Crise de l’élevage français
L’accélération politique
Le gouvernement s’est largement concentré, ces derniers jours, sur la crise de l’élevage. À l’issue du conseil des ministres du 22 juillet, des mesures d’urgence ont été annoncées. .

L’État va débloquer plus de 600 M€, dont 100 millions d’annulations de charges et de cotisations et 500 millions de reports. Xavier Beulin, président de la FNSEA, avait auparavant expliqué attendre des mesures d’urgence, mais aussi de moyen et long terme.
Alors que la crise couvait depuis des semaines, voire des mois, elle a pris, à la faveur des actions des éleveurs, de plus en plus importantes, un tournant nouveau le week-end du 18 juillet. À cette même date, le président de la République lui-même s’est ému de la situation des éleveurs, envoyant un signal politique fort, notamment à l’intention de la grande distribution. Les choses se sont ensuite accélérées. La remise du rapport du médiateur des relations commerciales agricoles (Francis Amand) sur les engagements pris dans les filières bovine et porcine a été avancée du 23 au 21 juillet. Le même jour, Stéphane Le Foll s’est rendu à Caen, où les actions des éleveurs étaient particulièrement spectaculaires, et des mesures d’urgence ont été annoncées pour le conseil des ministres du lendemain.
Face à l’exaspération des éleveurs, le gouvernement a d’abord choisi la distribution comme bouc émissaire. « Je lance encore un appel à cette grande distribution, pour qu’elle offre aux consommateurs la qualité et aux agriculteurs un prix », a ainsi déclaré François Hollande le 18 juillet, à l’occasion d’un déplacement en Lozère. Sans surprise, la distribution a tout de suite réagi, rappelant qu’elle ne se fournit pas auprès des éleveurs, mais des industriels. Rappelons aussi que dans certaines filières, le poids de la restauration hors foyer est important.
Des grandes disparités en viande bovine
Le discours était plus nuancé à l’issue de la présentation du rapport du médiateur aux représentants des filières bovine et porcine au ministère de l’Agriculture, le soir du 21 juillet. Stéphane Le Foll a ainsi assuré ne vouloir stigmatiser personne. Mais les entreprises qui ne jouent pas le jeu sont prévenues. Si elles ne changent pas de méthodes, elles feront l’objet d’actions ciblées, ont notamment annoncé la FNB (Fédération nationale bovine) et les JA (Jeunes Agriculteurs). Pour l’instant, les prix de la filière porcine ont augmenté dans les proportions prévues, mais la situation reste « fragile », avec des prix qui retombent à la rentrée.
La hausse acquise ne suffit pas à couvrir toutes les charges de certains éleveurs, selon X. Beulin. En bovin, le bilan est plus contrasté. « Globalement, alors que l'objectif de revalorisation était de 0,20 €/kg, on est arrivés à une revalorisation de 0,10 € », a déclaré Stéphane Le Foll. Mais « la diversité du comportement des industriels de l'abattage sur le territoire devient anormale, a commenté le président de la FNB. Elle risque de pénaliser ceux qui jouent le jeu ». Bon point en revanche pour la GMS : « Pour une fois, la distribution est dans les clous », assure-t-il. Le Sniv-SNCP assure, lui, que ses entreprises ont revalorisé les achats sur la viande fraîche, mais ne disposent pas de marge sur les produits transformés.
600 M€ de soutien financier
Stéphane Le Foll a annoncé 24 mesures d'urgence et cultu-relles, « rassemblées en six axes » le 22 juillet. Il a rappellé que « le processus inédit (d'engagement de hausse des cours, ndlr) engagé le 17 juin a eu un effet, celui de stopper la baisse des cours et de les faire remonter. En viande porcine, cela reste fragile. En viande bovine, l'objectif était de 0,20 €/kg. Il n'a été que de 0,10 €/kg. » La poursuite de ce redressement des cours est le premier axe de travail à venir. La restructuration de la dette des éleveurs, la contractualisation avec l'annonce « de rencontres sous forme d'états généraux avec le ministre de l'Économie », le développement des énergies renouvelables, la promotion de l'exportation et le développement de l'origine France dans la restauration collective sont les cinq dispositifs suivants.
Nombre de ces mesures ne sont pas nouvelles comme la mise en place de la plateforme « Viande France Export ». Sur les 600 M€ annoncés, 150 M€ concernent des reports d'échéance de paiement (impôt sur le revenu et les sociétés) et 150 M€ un remboursement anticipé de la TVA aux éleveurs, rendu possible mois par mois. Un report de cotisations sociales pourra être effectué pour les exploitations les plus fragiles, mais aussi la suppression des cotisations de la Mutualité sociale agricole (MSA). 50 M€ sont mis à disposition pour « une remise gracieuse des taxes foncières des éleveurs en difficulté ». Le fonds d'allégement des charges est porté de 23 M€ à 50 M€. L'Etat se porte garant pour des emprunts auprès des banques (500 M€) pour faire face au besoin de trésorerie des élevages, mais surtout aux dettes des fournisseurs « qui parfois dépassent les dettes bancaires », selon Xavier Beulin.