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Boulangerie
La Chine mise sur l'image française

Les boulangeries sont à la mode en Chine. Certaines mettent la France en avant comme argument marketing, sans pour autant ressembler à des boulangeries françaises. Si l'image de la baguette est porteuse, son goût, reste quasi inconnu.

Paris Baguette, Bon Matin, Croissants de France..., comme leur nom ne l'indique pas, ces chaînes de boulangerie populaires en Chine sont d'origine... sud-coréenne et taïwanaise ! Celles-ci ont beau être principalement locales et sud-asiatiques, certaines n'hésitent pas à faire référence à Paris et à la tour Eiffel. Les pains les plus appétissants pour un Français servent parfois uniquement à la décoration, avec des produits à la vente principalement constitués de pains briochés et de buns, souvent fourrés. Mais qu'importe si les boulangeries-pâtisseries françaises ne le sont pas vraiment, le secteur est en plein essor. « En 2012, le marché atteignait déjà 110 milliards de yuans (14,7 M€), explique Hélène Hovasse, chef de pôle Équipements et Produits alimentaires chez Business France(1). Et la croissance annuelle dépasse 10 % par an. »

L'image de la France

A Yantai, les Wang – dont le beau-frère, français, avait un grand père boulanger – se sont lancés il y a deux ans. « Ils ont décidé d'ouvrir une boulangerie française mais n'étaient pas du tout de métier, explique Maxence Juchli, leur chef. Il a fallu leur expliquer qu'il était important de travailler des produits en phase avec les attentes des clients. » Il existe bien une poignée de boulangeries artisanales proches du modèle français en Chine, mais elles ne s'adressent qu'à des expatriés ou à des Chinois cosmopolites. Chez Poilane, les baguettes, croissants et pains et chocolat pèsent à peine 5 % des ventes. « Nous en vendons un peu dans la boutique, mais le gros des volumes est acheté sur commande par des expatriés et les deux restaurants français de Yantai. Les Chinois préfèrent les pains briochés. Alors que pour nous, le pain accompagne un repas, ils considèrent les produits de boulangerie comme un en-cas, à consommer sur le pouce », explique Maxence Juchli. Poilane, qui vient d'ouvrir un deuxième point de vente, tournerait très bien sans ces produits français. « Mais la France est notre image de marque, alors nous devons en avoir un peu dans la boutique. Et le fait d'avoir des clients étrangers est bon pour notre réputation. Les Chinois se sentent valorisés s'ils fréquentent les mêmes boutiques que des Occidentaux », poursuit-il. Lui-même est Suisse, mais pour les Chinois, il est Français, son patron y tient ! « Et puis, j'ai quand même travaillé quelques années en France », relativise le jeune homme.« L'origine du produit et son histoire sont des éléments importants pour le consommateur chinois, confirme Hélène Hovasse. Le packaging a aussi une grande importance, même en boulangerie et les phénomènes de mode sont très importants. »

Le goût de la nouveauté

Le prix de vente élevé de la baguette (15 yuans, soit 2 €) et des viennoiseries françaises, vendues beaucoup plus cher (à défaut de re-venir plus cher) que les produits chinois, explique sans doute la frilosité des clients chinois. La nouveauté ne leur fait pas peur, bien au contraire. Mais pour 15 yuans, on peut s'offrir un plat de riz ou de pâtes dans certaines échoppes... « Je passe mon temps à sortir de nouvelles recettes, de nouvelles formes, de nouveaux fourrages. Ici, les clients veulent tout le temps goûter des produits nouveaux. En deux ans, j'ai dû créer pas loin de 160 pains différents, s'exclame Maxence Juchli. Pour mes recettes, je marie mon savoir-faire et les goûts chinois. Cela nous permet de nous différencier des autres boulangeries. »

Le casse-tête des approvisionnements

L'approvisionnement représente un autre défi de taille. « Les patrons n'étant pas du métier, ça n'a pas été simple pour s'approvisionner au début, notamment pour la farine. Nous on parle de farine T45, 55... mais ici chaque farine a un nom différent, selon l'usage au-quel elle est destinée ! J'en ai trouvé une correcte dans un moulin local, mais la qualité s'est révélée très inégale d'une livraison sur l'autre ». Actuellement, Maxence Juchli utilise trois farines françaises qu'il achète sur internet pour des pains spéciaux, une farine russe pour le pain complet et une farine chinoise pour la baguette. « La farine russe n'est pas à la hauteur de la farine française, mais elle est correcte et trois fois moins chère. Pour la baguette, la farine chinoise me convient car je la travaille sur un levain », précise-t-il. Pour les viennoiseries, il a résisté. Alors que les Chinois utilisent volontiers de la margarine, lui achète du beurre d'origine néo-zélandaise. Et ça marche. « Les clients apprécient les croissants », notamment ceux fourrés au « cream cheese » et haricots rouges. Une association qui ne manquerait pas de dérouter dans l'Hexagone.

(1) Business France a publié une étude sur la boulangerie-pâtisserie en Chine continentale en 2015.

Un marché concurrentiel

La multiplication des chaînes de boulangerie-pâtisserie entraîne une concurrence exacerbée, d'autant que les commerces proximité, les supermarchés et et les chaînes de café vendent aussi ce genre de produits. « Entre l'évolution des habitudes, la bonne réputation liée à l'image occidentale, et les prix bas liés à la concurrence, ce marché va continuer à se développer », prévoit Hélène Hovasse de Business France. Outre la question des droits de douanes, très élevés hors quota, les blés et farines français, nécessaires pour des produits de qualité, sont très peu connus, à part dans l'hôtellerie-restauration de luxe (cf. l'article Shanghai Young Bakers dans le numéro du 28 juin 2016). Éduquer les consommateurs prendra du temps. « Mais une fois familiarisés avec le goût beurré ou une baguette croustillante, les Chinois en redemandent ! », précise Hélène Hovasse.

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