Le secteur de la volaille passe à l'attaque
Reconquérir le marché national de la volaille, un objectif partagé par les éleveurs avicoles réunis en congrès à Orvault, le 30 octobre. Avec l'alliance LDC-Sofiprotéol, le visage de la volaille française se modifie sur le long terme. L'industriel sarthois vise à récupérer au moins 1,5 M de poulets frais importés par semaine. Les éleveurs y croient.

Reconquérir le marché français. Voici l'idée de fond qui sous-tendait tout le congrès de la Confédération française de l'aviculture à Orvautl (44), le 30 octobre. Le constat est largement partagé : la filière poulet export française n'est plus ce qu'elle était et les importations ne sont plus acceptables. La morosité reste pourtant forte : entre janvier et août 2014, les abattages de poulet ont régressé de 8,2 % en nombre et de 5 % en tonnage. Les pertes sont pour l'essentiel celles de petits poulets destinés aux marchés d'exportation. Sur ce segment, l'entrée du principal client de Doux à son capital donne un signal positif, mais la mise en liquidation judiciaire de Tilly Sabco, dont l'avenir sera définitivement connu le 30 novembre, laisse augurer des bâtiments à reconvertir.
“La restauration importerait 60 % de ses besoins en poulet et l'industrie 68 %.
Par ailleurs, la croissance nationale de la consommation (+60 % en poulet depuis 1990) est principalement couverte par les importations. Pour l'ensemble des volailles, leur part était de 31 % en 2013, et le chiffre est encore plus important pour le seul poulet (42 %). Sans compter que certains segments sont encore plus friands d'imports. Ainsi, la restauration achèterait 60 % de ses besoins en poulet sur le marché international. Ce chiffre atteindrait 68 % pour l'industrie, selon les dernières données diffusées (année 2012). « Sur les 300.000 t utilisés en PAI (produit alimentaire intermédiaire), 80 % sont importés », affirmait Denis Lambert, président du directoire du leader français LDC, le 17 octobre dernier lors de l'annonce de l'alliance LDC-Sofiproteol. La part de l'ensemble des importations dans la consommation française de poulet aurait toutefois tendance à se stabiliser, selon FranceAgriMer.
Quelque 3 millions de poulets par semaine...
Actuellement, 3 millions de poulets seraient importés chaque semaine, pour moitié congelés – un marché qui sera difficile à reconquérir car les coûts de production brésiliens sont trop bas – et pour moitié en frais. Pour nourrir les 1,5 million de poulets importés par semaine en frais, il faudrait entre 250 et 260.000 t d'aliments/an, avec un indice de consommation moyen de 1,7 kg aliment/kg de poulet. Et même si la reconquête du marché passe par le développement des poulets lourds mieux adaptés au marché de la transformation, mais plus consommateurs (IC = 1,8), avec notamment l'objectif de LDC de 1,5 M de poulets hebdomadaires dans les trois à quatre prochaines années, l'industrie de l'alimentation animale ne remontera pas à ses plus hauts niveaux. Ainsi, l'industrie le secteur produisait plus de 9,75 Mt d'aliments pour volailles à son plus haut, en 2000, alors qu'elle n'en attend plus que 8,63 Mt cette année.
Ne serait ce que pour consolider les volumes actuels, les tensions entre acteurs, notamment en Bretagne, vont probablement être fortes: le groupe Triskalia (17 usines d'aliments avec Triskalia et Nutrea) est particulièrement visé par l'évolution du poulet export. Or, si LDC amont alimente l'essentiel des sites LDC actuels, c'est Sanders qui, dans l'alliance LDC-Sofiprotéol, conserve son statut de fournisseur de vif pour les outils bretons.
Le regroupement dans la nouvelle société bretonne de volailles (95 % LDC, 5 % Sofiproteol) des 2 abattoirs et 3 sites de transformation Sanders avec les 4 abattoirs et 2 sites d'élaborés de LDC va massifier les achats mais, surtout, permettre de poursuivre la spécialisation des sites avec 100 M€ d'investissements déjà annoncés. Le cas de Blancafort dans le Centre sera probablement plus compliqué, car l'outil n'a pas trouvé de rentabilité depuis qu'il a été racheté par Sofiproteol lors du démantèlement de Doux. Un vrai défi pour les Sarthois, déjà présents dans la région Centre avec Volabray. Il faudra de toute façon développer l'élevage dans le Centre pour massifier ses approvisionnements. Dans ce concert, la fermeture par Gastronome de son site de Luché Pringé, début 2015, site pourtant annoncé l'an dernier comme l'outil destiné à fournir KFC, ne devrait pas réduire sa production puisque les volumes seraient rapatriés sur les autres sites de la coopérative.
Les éleveurs suivent. Stéphane Dahirel, président de Gaevol, le groupement des éleveurs travaillant avec Sanders, voit ainsi le rapprochement d'un bon œil. « Nous n'avons pas de réserve a priori », dit-il. La présence de Denis Lambert lors du congrès de la CFA pointe d'ailleurs un facteur clé : la filière a besoin d'éleveurs et d'éleveurs qui investissent. Jean-Philippe Puig (DG Sofiprotéol) a d'ailleurs déjà annoncé que les deux groupes aideraient à la modernisation des bâtiments. Un facteur clé de succès, le parc de bâtiments français étant bien plus ancien en moyenne (22 ans) que le parc belge (10 ans), selon Patrick Van Den Avenne (du groupe belge éponyme) qui intervenait à la CFA. Il faudra aussi probablement faire évoluer les contrats entre éleveurs, organisations de production et abattoirs. Y. Boloh