Céréales / Importations
L’Afrique du Nord de plus en plus dépendante
Une demographie exponentielle, couplée à des facteurs de hausse limités de la productivité agricole, rend l’Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye et Egypte) dépendante aux importations de céréales, et donc sensible à la volatilité des prix. C’est le constat fait par le Ciheam (Centre international des hautes études agronomiques méditerranéennes) dans sa note d’alerte parue le 14 janvier et rédigée par Sébastien Abis, administrateur et analyste politique de l’organisation.
Les budgets publics nord-africains mis à mal par la volatilité des prix du blé
«L’accroissement de la population en Afrique du Nord, parallèlement à une raréfaction des ressources, notamment hydriques, a toujours poussé les paysans du sud de la Méditerranée à faire preuve d’ingéniosité afin de s’adapter », explique Sébastien Abis. Si la population urbaine d’Afrique du Nord est croissante, les ruraux sont également de plus en plus nombreux. Cependant, ces paysans, parfois loin des centres urbains, n’ont pas accès à ces marchés tournés vers une économie globalisée. Ceci entraîne un sous-investissement dans ces agricultures, qui ne peuvent profiter des opportunités de marché au niveau national et donc n’accroissent plus, ou faiblement, leurs rendements. Aussi, depuis 2004, l’Afrique du Nord ne représente-t-elle que 2 à 3% de la production mondiale de blé avec de fortes disparités entre les pays. Si le Maroc ou l’Egypte produisent 50 % des céréales qu’ils consomment, selon les années, le chiffre tombe à 10 % pour l’Algérie ou la Libye. La zone a vu sa consommation de blé passer de 32,3 Mt en 2004/2005 à plus de 40,1 Mt sur 2010/2011, selon Sébastien Abis. Soit une hausse de 24 % de la consommation de blé en Afrique du Nord, contre une croissance mondiale de 9 %. « Avec 6 % de la consommation mondiale de blé, l’Afrique du Nord consomme deux fois plus de blé qu’elle n’en produit sur les dernières années », remarque Sébastien Abis. Ainsi, ces pays représentent une part moyenne annuelle de 16 à 19 % du volume mondial des importations de blé. Au total, l’Afrique du Nord importait 16,4 Mt en 2006/2007 et 22,3 Mt en 2010/2011. Au passage, l’analyste souligne aussi la hausse des besoins de la zone en maïs en raison du développement de l’élevage de gros ruminants. L’Afrique du Nord compterait ainsi pour 12 % en moyenne des importations mondiales de maïs en raison des difficultés à produire cette culture sous irrigation.
« Cette année, les budgets publics nord-africains dédiés à l’amortissement des chocs de prix pour rendre accessible l’alimentation au plus grand nombre pourraient être à nouveau difficiles à gérer », souligne Sébastien Abis, en faisant référence à la crise de 2008. Selon ce dernier, la répétition des épisodes inflationnistes pourrait se révéler très délicate à assumer pour les Etats. De plus, l’analyste politique indique que ce type de scénario pourrait se renouveler dès 2011.