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L’avis du Cese sur la gestion de l’eau en agriculture irrite
Deux points n’ont pas fait consensus lors des discussions à la base de l’avis du Comité économique, social et environnemental (Cese) sur “La gestion et l’usage de l’eau en agriculture” : la fiscalité écologique et les usages de l’irrigation...

L’avis du Cese sur “La gestion et l’usage de l’eau en agriculture” est idéologique et manque de pragmatisme, réagit Michel Prugue, président du groupe coopératif Maïsadour. Ce rapport nous surprend et nous choque parce qu’il n’y a pas de volonté d’organiser le territoire pour stocker une ressource vitale pour l’agriculture, au moment où elle est excédentaire. Et le côté punitif d’une fiscalité écologique, qui laisse à penser qu’il suffit de taxer un certain nombre de produits pour que leur consommation baisse, est une erreur outrancière, dans la mesure où l’agriculteur n’utilise pas des intrants pour son plaisir, surtout au prix où ils coûtent ! » L’avis du Cese, publié le 23 avril, intègre la démarche transversale de la politique nationale de l’eau conduite en cette année 2013, avec les conclusions attendues fin juin de la mission Martin. Commanditée en novembre 2012 par les ministères de l’Environnement et de l’Agriculture, elle devrait faire des propositions concrètes afin d’assurer une gestion quantitative de l’eau, qui « réponde tant aux attentes des agriculteurs qu’à la nécessité de préserver l’environnement », précise le gouvernement.
La culture du maïs irriguée sur la sellette
L’avis prône le remplacement du maïs par « des modèles plus efficients pour l’utilisation de l’eau ». « Un véritable non-sens quand on sait que le maïs est la plante la plus efficiente en eau », indique l’AGPM et Irrigants de France dans un communiqué commun. « Le maïs est capable de transformer l’eau en quintaux, à raison de 100 mm pour 30-45 q supplémentaires selon le type de sol », illustre Daniel Martin, président des Irrigants de France.
De plus, si dans certaines régions des alternatives au maïs existent, comme en Poitou-Charentes (cf. encadré), « dans les sols sablonneux des Landes, le maïs est la seule céréale à donner des résultats réguliers, argue Michel Prugue. Plus de 50 % de la récolte est utilisée localement, principalement par la nutrition animale, pour l’élaboration de produits, souvent couverts par des signes de qualité. »
Mais la culture du maïs implique une disponibilité en eau sur la période estivale... « D’où la nécessité de stocker l’eau excédentaire, qui tombe en hiver, pour pouvoir l’utiliser en été, insiste Daniel Martin. Mais une centaine de petits projets de retenues collinaires, principalement dans le Sud-Ouest et le Sud-Est, sont bloqués, dans l’attente fin juin des résultats de la mission Martin. » Dans ce cadre, « les Irrigants de France demandent une simplification des procédures dans les dossiers concernant des structures inférieures à 300.000 m3, un délais limite de dépôt de recours (avant la mise en service de l’installation voire le début des travaux !) et un soutien financier de la part des Agence de l’eau (les moindres prélèvements des agriculteurs favorisant les autres usages de l’eau...) », détaille Daniel Martin.
Une taxe Azote conjuguée à une hausse de la taxe Phyto
L’avis du Cese recommande de « développer les procédés agronomiques pour réduire l’emploi des intrants de synthèse » et de « renforcer leur appropriation grâce à des financements provenant d’une redevance progressive sur les engrais azotés minéraux et de l’augmentation de la redevance sur les produits phytosanitaires ».
Ces préconisations ont été édictées au vu du constat que « 55 % de la SAU française est classée en zone vulnérable au titre de la directive nitrate de 1991 » et que les résultats des démarches engagées « tardent à apparaître, exception faite de certains territoires », argumente Florence Denier-Pasquier, rapporteuse du dossier et vice-présidente de FNE. « Tous les travaux, qui ont été menés depuis plus d’une décennie, montrent une baisse du taux de nitrates dans l’eau d’une manière conséquente », rétorque Michel Prugue, qui ajoute : « Il ne faut pas aller dans l’excessif permanent, à ne plus savoir poser de limite à la baisse », insiste-t-il. Et Daniel Martin de compléter : « Nous n’en sommes plus à l’application systématique des intrants : grâce aux outils d’aide à la décision, l’agriculteur met des produits en cas de besoin à des doses précises. »
Cette fiscalité écologique serait aussi de nature à créer des distorsions de concurrence, avec les exportateurs européens, ukrainiens et autres. « S’ils ne paient pas de taxes Azote et Phyto, ils arriveront avec des produits moins chers sur le marché », note-t-il.