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La régulation des marchés à terme de l’UE serait contre-productive

Renforcer le contrôle des marchés à terme européens ne fait pas l’unanimité

POLITIQUEMENT INCORRECTE il y a encore deux ans, la notion de régulation a fait son grand retour médiatique avec la crise des matières premières agricoles. La crise financière amorcée fin 2008 a enfoncé le clou. Le secteur économique de l’agriculture, qui a vu l’activité des marchés à terme progresser fortement, n’échappe pas à cette tendance interventionniste. « L’usage des marchés à terme s’est fortement démocratisé. Presque toutes les coopératives y ont recours. Une situation qui suscite des questions quant à la régulation ou encore l’impact des marchés financiers sur les prix des marchés physiques », s’est interrogé Vincent Magdelaine, directeur de Coop de France Métiers du grain pour introduire la conférence consacrée au marché à terme tenue à Paris le 9 novembre 2009. L’occasion de mesurer les divergences de point de vue quant à la nécessité de les surveiller et de les réglementer.

Interrogations sur l’intérêt des MAT
    Contraintes ou proactives, les coopératives françaises utilisent pour plus de 80 % d’entre elles, selon Vincent Magdelaine, les services des marchés à terme. Une situation qui, vu  l’effondrement de l’économie observé en octobre 2008, suscite quelques craintes. A l’image de cette question posée par François Pignolet, directeur des marchés d’Epicentre : « Une crise de type subprime est-elle à craindre dans nos secteurs d’activité ? » Rien à craindre de ce côté là si l’on s’en tient aux propos de Jean-Paul Betbèze, chef économiste au Crédit agricole. « La crise des subprimes s’est produit car les sous-jacents dans la crise immobilière ne pouvaient pas payer. Or dans le cas du blé, on parle d’un produit qui existe avec des acteurs réels ».
    Les opérateurs agricoles réclament aussi plus de transparence sur le marché à terme européen, et notamment la connaissance de la nature des intervenants, comme c’est le cas outre-Atlantique, à Chicago. Une mesure qui devrait bientôt être effective, mais qui ne protègera pas les opérateurs de prises de position massives d’investisseurs extérieurs au monde agricole. Autre point soulevé, le poids qu’occupent les marchés à terme par rapport aux marchés physiques et leur influence sur ces derniers. « Le monde n’est pas fait de grains financiers d’un côté et de grains physiques de l’autre. Il est fait de grains à la fois physiques et financiers », a déclaré Jean-Paul Betbèze du Crédit agricole. Pour ce dernier, le monde agricole n’a pas à se soucier de l’émergence des marchés à terme, « la finance étant un plus », estime-t-il. Elle « est beaucoup moins complexe que l’agriculture, n’en ayez pas peur », a-t-il-insisté. Un point de vue que ne partage pas Didier Marteau, économiste et professeur à l’école supérieure de commerce de Paris. « Quand une banque propose un service de couverture de risque à un producteur, elle se couvre en vendant des contrat Matif. En le faisant, elle fait baisser les prix. Et plus encore si les cours régressent. Dans ce cas, elle revend encore et fait de nouveau reculer le marché», a-t-il expliqué.

Réguler les MAT européens, « une erreur »
    Pour l’ensemble des intervenants, l’utilisation des marchés à terme dans l’agriculture est absolument nécessaire, compte tenu du niveau de volatilité de ses prix. A titre de comparaison, le change connaît une volatilité de 10 %, les produits financiers classiques entre 15 et 20 %, le pétrole 40 %. Sur la période 1998/2009, les cours du blé spot ont connu une volatilité de 15 %, cette dernière passant à 25 % si l’on se réfère à la période 2006/2009. Des fluctuations justifiant largement le besoin des opérateurs de se couvrir et donc l’utilisation du marché à terme. Avec les risques que cela comprend, c’est à dire une influence croissante du marché papier sur le physique. D’où un besoin de régulation. Mais tous ne voient pas celle-ci d’un bon œil. « Plus de régulation sur le marché à terme européen serait mauvais. Il faut de la régulation partout. C’est en fait plus un débat de globalisation », estime Jean-Paul Betbèze. Davantage de régulation serait donc contre-productif, car d’autres places moins réglementées prendraient le relais, laissant de côté le marché européen. Même point de vue de Xavier Leblan de Prim’ Finance pour qui « une sur-réglementation du marché européen entraînerait un transfert de l’activité à Chicago ».

Bruxelles prévoit déjà des mesures
    La Commission européenne a présenté fin octobre des pistes pour réguler le MAT parmi lesquelles l’augmentation de la transparence des prix des denrées agricoles et alimentaires tout au long de la chaîne, du producteur au consommateur (“from farm to fork”) et l’amélioration de la régulation et de la surveillance des marchés dérivés afin de limiter la volatilité et la spéculation excessive et s’assurer que ces marchés continuent à jouer leur rôle dans la formation des prix et dans la couverture des risques.

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