Bioéthanol
La nutrition animale apprend à valoriser les drêches
L’ouverture des usines de production de bioéthanol a entraîné l’arrivée de nouveaux coproduits sur le marché français : les drêches. Le point sur un marché qui n’est plus anecdotique

PLUS DE 600 000 t/an de drêches sont produites en France (cf. carte). Avec l’usine de Cristanol, entité dédiée à la production d’éthanol sur la double filière betteraves et céréales, ce chiffre devrait approcher les 800 000 t. L’offre étant désormais importante, les drêches sont largement utilisées par les fabricants d’aliments composés, comme l’indique Mireille Huard, de CCPA. « Nous savons valoriser leur qualité nutritionnelle. Et leur prix permet de les passer dans les formules », précise Patrice Rialland, acheteur chez Sanders. Selon ce dernier critère, une concurrence s’est installée entre les drêches des différents éthanoliers, aux caractéristiques variables (cf. ci-dessous).
Le tourteau de colza, principal concurrent dans les formules d’aliments
Ce coproduit entre aussi en compétition dans les formules avec d’autres matières premières et en premier lieu le tourteau de colza, à la composition proche. Les drêches pèsent aussi sur l’utilisation de tourteaux de soja, globalement en baisse. C’est d’ailleurs le soja qui oriente les cours. Chez Tereos, « les drêches, toutes vendues par contractualisation, ne sont néanmoins pas directement indexées », note Honorine Fonrouge, reconnaissant qu’elles suivent l’évolution du marché de la protéine. Il n’y a donc pas à proprement parler de prix plancher, si ce n’est celui du seuil de rentabilité de la bioéthanolerie. En effet, la valorisation des coproduits est primordiale, et selon Michel Dochez, Coop de France-Nutrition animale, « il est donc important que l’industriel se préoccupe des coproduits dès la construction de l’usine ».
« En passe de devenir la deuxième source française de protéines », selon Patrice Rialland, les drêches entrent aussi en compétition avec les issues de meunerie, d’amidonnerie et même les céréales. A terme, elles se substitueraient à 95 000 ha du blé destiné à l’alimentation animale, soit 35 % des surfaces consacrées au bioéthanol, selon la filière. Cependant, un produit ne fait jamais concurrence à 100 % à un autre : « C’est un équilibre moyen qui se déplace, car chaque matière première a une composition différente. Il faut jouer sur les proportions de chacune », analyse Michel Dochez. Le transport entre évidemment en jeu. Les drêches traversent parfois la France, tout est question de rentabilité. Mireille Huard prend l’exemple d’un utilisateur du centre : « Il doit certes payer le transport depuis l’usine de bioéthanol, mais pour s’approvisionner en tourteaux, il doit aussi supporter l’acheminement depuis les ports, eux aussi éloignés ».
Le marché des drêches s’organise
Certains fabricants d’aliments ayant plusieurs unités de production spécialisent des sites à des qualités drêches. D’autres leur dédient des silos différents. Si la majorité des drêches françaises est destinée aux Fab nationaux, certaines partent à l’étranger. Ainsi, 20 % des coproduits de Lillebonne sont destinés à l’export. Sur 2008/09, 30 000 t auraient été expédiées vers le Royaume-Uni et l’Irlande, selon Manuel Gaboriau, du port de Rouen. Les drêches d’Abengoa partent, elles, vers l’Espagne.
Y a-t-il de la place pour toutes les drêches ? Elles chassent, on l’a dit, surtout les tourteaux de colza, des formules. Or, ceux-ci représentent en France un marché de 3 Mt environ. Avec moins d’1 Mt, « même si la production de bioéthanol continue d’augmenter, il y aura de la place pour les drêches. Après, tout dépend du prix et de la qualité », modère Patrice Rialland.