Meunerie
« La grande diversité de nos entreprises constitue un atout dans la conjoncture économique actuelle »

La Dépêche - Le Petit Meunier : Comment se porte la meunerie française ?
Joseph Nicot : L'activité de la meunerie française reste stable au vu des dernières données disponibles, et ce, notamment sur le marché intérieur. La situation économique du secteur est saine, d'après une étude de la Banque de France, dans la mesure où la meunerie ne semble pas trop impactée par les problèmes en matière de financement que subissent d'autres secteurs. En effet, les entreprises de meunerie restent relativement préservées des restrictions du secteur bancaire pour le moment.
La grande diversité de nos entreprises, de par leur taille, leur structure et la nature de leurs marchés, constitue un atout dans la conjoncture économique actuelle. Notons que la meunerie d'exportation, dont les volumes ” sont stables, reste confrontée à la concurrence déloyale, voire le dumping de pays aux normes sociales, financières, réglementaires très différentes. Pour conclure, par rapport à d'autres industries ou commerces, la meunerie se porte plutôt mieux. Mais nous devons rester vigilants et poursuivre nos efforts d'adaptation afin de rester compétitifs, tant dans la nature de l'offre pour nos clients, qu'en prix de revient.
La fragilité financière de certains clients implique quelques allongements de délais de paiement.
LD - LPM : Quelles perspectives pour la profession dans l'environnement économique et politique actuel ?
J. N. : Nous devons faire face à plusieurs défis. Concernant nos approvisionnements, l'achat des blés sur un marché volatil reste difficilement arbitrable en raison de la lenteur de mise en œuvre de la réforme des marchés financiers et de l'imperfection du contrat à terme, géré par Euronext.
Sur un plan économique, la fragilité financière de certains clients de la meunerie implique dans quelques cas un allongement des délais de paiement et parfois un risque de défaillance. Les entreprises de meunerie doivent donc être très vigilantes. Par ailleurs, l'érosion de la rentabilité de la meunerie, malgré une structure capitalistique robuste, pourrait accentuer la fragilité de celles qui n'ont pas réalisé de gains de productivité.
Enfin, nous ne pouvons pas évoquer les défis auxquels nous devons faire face, sans aborder l'évolution des comportements alimentaires, qui continuent de modifier la consommation de pain et donc le marché des clients de la meunerie, tant en quantité qu'en diversité. Nous sommes aussi conscients que la bonne compétitivité de nos entreprises est, et sera, fondamentale pour notre profession.
LD - LPM : Où en sont les meuniers dans leur adaptation à la récolte 2014 ?
J. N. : Les meuniers ont maintenant fait leur travail d'investigation sur l'appréciation des qualités mises à leur disposition par les organismes stockeurs ou directement par les producteurs. Il est très important de recourir au couple “temps de chute de Hagbergpanification”. Mais, compte tenu de ce que nous connaissons actuellement, il y aura suffisamment de blés de qualité panifiable acceptables pour la meunerie française. Dans tous les cas, aujourd'hui, il y a deux marchés bien identifiés : le blé fourrager, plus abondant cette année, qui est de fait impanifiable, et le blé meu-nier. Il est important de rappeler que c'est sur l'expertise du meunier que repose la meilleure utilisation des blés, dont les qualités technologiques sont variables selon les récoltes. Cette année, cette expertise devra être encore plus fine et nous accompagnerons encore plus nos clients dans la bonne utilisation des farines.
LD - LPM : Avez-vous eu des retours concernant votre demande de création d'une référence de prix de blé pour pallier la désolidarisation du marché physique avec Euronext ?
C'est sur l'expertise du meunier que repose la meilleure utilisation des blés.
J. N. : Nous avons communiqué notre demande au conseil spécialisé des céréales de FranceAgri-Mer du 9 janvier 2013, et nous l'avons renouvelée lors de la réunion du dernier conseil, qui s'est tenue le 10 septembre. Notre souhait, d'un suivi quotidien des prix du marché intérieur au point de départ de référence des livraisons physiques, est doublement justifié. Il s'agit de pallier les inconvénients d'une référence Euronext ” qui ne correspond pas aux critères de la meunerie française, comme le démontre la campagne actuelle. Il est aussi nécessaire de satisfaire aux obligations de la réforme financière des marchés des matières premières agricoles faisant l'objet du marché à terme. Cette demande est à l'étude avec une révision rapide de la grille des classements des blés français, selon laquelle ces cotations seront établies.