Développement durable
L’affichage carbone pour se démarquer
Les consommateurs souhaitent obtenir de plus en plus d’informations sur les produits qu’ils achètent. Une indication du poids carbone de ces derniers pourrait devenir obligatoire d’ici à 2011
IMPACT. Lorsque l’on sait qu’un tiers des émissions de CO 2 sont liées à la chaîne alimentaire, l’obligation d’ici à 2011 de renseigner les acheteurs sur le poids carbone de leurs consommations pourrait faire changer les systèmes de différenciation des produits. En effet, l’un des axes du Grenelle consiste en l’amélioration de l’information des consom-mateurs quant à l’impact qu’auront leurs actes d’achats habituels, notamment alimentaires, en termes d’émission de gaz à effet de serre (GES). En ce sens, un système d’étiquetage par les industriels sur leurs produits, ou d’affichage carbone par les distributeurs dans les rayons, pourrait être mis en place. La deuxième option serait apparemment retenue.
Une nouvelle signalisation
Greenext, une entreprise française proposant de calculer le poids carbone des produits distribués en grandes et moyennes surfaces (GMS), fait partie des pionnières en la matière. En effet, cette jeune société, créée en 2007, a développé une méthode de calcul qui se base sur des données génériques représentatives du marché. Ceci afin d’élaborer un modèle tenant compte de l’ensemble du cycle de vie du produit. Ces considérations vont des conditions de production, en passant par la distribution, jusqu’à l’utilisation du produit. Chacune de ces étapes est ensuite déclinée en une cinquantaine de postes d’émissions. Ainsi, il apparaît que dans les produits alimentaires, les émissions liées à la production sont supérieures à celles liées au transport. Par exemple, une étude montre qu’un pack de deux litres de jus d’orange produirait 1,6 à 1,7 kg de CO 2, dont 80 % proviendrait des processus de production et notamment de l’utilisation d’engrais.
Différenciation écologique
La démarche adoptée par Greenext consiste en une spécification progressive des produits dont l’impacte carbone est mesuré. Grâce à son approche industrielle, l’entreprise peut décrire un produit au travers de données génériques et, selon la demande, aller jusqu’à utiliser des données spécifiques. Cette spécification passerait par l’intégration progressive de l’ensemble des particularités liées aux produits dans le modèle. Ainsi, les différentes méthodes de production (biologiques ou conventionnelles), d’emballage (plastique ou verre) et de distribution (distance entre producteur et consommateur) seraient prises en compte. Selon leur degré de spécification, ces informations permettraient d’accroître les phénomènes de différenciation des produits au sein d’une même gamme.
Les grandes et moyennes surfaces parmi les premières concernées
Greenext pourrait proposer de faire des zooms à la demande sur certains produits afin de spécifier plus précisément leur impact en termes d’émissions de dioxyde de carbone. Trois magasins Leclerc ont déjà fait appel aux services de Greenext pour tester l’affichage des poids carbone de 20.000 produits. Tesco, un distributeur britannique, avait ouvert la voie de l’affichage carbone en 2007. Le groupe Casino avait aussi tenté l’expérience sur 3.000 produits, mais au final, face aux coûts et à la complexité de la démarche, seuls 300 produits ont été étudiés.
La force de Greenext est l’utilisation de données génériques pour élaborer des valeurs moyennes par type de produits (yaourt, produits à base de céréales...) qui seront ensuite spécifiées selon les besoins. Ainsi, les coûts engendrés par cette méthode restent acceptables et permettent de couvrir rapidement de nombreux produits. « Cette approche donne des valeurs fiables proches des émissions réelles en utilisant des données moyennes », selon Sylvain Sauvage, représentant de Greenext.
Tous les produits ne sont pas égaux
Le double affichage prix/carbone dans les trois magasins pilotes de chez Leclerc met en évidence les différents poids carbone de nos consommations courantes. Ces nouvelles informations à destination des consommateurs créent des possibilités de mise en concurrence des transformateurs, par exemple sur les emballages ou le choix des ingrédients dans les recettes. Cela permettrait, « de faire se challenger les industriels au niveau de leurs performances environnementales », selon Sylvain Sauvage. Ainsi, l’entreprise propose une solution complète permettant l’identification des leviers d’action des acteurs de la chaîne sur l’ensemble du cycle de vie du produit en vue d’une amélioration continue.
L’affichage des bilans carbone pourrait devenir la norme
En France, une volonté politique de crédibiliser, par des actes concrets, les dispositifs environnementaux du Grenelle, pourrait faire aboutir le projet d’affichage carbone des produits de consommation courante en GMS.
Dans ce contexte réglementaire naissant, Greenext souhaite assurer une mise en conformité de sa solution au fur et à mesure de l’élaboration du futur référentiel sur l’affichage CO 2 (Grenelle 2011).
Dans cet esprit, l’entreprise souhaite faire valider sa méthode et vérifier sa mise en conformité par rapport aux normes nationales et internationales en vigueur sur l’affichage environnemental. Ecopass, un organisme certificateur vérifiant et validant les mises aux normes Iso 14001, serait sollicité à cet effet.
Toutefois, comme le soulignait le docteur Jean-Marie Bourre, directeur de recherche à l’Inserm, lors du colloque de l’Observatoire du pain le 5 février dernier, il ne faut pas perdre de vue les aspects nutritionnels ou organoleptiques dans ses choix alimentaires. Le bilan carbone n’est en effet qu’un critère parmi tant d’autres, indépendant de la qualité intrinsèque des produits.