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Meunerie
La crise trois ans après, vue de Nutrixo

IL Y A PRÈS de trois ans la crise des matières premières a démarré avec la flambée des céréales qui a été qualifiée aussitôt par Hubert François, le patron de Nutrixo (dont fait partie Grands Moulins de Paris) de “véritable tsunami”. Et depuis, se sont déclenchées en partie à cause de cette première crise la crise financière, dite d’abord des subprimes, puis maintenant la crise économique dont on n’ose voir le bout.

Succession de crises
Revenant sur ce qui affecte le plus l’activité dans son secteur, Hubert François ne manque pas de dire que «tous les experts se sont trompés », ce pour quoi il s’interdit de faire des prévisions en ce domaine. Ce dont il est sûr c’est que la filière meunerie-boulangerie dans laquelle intervient la filiale de Champagne Céréales est entrée en crise en 2006 et que l’on en est maintenant à la deuxième ou la troisième vague du tsunami. 
La première vague, ce fut «l’augmentation brutale du cours du blé multiplié par 2,5 en six mois, un mouvement qui a fortement impacté les chiffres d’affaires des entreprises dans nos métiers primaires, et qui s’est avéré aussi dangereux au moment de la hausse qu’avec la baisse rapide qui est intervenue cette année. Le pire c’est que si la vague est passée, il n’y a rien de réparé pour autant ; rien n’a été remis en place qui pourrait nous éviter que cela recommence », estime Hubert François.   
La leçon à retenir c’est que les marchés de matières premières agricoles restent «assez immatures», selon lui, qu’ils surréagissent parce qu’il n’y a aucun indicateur fiable, pas même sur la notion de stocks, et qu’une information sur tel ou tel accident météorologique dans un coin du globe suffit à affoler les marchés à terme. Depuis qu’il n’y a plus de stocks publics dans l’UE, déplore le patron de Nutrixo, «on table sur des comparaisons entre prévisions de récolte et consommation attendue pour dire qu’il faut faire monter ou faire baisser le prix mais personne ne parle de la même chose (estce le stock au 30 juin ? un stock glissant ? en fin de récolte chez nous ou dans l’Hémisphère Sud ?) ; en 2006-2007, on a assisté ainsi à un grand jeu de mistigri où certains avaient intérêt à la hausse, où la spéculation et la multiplication insensée des “produits dérivés” inventés par les financiers ont même été un des déclencheurs de la crise financière et bancaire qui s’en est suivie». Cette dernière a rejailli sur l’activité de crédit aux entreprises et la meunerie comme la boulangerie ont à faire face depuis 2008-2009 à ces difficultés supplémentaires. Dans une chaîne aussi solidaire que la filière pain la moindre secousse ici rejaillit très loin à l’autre bout, mais il n’est pas possible d’arrêter toutes les relations commerciales parce qu’un assureur-crédit vous met en alerte ! Et le plus préoccupant maintenant c’est la baisse de la consommation qui a résulté, à partir de décembre 2008 jusqu’en avril au moins, du climat général de crise économique et d’inquiétude devant le chômage.  
Même si la baisse de la consommation de pain n’est que de 3 % (source F.A.M.) en considérant le seul circuit artisanal, pour un groupe comme Nutrixo et sa filiale Délifrance (magasins en franchise), la reprise n’est pas au rendez-vous vu la baisse de la demande des industriels et des restaurateurs ou des hôteliers. « En septembre 2009, nous sommes encore dans la crise et nous ne savons pas jusqu’à quand. Pour la filière, la rechute des cours du blé –à un niveau en effet anormalement bas comme on peut le dire pour le lait– n’est pas plus facile à vivre. Les meuniers qui ont fait des contrats sur la base de 400 euros alors qu’on est à 180 aujourd’hui ne font qu’exacerber la concurrence. D’où des restructurations qui se sont accélérées, 30 % des volumes de la meunerie ont changé de main, 40 % de la fabrication de pain cru surgelé également ! », remarque Hubert François.

Pour un vrai stock stratégique Les stocks publics de céréales n’existent plus que dans des pays à économie d’Etat, l’UE a fait le choix de ne plus disposer de stocks d’intervention. Avant la flambée des cours, son stock de blé de 8 Mt avait déjà fondu à 5 Mt, mais Bruxelles s’est empressé de la brader à un prix de 100 €/t, prix qui avait doublé un an plus tard, ironise Hubert François. Ce qui reste aujourd’hui comme disponible dans la Communauté est trop faible (environ 300.000t) pour être un vrai stock stratégique anti-crise. Il faudrait peut-être tirer la leçon des évènements récents et songer à disposer de 4 à 5 Mt sous le coude en permanence, pensent les gens raisonnables. Le problème, c’est que la mouvance anglosaxonne qui a inspiré beaucoup de monde en Europe estime que faire quelque chose n’est forcément pas bien. Pour sa part, le patron de Nutrixo ne prétend pas que c’est la solution, mais il est sûr que «si on ne cherche pas de solution, il n’y en aura pas et qu’on ne sera pas à l’abri de nouvelles crises». Il recommande de raisonner sur les prix en les lissant sur 3 ans par exemple, et l’on verrait qu’ils n’étaient pas si bas que cela. En tout cas il pourra en débattre au sein d’un des groupes de travail préparatoires à la LMA; il y représentera l’Ania à celui que préside Marion Guillou, p.-d.g. de l’INRA, sur « compétitivité et revenu ».

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