour l’union Coopénergie Picardie. Ces sous-produits serviraient, au niveau de la coopérative, de combustible pour une chaudière biomasse (4 MW de puissance installée) qui produirait, en co-génération, de l’électricité (revendue à EDF) et de la chaleur. Elle permettrait, dans une seconde phase, d’alimenter un réseau de chauffage de bâtiments collectifs situés à proximité (logements sociaux, piscine, lycée, collège, hôpital et maison de retraite). La mise en place des réseaux principaux et secondaires est lourde en terme de travaux et d’investissement. Cela aurait, selon Claude Roy coordinateur interministériel de valorisation de la biomasse, pénalisé le développement de telles options en France. Une trentaine de réseaux seraient néanmoins déjà en place dans l’Hexagone.

La réduction des rejets de CO 2 permet un positionnement éthique de la coop

Le projet propose à la coopérative d’éliminer ses coproduits. Cela supprime aussi les coûts de transport que générait leur valorisation à l’export – par ailleurs moins rémunératrice – et limite les frais de stockage. Un élément est néanmoins essentiel à l’optimisation du projet, d’un coût total de 2 ME : « la revalorisation du tarif de vente de l’électricité à EDF,» très attendue selon Caroline Bertrand. D’un point de vue moins matériel, il permet un positionnement éthique de la coopérative qui limite ses émissions de gaz carbonique (CO 2). Enfin, elle créera un lien entre l’agriculture et son voisinage. Ce système, supposant une contractualisation sur quinze ans, permettrait en effet de diminuer le coût annuel du chauffage collectif de 30 % par rapport à une alimentation basée uniquement sur de l’énergie fossile, sachant qu’un couplage de sécurité avec le gaz reste nécessaire. La mise en route de la première phase est prévue pour avril 2007.

Si ces projets se basent sur la valorisation de sous-produits, ou “produits fatals”, certains ouvrent la voie à des solutions nécessitant de créer de la biomasse. Ils s’inscrivent dans la tendance réaffirmée par Pierre Ducray : « On entre dans une ère où le développement sera axé sur une production plus ou moins dédiée au débouché énergétique. » Dès 2007/2008, des contrats de culture annuels et pluriannuels vont se développer, assure pour sa part Claude Roy. Le rôle des coopératives agricoles, à même de structurer ces nouvelles filières, d’identifier les besoins et d’orienter la production en amont, jouera alors à plein régime.

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