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La dictature de l’or noir s’installe durablement sur les marchés

Les prix devraient être de plus en plus dépendants du pétrole à moyen terme

IMPACT « La forme de la courbe de l’évolution des prix du pétrole va dicter la courbe des prix des matières premières agricoles » dans les prochaines années. C’est ce qu’estime Jacinto Fabiosa, du Fapri (Food and Agricultural Policy Research Institute, organisme nord-américain  consulté par le Congrès des Etats-Unis, pour l’élaboration du Farm Bill notamment). Une prévision faite lors des rencontres de la Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde (Farm), dédiées aux prix et organisées à Paris les 15 et 16 décembre derniers. L’Inra a d’ailleurs profité de l’événement pour présenter le modèle Oleosim, permettant d'identifier partiellement les variables ayant participé à la volatilité des cours en 2006 et 2007.

Avec un baril à 50 dollars minimum, le pétrole restera un élément directeur majeur
Pour le co-directeur du Fapri, si la forte réduction des stocks mondiaux est à l’origine de la hausse des prix, la nouveauté est « l’intégration des prix de l’énergie » dans le marché des matières premières agricoles. D’après le rapport de l’institut, les cours mondiaux devraient repartir vers le haut et se stabiliser sur des niveaux plus élevés qu’actuellement. La crise financière, plombant momentanément la demande énergétique et agroalimentaire, retarde la reprise. Le prix du pétrole devrait tourner autour de 50$/baril, jusqu’à la fin 2009, selon l’institut. A partir de 2010, il parie en revanche sur une reprise des cours de l’or noir que suivrait l’ensemble des matières premières agricoles. En fait,le niveau actuel serait le seuil minimum au-delà duquel le pétrole affecte clairement les cours agricoles. En dessous, « peu de corrélation est observée », explique Jacindo Fabiosa. Et d’ajouter que la volatilité s’exprimera en fonction de la stabilité des stocks mondiaux. L’ensemble des matières premières serait concerné par cette forte corrélation, et pas simplement le maïs (principale ressource pour fabriquer du bioéthnaol aux Etats-Unis), ou le soja (utilisé pour le biodiesel). « Quand le maïs progresse à cause du pétrole, l’ensemble des prix des matières premières suit le mouvement, car elles sont en compétition sur les mêmes surfaces limitées  », asure Jacinto Fabiosa.

La demande en biocarburants ne devrait pas faiblir à moyen et long termes, compte tenu des politiques de développement des filières bioéthanol et biodiesel mises en place par les plus gros producteurs que sont les Etats-Unis et le Brésil. Et, comme l’ajoute Jacinto Fabiosa, même si les politiques de soutien venaient à faiblir, un baril de pétrole autour des 80 $/baril suffirait à maintenir la rentabilité du secteur. Quant aux problèmes que rencontrent depuis quelques semaines certaines unités de production de bioéthanol, notamment aux Etats-Unis, l’expert américain estime que les prix permettront d’assumer les charges d’ici 2013.

Rupture modelisée par l’Inra avec Oleosim
Les hausses de prix de 2006 et 2007 constituent « un choc » sur les cours moyens depuis quarante ans, selon Yves Dronne, de l'Inra de Rennes, qui a modélisé les causes de la volatilité des cours. Son outil, Oleosim, permettrait d'identifier partiellement les variables ayant participé à la volatilité sur cette période. Une des raisons majeures d’augmentation serait la croissance économique et la progression de la demande en alimentation humaine et, par ricochet, animale. Au niveau mondial, les besoins participeraient pour 14 % à la hausse du prix du blé en 2007. La baisse conséquente des stocks mondiaux en céréales explique 8,1 % de la tension. En revanche, la hausse de la demande en biocarburants a peu d'effet sur les prix du blé (0,8 %) selon le modèle. Elle joue davantage sur les cours du maïs (+12 %), du sucre (+9,2 %) et des huiles de soja et de colza (+17,3 et +19,5 %). Des chiffres à tempérer puisque 45,2 % des variations de prix ne sont pas expliquées pour le blé par Oleosim, et jusqu'à 91 % pour l'huile de soja.
C’est dans ce “bruit” que les facteurs exogènes se trouvent. Les phénomènes d'anticipation favorisés par de fortes variations de prix intra-campagne, les politiques agricoles qui déconnectent les demandes intérieures des prix internationaux et influent sur les prix au niveau mondial font partie des variables mystères. De son côté, le prix du pétrole est indirectement pris en compte par le modèle au travers des évolutions de surfaces et de rendements.
Autres éléments non expliqués par le modèle : le rééquilibrage entre l’offre et la demande au niveau des surfaces et des rendements, ainsi que la récession économique sans précédent. Ces deux facteurs ont participé au dégonflement de la bulle spéculative sur les matières premières agricoles.

D’après Olivier Bizimana, du Crédit Agricole, ce récent krach financier comprendrait trois phases. Il aurait débuté, pour rappel, par une crise de liquidités, engendrée par l’éclatement de la bulle immobilière américaine. Les investisseurs se seraient alors tournés vers le marché des matières premières pour sécuriser leurs positions. Enfin, le caractère systémique de la crise aurait obligé les investisseurs à déboucler leurs positions pour s’assurer des liquidités. Olivier Bizimana a conclu en affirmant que ce sont les variations de prix qui peuvent inciter à la spéculation et non l’inverse.

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