La pulpe de betterave, un additif potentiel pour l’industrie papetière
Le recours à la pulpe de betterave blanchie et micronisée dans la pâte à papier ouvre un nouveau débouché aux betteraviers français
DE LA PULPE DE BETTERAVE dans de la pâte à papier ? L’idée peut paraître farfelue. Elle est pourtant proche de se réaliser, et pourrait représenter un débouché intéressant pour les betteraviers. Le projet« Beet Pulp » a été présenté à l’occasion de l’assemblée générale ordinaire de l’Usica (Union des sociétés d’intérêt collectif agricole de transformation des pulpes de betteraves) le 11 juin, à Paris.
Une solution économique et écologique
Lancé en septembre 2006, le projet européen « Beet Pulp » promeut l’utilisation de pulpe de betterave blanchie et micronisée comme additif dans les pâtes à papier. Les particules de pulpe éviteraient l’utilisation de charges minérales (talc, kaolin) qui apportent de l’opacité aux papiers cartons. « Les particules de pulpe ont une affinité particulière avec les fibres de bois, qui en font un additif intéressant », selon Christine Chirat, chargée des travaux scientifiques et de la coordination du projet. Cet aspect permettrait l’obtention de cartons plus résistants, sans oublier les avantages économiques, cet ajout pouvant remplacer une partie des fibres, ni les atouts écologiques, en évitant l’utilisation de charges minérales.
L’incorporation implique deux étapes spécifiques dans le process de déshydratation classique (cf. schéma), et deux équipements particuliers : un sécheur dédié à basse température, au maximum 100° C afin d’éviter le noircissement de la pulpe, ainsi qu’un microniseur afin d’obtenir des micro-fibrilles de 100-150 microns. Les investissements seraient compris dans la fourchette 4,5-6,5 M€, pour une usine dont la production de pulpe micronisée atteindrait 11.000 t/an, selon l’étude technico-économique réalisée par l’Usica. Jean-Louis Striebig, de l’Usica, précise que « le poste le plus coûteux est le séchage à basse température. » L’amortissement pourrait se faire en dix ans, « si le marché est garanti sur cette période. »
Un débouché non négligeable
En France, ce débouché ne serait pas négligeable pour les producteurs de betteraves. Ainsi, selon Daniel Gomez, de Vemissa, en charge de l’étude marketing, « l’incorporation de 5 à 10 % de pulpe dans les pâtes à papier d’une très faible part de marché en France, par exemple 3 % du marché de l’emballage national, impliquerait 100.000 t de pulpe à livrer! » Les papiers blancs et les journaux ne seraient pas concernés a priori dans un premier temps. Mais le secteur du papier emballage pourrait être intéressé.
L’initiative est actuellement à la phase des essais pilotes de validation, et de l’étude économique. Elle devait prendre fin en août 2009, mais les différents intervenants souhaitent un allongement de la durée du projet, pour profiter de la prochaine campagne et vérifier ainsi les aspects industriels. Jean-Louis Striebig de l’Usica indique : « Nous souhaitons réaliser un essai à plus grande échelle, avec 500 t de pulpes micronisées, sur une machine de taille intermédiaire chez notre partenaire espagnol Juresa ».
La prochaine campagne plus incertaine
Le projet sera présenté le 20 octobre à l’industrie papetière, à l’occasion du congrès de l’Atip (Association technique de l’industrie papetière).
Ce nouveau débouché pourrait constituer une soutien intéressant pour la filière, alors que la prochaine campagne s’annonce plus incertaine, après deux plutôt positives. Selon Serge Faller, directeur de Désialis, « les acheteurs sont échaudés par la chute des cours. Les engagements actuels sont extrêmement bas par rapport à la nouvelle campagne. Le marché est à faire. » Et les difficultés seront présentes sur les marchés en aval. « La crise du secteur laitier va être à prendre en compte. Il faut savoir que le débouché laitier représente 60 % de nos ventes en bovins, qui eux-mêmes représentent 80 % de nos débouchés !» Les fourrages seraient également importants. Et cela alors que la récolte de betterave s’annonce bonne. « On n’echappera pas à l’export ! » a conclu Serge Faller.