Marchés
La diversification des cultures au service de la durabilité nécessite la création de véritables filières
Permettre à des filières de diversification de s’immiscer dans le schéma actuel de l’agriculture, basé sur un petit nombre d’espèces dominantes, nécessite la mise en place de partenariats et de mesures d’accompagnement dans la durée.
« Les deux conditions de développement de filières de diversification sont, d’une part, la création de prix rémunérateurs pour financer le changement, ces derniers passant par la constitution sur le marché de signes de qualité crédibles via un processus de différentiation. Et d’autre part, une forte coordination de tous les acteurs pour que cette valeur ajoutée remonte la filière jusqu’à l’exploitation, afin de rendre la diversification effective. » Ainsi résume M’hand Fares, économiste à l’Inra de Rennes, l’expertise sur les “Freins et leviers à la diversification des cultures” menée par l’Institut scientifique sur la demande conjointe des ministères de l’Agriculture et de l’Environnement.
Créer de la valeur ajoutée
« Si on souhaite favoriser le développement de cultures de diversification, il est essentiel qu’elles puissent présenter des avantages concurrentiels suffisamment incitatifs », insiste Jean-Marc Meynard, directeur du département Sciences pour l’action et le développement à l’Inra-Grignon et pilote scientifique de l’étude. Cela suppose d’agir de façon simultanée sur trois leviers : les débouchés, la coordination des acteurs, et l’amélioration technologique et variétale.
« Même si elle doit pour s’initier être soutenue par les pouvoirs publics, la diversification ne perdurera sur le long terme que si leur action est relayée par des mécanismes du marché », alerte le scientifique (cf. encadré). Les coopératives jouent alors un rôle majeur dans la construction de filières locales, en mobilisant des agriculteurs et en nouant avec l’aval des accords ouvrant des débouchés, souligne l’étude.
Cependant, face à l’investissement qu’elle nécessite, les acteurs s’engagent à condition d’avoir une certaine visibilité sur l’avenir. « D’où l’intérêt d’une coordination des filières par des contrats pluri-annuels qui garantissent aux agriculteurs un débouché et aux transformateurs un approvisionnement au moins sur le moyen terme », explique-t-il. Elle donne plus de lisibité et cohésion au choix productif, et une meilleure transmission de la valeur ajoutée et des connaissances, sur les techniques de production, les cahiers des charges et la traçabilité.
Agir sur le long terme
L’Inra recommande aux pouvoirs publics de favoriser le développement de niches d’innovation, par l’établissement de partenariats à long terme (dix ans minimum) entre tous les acteurs de la filière, à l’image des clusters industriels ou via des partenariats européens d’innovation (PEI). « Il s’agit d’aider à la construction et à la pérennisation de réseaux d’acteurs pour participer à l’incubation et la validation d’innovations, nécessaires à la compétitivité de la filière », précise le pilote de l’étude. La seconde recommandation vise à modifier, dans le même temps, le « paysage sociotechnique » pour inciter le régime dominant (les grandes cultures) à intégrer des filières de diversification. Le volet Verdissement de la Pac va dans ce sens, « même si les mesures, à ce jour, sont un peu timides ».
Ces processus à forte inertie nécessitent des actions sur le long terme. « Et affichées dès leur mise en place comme des mesures allant durer », préconise Jean-Marc Meynard.