Organismes génétiquement modifiés
La loi passe l’obstacle de l’Assemblée
Après des débats houleux, le projet législatif évolue peu sur le fond
L’architecture globale du projet de loi ne ressort guère modifiée par ce premier passage à l’Assemblée nationale. Sur la forme, un article vient s’ajouter aux quatorze initiaux. Sur le fond, l’opposition a échoué à remettre en cause plusieurs principes forts du projet de loi, au premier rang desquels « la liberté de consommer et de produire avec ou sans OGM ». Le cadre entourant la culture commerciale des plantes transgéniques se dessine peu à peu.
Liberté de consommer « avec ou sans »
Les plaidoyers des élus de l’opposition eurent beau être nombreux, rien ne fit céder le gouvernement ni la majorité. Inscrit dans le projet de loi gouvernemental, le principe de « liberté de consommer et de produire avec ou sans OGM » est maintenu dans la loi. Toutefois, un amendement adopté sur la proposition du député André Chassaigne (PCF) stipule que les OGM doivent être cultivés non seulement dans le respect de l’environnement et de la santé publique, mais également dans le respect « des structures agricoles, des écosystèmes locaux et des filières de production et commerciale qualifiées “ sans organismes génétiquement modifiés ”, et en toute transparence ». Cet amendement doit permettre, aux yeux de la gauche, de donner une base juridique à l’exclusion des OGM de certains territoires, dans le cas où certaines AOC – par exemple – en émettraient le souhait. Sur proposition du député UMP François Grosdidier (Moselle), un autre amendement précise que « la liberté de consommer et de produire avec ou sans OGM » doit se faire « sans que cela nuise à l’intégrité de l’environnement et à la spécificité des cultures traditionnelles et de qualité ». François Fillon a d’ores et déjà annoncé qu’il souhaitait supprimer l’amendement « Chassaigne » lors du vote au Sénat. A l’heure où nous bouclons cette édition de la Dépêche, ce dernier s’apprêtait à réaliser la deuxième lecture du projet de loi, laissant présager d’une modification en substance de l’amendement. L’hémicycle a par ailleurs rejeté un amendement socialiste qui souhaitait étiqueter les produits ou sous-produits d’animaux élevés avec une alimentation composée en tout ou partie d’OGM.
Le Haut conseil devra publier ses positions divergentes
Le Haut conseil des biotechnologies garde la composition bicéphale voulue par le gouvernement, avec un comité scientifique et un comité « économique, éthique et social ». Les députés ont fait inscrire dans la loi que l’avis du Haut conseil comprendra l’avis du comité scientifique ainsi que les recommandations du comité économique, éthique et social. Cet avis devra faire état des positions divergentes exprimées. En outre, si le projet gouvernemental prévoit que le Haut conseil puisse se saisir d’office, il est ajouté que cela peut notamment se faire « à la demande de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, ou à la demande d’un député ou d’un sénateur ». Le Haut conseil peut se réunir en séance plenière à la demande de son président ou de la moitié de ses membres. Enfin, l’opposition est parvenue à obtenir la suppression d’une disposition qui prévoyait que les membres du Haut conseil ne pouvaient prendre « à titre personnel, aucune position publique », « sans en avoir préalablement informé leur président ».
L’unanimité requise pour exclure les OGM des parcs
Présenté par ses détracteurs comme un contre-feu à l’amendement « Chassaigne », un amendement proposé par l’UMP stipule que les parcs nationaux et les parcs naturels régionaux « peuvent » exclure la culture d’OGM sur tout ou partie de leur territoire, « avec l’accord unanime des exploitants agricoles concernés », et « sous réserve que cette possibilité soit prévue par leur charte ». Cette disposition est dénoncée par l’opposition, qui voit, dans l’« avis unanime » exigé, un critère difficile à remplir et une manière pour la majorité de se donner « bonne conscience à moindre frais ».
Coexistence : des conditions culture par culture
Sur le délicat dossier de la coexistence entre les cultures OGM et non-OGM, les députés précisent que des conditions techniques sont fixées « par nature de culture » (article 3). Ces conditions définissent les périmètres au sein desquels ne sont pas pratiquées de cultures d’OGM. « Elles doivent permettre que la présence accidentelle d’OGM dans d’autres productions soit inférieure au seuil établi par la réglementation communautaire », c’est-à-dire en dessous de 0,9%. Concernant la mise en culture des OGM, l’agriculteur est déclaré responsable du préjudice économique résultant de la présence accidentelle de cet OGM dans la production d’un autre exploitant agricole. Le produit de la récolte issu d’une ruche est reconnu comme pouvant faire l’objet d’une réparation en cas de contamination, précisent les députés. Confirmant le dispositif voté au Sénat, les parlementaires rappellent que tout exploitant qui cultive des OGM doit souscrire une garantie financière couvrant sa responsabilité. La réparation du préjudice, en cas de contamination, « peut donner lieu à un échange de produit ou, le cas échéant, au versement d’une indemnisation financière ». Un nouvel article est ajouté par les députés. Il précise que les lots de semences contenant des semences transgéniques sont clairement étiquetés. Ils portent la mention « contient des OGM ».
Deux à trois ans de prison en cas de fauchage
Introduite au Sénat, la notion de « délit de fauchage aggravé » est confirmée par les députés. Ainsi, le fait de détruire ou de dégrader une parcelle de culture OGM autorisée est puni de deux ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende. La peine est portée à trois ans et 150.000 euros pour une parcelle destinée à la recherche.
En matière de transparence, l’Etat est tenu d’établir un registre national, indiquant la nature et la localisation des parcelles culturales ensemencées d’OGM. Les préfectures seront chargées d’assurer la publicité de ce registre « par tous moyens appropriés, notamment sa mise en ligne sur l’Internet ». Les députés précisent que la surveillance biologique du territoire « relève de la compétence des agents chargés de la protection des végétaux, ou s’effectue sous leur contrôle ». Sur le sujet de la confidentialité, l’Assemblée nationale est venue préciser que la liste des informations ne pouvant rester confidentielles est fixée par décret en Conseil d’Etat. Au sortir de ce débat houleux à l’Assemblée nationale, le gouvernement avait l’intention de transmettre rapidement le texte au Sénat, pour entamer l’examen en seconde lecture.