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Bilan de campagne / Perspectives
Le marché des céréales bio est en plein essor

Alors que la campagne 2009/2010 s’achève et que les moissons ne sont pas encore tout à fait mûres, le marché des céréales et oléoprotéagineux bio reste ferme, à l’in­ver­se du conventionnel. Encore marginal, évalué à 200.000 t environ en 2009, il suscite un intérêt croissant, porté par une consommation moins touchée par la crise.
    Cela explique certainement l’accélération des conversions ce premier semestre 2010 : sur les quatre premiers mois, l’Agence Bio en a comp­té 1.500 supplémentaires, soit 375 agriculteurs par mois toutes productions confondues, qui ont opté pour la bio. « Du jamais vu, et la ten­dance se confirme », commen­te son président Pascal Gury, céréalier en Vendée et représentant de Coop de France, pour qui l’objectif de 6 % de la surface agricole en bio en 2012, conformément aux visées du Grenelle, est un challenge réalisable.
    Fin 2009, la bio française s’étend sur 677.513 ha, dont 22 % en conversion, pour 16.446 exploitations, soit 2,46 % des terres en bio, et 3,1 % des fermes. « Le pourcentage peut paraître encore faible, mais le mouvement s’accentue, sachant que la consommation bio résiste à la crise, notamment en GMS et en restauration collective », résume la directrice de l’Agence Bio, Elisabeth Mercier. Alors que les prairies et cultures fourragères s’étendent sur 66 % de la surface bio, les céréales, oléagineux et protéagineux en occupent 23 %, soit 135.353 ha (+13,3 % par rapport à 2008), ce qui ne correspond encore qu’à 1,1 % de la Scop nationale.

Un bond historique
    En céréales, les surfaces en conversion ont fait un bond historique de 83 % (+ 21.749 ha), touchant aussi certaines régions jusqu’à présent connues pour être plutôt hermétiques à ce mode de production, comme la Champagne-Ardennes, ou la région Centre. Au total, elles atteignent 103.928 ha fin 2009, (soit 1,1 % de la surface en céréales). Les opé­rateurs sont tous conscients que le marché sera vite sensible à cette progression, déjà pour cette prochaine campagne en alimentation animale avec l’arrivée de volumes en C2 (conversion 2e année, dont l’incor­poration est limitée à 30 % dans les formulations), mais surtout les suivantes : « Nous pourrons ainsi réduire les importations qui, pour l’instant, étaient nécessaires dans un marché plutôt déficitaire », commente Jean-Louis Dupuy-Couturier, dirigeant de la minoterie éponyme basée dans la Loire et co-président de la section bio de l’ANMF. D’autant plus que le report de stock, évalué à ce jour à 12.500 t en blé meunier, sert de tampon  pour entamer le début de la campagne. Selon la section bio d’Intercéréales, qui rassemble tous les opérateurs de la filière, la récolte 2010 en blé tendre, annoncée plutôt jolie avec toutefois de fortes incertitudes selon les zones, devrait progresser de 20 % avec un volume estimé à 67.000 t (contre 55.000 t en 2009 pour 90.000 t d’utilisation)(1). Néan­moins, quelques bémols sont à prendre en compte, comme un risque de déclassement accru du meunier en fourrager en raison de conditions météo moins favorables dans certaines régions, comme le Sud-Est. D’où des incertitudes sur l’évolution des prix.

Relocalisation 
    La relocalisation des achats est une tendance de fond. Les moulins cherchent des céréales cultivées sur place et incitent aussi aux conversions (lire le cas de Decollogne dans La Dépêche de la semaine dernière). Réduire le bilan carbone en est une des raisons, mais c’est surtout la volonté de consolider la crédibilité de la filière qui prime. « Nous devons sécuriser au maximum nos achats, nos gros clients deviennent de plus en plus exigeants sur ce point, pour réduire au maximum les risques d’approvisionnement douteux », explique Jean-Louis Dupuy-Couturier. La modification, au 1er juillet, de l’étiquetage de la bio préemballée liée à la nouvelle réglementation bio européenne, renforce cette évolution. En effet, l’origine de la culture des matières premières –UE ou hors UE– doit désormais être indiquée sur l’étiquette, avec possibilité de préciser le pays de production. « C’est une avancée qui va clarifier le marché, reconnaît le meunier, et ainsi contribuer à estomper les distorsions de concurrence. »

Réduire les importations
    Au terme de la campagne, 15.000 t de blé auraient été achetées hors frontières par les meuniers et 20.000 t par les organismes stockeurs (données déclaratives à FranceAgriMer). Les prix d’achat en culture ne sont évidemment pas au même niveau entre l’Ukraine ou le Kazakhstan, contrées très engagées dans une bio extensive, et la France. Au sein de l’UE, l’Italie est un fournisseur traditionnel dont l’approche nécessite une expertise. Pourtant, tous les opérateurs sont d’accord pour affirmer que la traçabilité a un coût, mais que la bio importée à bas prix n’assurera pas la durabilité de la filière. D’où la nécessité d’une approche “responsable”. Comme le confirme Nicolas Lecat, directeur d’Agribio Union, regroupant cinq coopératives (Alliance Occitane, Coop Agribio, Union Pau Euralis, Terres du Sud, Union Gascogne) et basée dans le Tarn, « certains transformateurs se montrent compréhensifs et ne tiennent pas compte de niveau de prix très bas, qui restent suspects en termes d’origine et de traçabilité, comprenant qu’il serait malvenu de proposer des prix aux niveaux des origines lointaines. La part d’importations est amenée à baisser, grâce aux conversions. » Les productions ont tendance à se diversifier, tirées par une demande locale en graines variées comme le lin, sésame, quinoa, haricot rouge, sarrasin… « Des produits historiquement achetés ailleurs, comme en Chine, mais qui se relocalisent aussi par besoin de sécurité alimentaire. » Seul problème : les prix français
peinent à s’imposer… « Il faudra trouver des compromis…» Bref, atteindre un équilibre subtil, au risque de freiner la bio française dans son élan.

Etre cohérent
    « L’exemple du plongeon du cours du tournesol bio, notamment dans le sillage des prix allemands, a provoqué la baisse des surfaces, avec un report sur la culture du soja », illustre le collecteur tarnais. Si bien que cette année, une tension sur les prix de tournesol se dessine, tandis que les cours de la graine de soja bio risquent de s’essouffler. Cet exemple de yoyo d’une année sur l’autre est contraire à l’essor des filières. « En céréales fourragères, les prix semblent pour l’instant se maintenir, d’autant plus qu’en alimentation animale, l’approvision­nement local est également privilégié.» Le cahier des charges, qui oblige à 50 % de matières premières “régionales” dans les formules, en est la principale raison. Certes, le concept de région peut être large, et parfois transfrontier avec la Belgique, l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne, mais la plupart des opérateurs de l’alimentation animale jouent la proximité et incitent aux conver­sions. Partout en France, l’envolée de la filière des monogastriques, surtout de l’œuf bio, est moteur.
    La production d’aliments bio, avoisinant 120.000 t, tire le marché, et des usines renforcent leurs positions. La nouveauté, c’est que la culture du soja pour l’alimentation animale est encouragée, même dans des régions plus au nord de la France. Les sites d’extrusion se mettent en place, malgré des coûts de revient plus élevés. « Il faut rester cohérent, et pour être durable, soigner ses ressources, c'est-à-dire ses producteurs, ainsi que la qualité et traçabilité », insiste de son côté Jean-Charles Cizeron, fa­bri­cant d’aliments à La Gimont dans la Loire. Bref, éviter les dérives.

(1) Estimations France AgriMer

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