L'agroalimentaire et l'État en croisade contre la guerre des prix
Au Sial ou dans les ministères, la guerre des prix dans laquelle se sont lancées les grandes enseignes de la Distribution fait l'objet de vives critiques. La dernière réunion qui s'est tenue au ministère de l'Agriculture semble avoir débouché sur un certain apaisement entre industriels et distributeurs.








La guerre des prix que mènent les grandes enseignes de la distribution étrangle nos industries de transformation, dévore nos marges, pourtant déjà très faibles, et amenuise tous les projets d'investissements », dénonçait Jean-Philippe Girard, président de l'Ania, lors de la clôture des Assises de l'Alimentation au Sial le 21 octobre. « Mais identifier le problème ne suffit pas. Le préalable, c'est évidemment l'application de la loi », a t-il martelé avant de prévenir le gouvernement : « si les négociations dans le cadre de la loi Hamon sont pires que les précédentes – et les récents rapprochements de centrales d'achat ne nous incitent pas du tout à l'optimisme – alors il faudra accepter que la loi n'a pas rempli son objectif et nous demanderons officiellement une nouvelle loi. » « Nous ne devons pas payer cette guerre », relevait le patron de l'Ania la veille, au cours d'une table ronde organsiée par Coop de France, pour le lancement de son pôle agroalimentaire au Sial.
Également invité, Jacques Creyssel, patron de la Fédération du Commerce et de la Distribution, semblait indiquer un début de changement de mentalité des distributeurs, rappellant que la consommation des produits n'avait « pas bougé depuis sept ans », que « le pouvoir d'achat recule, et que le modèle de la Distribution a beaucoup changé » ces dernières décennies. « Nous pouvons faire en sorte de travailler à augmenter la valeur ajoutée de toute la chaîne, sur la logistique par exemple. Nous avons de vrais sujets communs sur le moyen et long termes. Nos négociations commerciales ne doivent pas nous empêcher d'avancer ensemble », a expliqué le représentant de la Distribution. Le déroulement des négociations commerciales permettra de vérifier si les opérateurs sont passés de l'affrontement à la co-construction, comme en appelle l'ensemble de la filière agroalimentaire. Mais pour cela, il faudra sortir de la course au prix le plus bas, et que tous les distributeurs, y compris E Leclerc (qui n'adhère pas à la FCD), jouent le jeu. Les rapprochements prévus entre Auchan/Système U et Casino/Intermarché, dans le but d'une mise en commun de leurs achats auprès de leurs fournisseurs, ne sont pas de nature à rassurer la filière agroalimantaire. L'autorité de la Concurrence rendra un avis sur ces mesures.
Un comité de suivi des négociationsTrès sollicité par l'industrie agroalimentaire en cette période de début de négociations tarifaires et, aidé par l'actualité du Sial, le gouvernement a cherché tout au long de la semaine à la rassurer et à mettre en garde la Distribution de nouveaux dérapages. Une réunion était organisée jeudi entre producteurs, industriels et distributeurs, accompagnés des ministres Stéphane Le Foll, Emmanuel Macron et Carole Delga, à l'issue de laquelle a été décidée la mise en place d'un Comité de suivi des négociations. Celui-ci a notamment pour objectif de vérifier que les gains permis par le Cice ne viendront pas nourrir des baisses de prix. Ce crédit d'impôt « doit être utilisé pour l'emploi et pas pour financer la guerre des prix », a averti le ministre de l'Agriculture. « Nous avons dit de façon claire que le Cice ne serait pas utilisé dans les pratiques commerciales », a répondu de son côté Jaques Creyssel pour la FCD. Plus globalement, le gouvernement veillera au bon déroulement des négociations, précisant que « l'esprit n'est pas de se taper les uns sur les autres. Il n'y a pas de stigmatisation, mais s'il y a des pratiques abusives, elles seront sanctionnées », a prévenu le ministre de l'Économie.
« La baisse des prix pourrait avoir un impact positif pour les consommateurs, mais dans une phase de déflation, la consommation n'augmente plus puisque les gens attendent que les prix baissent. On est arrivé au bout du processus », estime Stéphane Le Foll, mnistre de l'Agriculture. Certes, mais les indicateurs actuels, recul générale des cours des céréales et oléagineux notamment, pèsent plutôt en faveur d'un nouveau repli des prix à venir. Le décret sur la clause de renégociation compte tenu de l'évolution des prix des matières premières (cf. page 4) milite dans ce sens cette année. « Il est normal que lorsque les cours des matières premières reculent, les prix alimentaires baissent », estime Jacques Creyssel de la FCD.
Par rapport aux précédentes réunions de ce genre, il semble que les relations entre la filière agroalimentaire et distributeurs évoluent dans le bon sens. « Les mots de loyauté et de co-construction ont été prononcés. La réunion était moins dure, chacun était à l'écoute de l'autre. C'est clairement un pas en avant et un changement d'état d'esprit », déclarait Philippe Girard à la sortie de la réunion. La veille, la FCD et la fédération des entreprises et entrepreneurs de France s'accordaient sur un code de bonnes conduites pour des négociations commerciales plus loyales. Cet accord vise notamment à prendre en compte les spécificités des PME et en particulier de respecter la clause de renégociation, « en fixant un délai de deux mois pour aménager une éventuelle évolution des prix ».