Blé/rendements
Le changement climatique pèse sur la productivité
Les rendements du blé stagnent. Mais fertilisation et protection phytosanitaire seraient hors de cause
LES RENDEMENTS des céréales ont tendance à stagner. En blé, « depuis 1990/1992, la progression annuelle des rendements est nulle », a expliqué Gilles Charmet, chercheur à l’Inra de Clermont, lors d’un colloque organisé par l’Inra le 24 février au Salon de l’agriculture.
Le constat repose sur une analyse par ajustements linéaires sur des fenêtres glissantes de quinze ans depuis 1952. « La stagnation est significative dans la majorité des départements, et aurait commencé peut-être un peu plus tôt dans le sud du pays », a précisé l’expert. La France n’est pas un cas isolé. La stagnation des rendements en blé a commencé en 1989 en Espagne et 1994 en Italie.
Le progrès génétique se poursuit, mais les rendements ne progressent plus
Pour le chercheur, il ne s’agit pas d’un problème de renouvellement variétal. « En blé tendre, les variétés sont en moyenne âgées de sept ans », a précisé le spécialiste. Qu’il s’agisse de semences certifiées ou produites à la ferme, la vitesse de renouvellement est quasiment la même. Et corrigé de l’effet année, « le progrès génétique s’est poursuivi de 1994 à 2007 », a signalé Gilles Charmet, chiffres à l’appui.
Faut-il accuser les apports azotés ? Certes, les doses ont évolué. Mais d’après Philippe Gate, ingénieur chez Arvalis, les apports ont en moyenne progressé de 20 unités/ha de 1994 à 2000 avant de diminuer du même volume de 2000 à 2008. Le fractionnement des apports, qui favorise une meilleure efficience de l’azote, aurait plutôt eu pour sa part tendance à faire progresser les rendements de 0,5 à 1,3 q/ha. En fait, « depuis 1970, la biomasse produite par la plante reste la même, soit environ 12,5 tonnes/ha en moyenne », a conclu le spécialiste. Le volume d’azote apporté ne constitue donc pas un facteur limitant du rendement.
La protection phytosanitaire n’est pas davantage en cause. Si l’indice de fréquence de traitement a baissé de 25 % en dix ans, les analyses montrent que la perte de rendement qui lui est imputable n’est pas supérieure à 2 q/ha sur la période. Reste donc le réchauffement climatique. Pour Philippe Gate, « le climat a une influence plus importante depuis 1990. » C’est ce que montre par exemple la mise en relation des écarts de rendements avec les variations interannuelles du déficit hydrique à montaison. Pas de solution miracle pour renverser la tendance. Un travail sur les stratégies d’esquive et sur des systèmes de culture plus adaptés semble nécessaire.
De la variété aux dates de semis en passant par la diversification de la rotation, de nombreuses pistes restent encore à explorer. Le sujet en vaut la peine. Pour Jean-Pierre Butault, chercheur en économie publique à l’Institut de recherche national, « la stagnation des rendements est à l’origine de l’essoufflement des gains de productivité en agriculture. »