Météorologie / Production
La Niña va « s’accentuer »
Le marché mondial, focalisé avant tout sur les récoltes américaines, garde un œil sur les conditions météo en Russie, où se déroulent les semis, mais également sur les perspectives de l’Hémisphère Sud. Ses récoltes joueront un rôle prépondérant dans la seconde partie de campagne. On entend notamment de plus en plus parler de La Niña, phénomène climatique qui influe sur les conditions en Amérique du Sud.
Il existe depuis plusieurs années de grands mouvements de va et vient à travers le Pacifique. Le plus médiatisé, El Niño, correspond à la présence d’alizées puissants repoussés vers l’est qui empêchent la remontée d’eau froide le long de la côte sud-américaine. Il entraîne une élévation anormale de la température de l’est de l’océan Pacifique sud qui se traduit par une extension vers le sud du courant chaud péruvien. La Niña, phénomène inverse, lui succède souvent. Elle est liée à un renforcement des alizés dans le Pacifique Ouest qui, déplaçant encore plus les eaux chaudes de surface en direction de l’Asie, amènent davantage d’eau froide en surface qu'à l’accoutumée. Cela modifie les conditions météo sur l’ensemble de l’Amérique du Sud. A la clef notamment : beaucoup de pluie sur la grande région équatoriale et sécheresse importante sur l’Amérique du Sud. « Phénomène inverse d’El Niño, La Niña était attendue. Elle s’est mise en route en juillet », explique Eric Mas, expert Météo Consult-La Chaîne Météo. Et, « son homologue ayant été puissant, elle devrait être importante », assure-t-il. Le phénomène dure entre six et douze mois. « On ne s’attend donc pas à le voir s’apaiser avant la fin 2010 et il devrait même se poursuivre durant les trois premiers de 2011 ». La Niña se traduit par une augmentation des températures, principalement sur le nord de l’Argentine, débordant sur l’Uruguay et le Paraguay et le sud du Brésil. Les conditions de cultures sont pour le moment encore jugées plutôt bonnes. Néanmoins, « les anomalies de températures sont significatives. Elles sont corrélées à un déficit pluviométrique, notamment sur la Pampa humide, située au Nord et l’Ouest de Buenos Aires », souligne Eric Mas. « C’est dans cette région qu’il y a le plus d’anomalies par rapport à la normale. » Or la Pampa, de taille similaire à la France, concentre 95 % de la production argentine de blé, 90 % de celle de maïs, 81 % de celle de soja. La sécheresse est en cours, indique le spécialiste, « avec un déficit net sur septembre ». Et, précise-t-il, « maintenant que La Niña est en route, il n’y a aucune raison qu’elle s’écroule. Elle devrait même s’aggraver. Le système est établi, il n’y a aucune chance d’y échapper, même s’il peut y avoir localement des améliorations, elles ne seront que ponctuelles », insiste-t-il.
L’Argentine est le 2e exportateur mondial de maïs, derrière les USA, avec 12,9 Mt vendues en 2009/10, pour une production de 22,5Mt. Les perspectives de ventes pour 2010/11 s’établissent à 14 Mt, avec récolte prévue à 21 Mt, selon le CIC. Le pays est aussi 3e exportateur de soja, derrière les Etats-Unis et le Brésil, avec 9,8 Mt écoulées en 2008/09 (11,8 Mt estimées pour 2010/11) et numéro un en tourteaux (24,5 Mt/28,5 Mt). Ces anticipations pourraient être déjouées dans la mesure où elles restent dépendantes de la météo. Le maïs, semé actuellement, ne sera récolté entre mars et juin et le soja pas avant mai. La moisson de blé débutera sous peu. De faible volume en 2009 (8 Mt), la récolte argentine est anticipée en hausse, à 12,5 Mt. Grand fournisseur du Brésil, le pays pourrait exporter 7,2 Mt (5,1 Mt en 2008/09) profitant de l’absence de la Russie sur le marché mondial. La Niña était d’ailleurs déjà en partie responsable de la sécheresse qui a ravagé les cultures russes.