Trituration européenne
Le tournesol se substitue au colza dont les disponibilités décroissent
Quelles sont les conséquences de l’abondance des graines de tournesol et la raréfaction des graines de colza ? C’est à cette question que Thibault Dumans, en charge de la commercialisation des tourteaux de colza et de tournesol à Saipol, s’est attaché à répondre lors des Journées Matières premières, organisées par l’Aftaa les 30 novembre et 1er décembre derniers.
L’UE importe davantage de colza
En 2010/2011, la production mondiale de colza (59 Mt) et de tournesol (33 Mt) représentaient le tiers du volume de soja récolté (262 Mt), qui constitue à lui seul 60 % des oléagineux totaux. Si, à l’échelle planétaire, la production de colza reste relativement stable depuis 2008/2009, celle de l’UE à 27, leader en la matière, décline depuis la récolte 2009, en raison d’une baisse conjuguée des surfaces et des rendements. Elle a perdu 3 Mt en trois ans, pour n’atteindre que 18,7 Mt en 2011. Dans le même temps, alors que la récolte du second producteur qu’est la Chine est relativement stable, on observe une montée en puissance du Canada, en troisième place sur le podium. Pour 2011, Saipol estime que sur les 14 Mt de canola OGM produites, la moitié sera triturée sur place et l’autre sera exportée, à raison de 5,25 Mt sur l’Asie/ Pacifique, 1,85 Mt sur Mexique/États-Unis et quelques 300.000 t sur l’Union européenne, qui fourniront des tourteaux transgéniques qu’il faudra bien écouler. Certes, le Canada ne fait pas encore figure de favori en terme de pays fournisseur de l’Union européenne mais il est « à surveiller », souligne Thibault Dumans. C’est l’Australie qui remporte la première place avec 1,8 Mt expédiées sur l’UE, sur leurs 2 Mt de graines conventionnelles exportables. En seconde position vient la CEI pour 1,5 Mt, dont 1,4 Mt pour la seule Ukraine.
Au sein de l’UE qui totalise 18,7 Mt de colza en 2011 (contre 20,5 Mt en 2010), la France a cette année devancé l’Allemagne, leader en la matière en temps normal. Avec 5,2 Mt (4,8 Mt), l’Hexagone prend la tête, outre-Rhin la récolte n’ayant pas dépassé les 4,1 Mt (5,7 Mt) en raison de conditions climatiques déplorables. Viennent ensuite le Royaume-Uni avec 2,2 Mt (2,5 Mt) et la Pologne avec 2,1 Mt (1,9 Mt). A noter que cette dernière est déficitaire en graines de colza car elle possède d’importantes capacités de trituration, à l’image de l’Allemagne qui est une véritable « pompe à colza ». A l’inverse, la France et le Royaume-Uni sont des exportateurs nets de colza. Globalement l’UE doit importer des graines pour satisfaire les besoins des triturateurs. Et ce d’autant plus quand la production européenne fait défaut. Cette campagne, ce sont 3,6 Mt de graines de colza qui ont été importées, contre seulement 2,75 Mt l’exercice précédent.
Le stock final de colza européen va en s’amenuisant
Pour 2012/2013, la production est prévue à 19,8 Mt et les importations à 3,1 Mt pour assurer une trituration de 22 Mt (contre 21,35 Mt en 2011/2012 et 22,18 Mt en 2010/2011). Le chiffre prévisionnel de récolte a été défini en estimant qu’il n’y aura pas d’aléa climatique en Allemagne et en France, avec une production roumaine de 0,5 Mt. « Il y a de quoi s’inquiéter, souligne Thibault Dumans. Pour la Roumanie, la Bulgarie et l’Ukraine, le temps est trop sec aujourd’hui pour permettre un bon développement du colza et passer sereinement l’hiver. »
Plus alarmant encore, même en l’absence de problème météorologique, le stock final va en s’amenuisant : 1,38 Mt en 2010/2011, 1,30 Mt en 2011/2012 et seulement 1,2 Mt estimé en 2012/2013, soit un ratio stock final/utilisations qui passe de 6,2 % à 6,0 % pour atteindre 5,5 % la campagne prochaine.
Le tournesol à la production croissante entre davantage en trituration
Si l’on regarde le bilan européen de la graine de tournesol en 2011/2012, on observe une hausse de la production par rapport à 2010/2011 (de 7,2 à 8,1 Mt), qui a permis de triturer près d’1 Mt de graines en plus (soit 6,9 contre 6 Mt), tout en confortant les stocks finaux à 0,22 Mt (contre 0,18 Mt). Cette hausse de la production est quasi générale aux États membres producteurs, avec à leur tête la France (1,91 contre 1,66 Mt) suivie de près par la Roumanie (1,66 contre 1,45 Mt) puis par la Bulgarie (1,35 contre 1,38 Mt) et la Hongrie (1,35 contre 1,07 Mt). « Cette progression des stocks européens va permettre de compenser le déficit de colza sur la France et l’Europe », indique le représentant de Saipol. Ainsi la trituration européenne de tournesol en 2011 doit passer de 21 % à 25 %, au détriment du colza. En France, la tendance est plus marquée, avec une progression de 6 points (de 24 à 31 %). « Un chiffre prévisionnel à aujourd’hui car la France va sûrement triturer davantage de tournesol », précise Thibault Dumans. Ainsi Saipol envisage-t-il de « triturer davantage de tournesol que les autres années, notamment sur ses usines du nord de la France », qui n’ont pas l’habitude de le travailler.
A ces disponibilités européennes, il faut ajouter les volumes de graines de tournesol potentiellement exportables de la Russie et de l’Ukraine, qui ont vu leurs récoltes exploser en 2011/2012 par rapport à la campagneprécédente, avec respectivement 9,2 Mt (5,6 Mt) face à une trituration de 8,2 Mt et 8,7 Mt (8,0 Mt) pour une trituration de 8,2 Mt. La tendance haussière suivit par les importations européennes de graines de tournesol, qui ont cru de 20 % à 360.000 t en 2011/2012, pourraient encore s’accentuer la campagne prochaine au vu des incertitudes concernant la récolte de colza 2012.