CONTRAT PHYSIQUE COLZA
La proposition de Saipol passe mal chez les OS
Saipol souhaite désormais rémunérer la graine de colza sur la base d'un taux d'huile à 42 %, et non plus en base 40. Les organismes stockeurs s'y montrent hostiles.
D'après plusieurs sources anonymes concordantes, c'est lors d'une réunion qui s'est déroulée il y a une quinzaine de jours que tout a débuté. Saipol, filiale du groupe Avril, aurait signifié à plusieurs de ses fournisseurs sa volonté de revoir les conditions d'achat de la graine de colza. Le groupe industriel souhaite désormais accorder des bonifications lorsque le taux d'huile de la graine dépasse les 42 % pour la campagne 2016/2017, contre 40 % actuellement.
Pour Saipol, il s'agit surtout d'actualiser les rapports commerciaux
« Actuellement, nous payons des bonifications lorsque le taux d'huile dépasse les 40 %, à hauteur de 1,5 % du prix de la graine par point d'huile, et ce depuis le début des années 90. Or aujourd'hui, les graines atteignent les 45 % de taux d'huile en général », fait valoir Yves Delaine, directeur général délégué du groupe Avril. Ensuite, ce dernier indique que « pour un point d'huile en plus, il y a un point de tourteaux en moins. Il s'agit donc de coller au mieux à la réalité physique du marché, et d'être plus transparent ».
Scepticisme du côté des vendeurs de graines
Du côté des vendeurs, l'inquiétude prédomine, étant donné qu'ils pourraient voir leur rémunération, et par ricochet celle des producteurs, reculer, avec une moindre valorisation des bonifications. « Il s'agit d'une décision unilatérale d'un industriel », remarque Vincent Magdelaine, directeur de Coop de France Métiers du grain. Si ce dernier ne réfute pas le fait qu'actuellement le taux d'huile dans les graines françaises dépasse facilement les 40 %, il indique que l'Allemagne ou d'autres pays européens pratiquent des bonifications en base 40 %, comme dans l'Hexagone. Et ajoute que la volonté de l'industriel d'imposer un prix « est contraire à ce qui se pratique sur le marché. Les vendeurs sont donc surpris d'une telle décision ».
Vincent Magdelaine rappelle également que ce changement pourrait perturber le fonctionnement du marché à terme Euronext, censé être corrélé au physique, qui fonctionne actuellement en base 40 %. Et d'ajouter : « ce n'est pas le moment de baisser la valeur de la graine », en référence au contexte difficile actuel, où les revenus des agriculteurs ne sont pas au mieux.
Si toutes les coopératives ne rejettent pas l'idée de payer en base 42, bon nombre d'OS craignent que le géant Saipol, représentant 54 % du marché à l'achat de graines, profite de sa « position dominante », selon certains opérateurs du marché oléagineux. Ce nouveau mode de rémunération pourrait inciter d'autres concurrents, tel Cargill, à adopter la même politique, redoutent-ils.
Saipol assure de son côté ne pas vouloir passer en force. « L'idée de départ est une démarche volontaire de Saipol. Il ne s'agit pas de récupérer 10 €/t au détriment des OS. Il est en effet prévu de compenser le différentiel dans les contrats d'achat base 42 », déclare Yves Delaine. Ce dernier confirme que si l'Allemagne rémunère effectivement en base 40, ce n'est pas la si-tuation dominante à l'échelle mondiale. « On observe des contrats d'achat base 42 au Canada, en mer Noire, en Pologne et en Australie. » Il insiste sur le fait que, compte tenu des niveaux élevés du colza sur Euronext, de l'huile et des tourteaux, passer en base 42 n'impliquerait pas une baisse de la rémunération des vendeurs, tout en participant à une meilleure transparence et fluidité des transactions. Enfin, « il est souhaitable pour tout le monde qu'Euronext passe en base 42 ».
La Fop plus ouverte que les OS
La Fédération des producteurs d'oléoprotéagineux (Fop) se dit prête à engager une discussion sur le passage en base 42. « Il y a une évolution de la composition de la graine depuis l'accord interprofessionnel de 1990. Une évolution des pratiques commerciales est envisageable, explique son président Gérard Tubery. Mais si l'idée est de payer la graine moins cher en amont, ce n'est pas acceptable. » Un conseil d'administration est prévu le 13 avril et abordera cette question. «Il serait opportun d'ouvrir un débat sur la contractualisation, la réduction de la volatilité, et la répartition de la valeur dans la filière à cette occasion. »
Perturbation du marché
Ce débat aurait déjà des conséquences sur le marché physique français. « L'activité est un peu bloquée, relève un courtier. Ce dernier cherche à s'adapter. » Pour autant, certains OS s'organiseraient pour augmenter leur prix de vente 2016/2017 de 10-12 €/t pour de la graine à 42 % d'huile, afin de compenser le manque à gagner. Selon une rumeur, une ou plusieurs affaires auraient ainsi été traitées. Difficile à vérifier, cette information aurait pour but d'inciter les OS à suivre le mouvement vers une base 42, d'après certaines sources.
Le contrat Colza d'Euronext prévoit dans ses caractéristiques une base à 40 % pour le taux d'huile. Saipol souhaiterait voir évoluer ce contrat rapidement. Pour cela, il faut que le marché physique intègre cette nouvelle base à 42 %. « Notre rôle est d'accompagner les évolutions du marché physique. Si ce critère s'impose, le contrat pourra évoluer», explique Lionel Porte d'Euronext. Notons qu'une position a été ouverte sur août 2018. À moins d'un débouclage de celle-ci, les modifications éventuelles du contrat ne seraient effectives que sur l'échéance suivante.