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La Mie’nutie
La baguette 100% blé dur

En réussissant à produire de la farine à partir de blé dur, et à créer un processus de panification, Arterris et ses partenaires ont réalisé une prouesse technologique.

Arterris, les Moulins Pyrénéens et la Fédération régionale de la boulangerie-pâtisserie du Languedoc-Roussillon ont lancé courant mai 2012 la commercialisation de la Mie’nutie, une baguette 100 % blé dur. Ce défi technologique s’est fait en partenariat avec l’Inra de Toulouse pour la mise au point de la farine, et avec l’Inra de Nantes pour le processus de panification.
L’initiative est partie d’Arterris, premier collecteur de blé dur de France avec une production de plus de 300 000 t. Les Italiens, à qui la coopérative fournit depuis longtemps du blé dur, le transforment en une semoule fine. Ils arrivent à confectionner des pains, type boules ou carrés à la mie serrée, mais ils n’ont jamais réussi à faire de baguette. Arterris étant copropriétaire de deux moulins, dont un en plein cœur d’une zone de production de blé dur, s’est interrogé sur la possibilité de fabriquer un pain français. « Or le pain de référence, c’est la baguette », explique son directeur général adjoint Guillaume Duboin.

Un processus et un développement de longue haleine
La farine de blé dur est issue de cinq variétés sélectionnées sur une cinquantaine à l’Inra de Montpellier. Les cinq variétés proviennent exclusivement d’Arterris, et leurs noms sont jalousement gardés secrets, plus encore que le procédé de fabrication. « Nous ne voulons pas divulguer les critères technologiques qui nous servent à classer les blés. Même les obtenteurs ne sont pas au courant ! », précise Guillaume Duboin. Après la sélection des variétés, il y a eu les tests de mouture, pour ensuite passer à l’échelle industrielle. Le procédé a mis environ cinq ans à être élaboré, et sa certification est encore à l’étude. « Il faut savoir que la mouture de blé dur est beaucoup plus énergivore que celle de blé tendre. Quand le débit de mouture est de 18 tonnes par heure en blé tendre, il est divisé par deux pour le blé dur à 9t/h », indique Anaïs Bernabé, en charge du suivi du projet Mie’nutie. Néanmoins, la farine de blé dur a, jusqu’à maintenant, été produite sur un diagramme de blé tendre. À terme, des investissements sont prévus pour augmenter les débits de mouture. Cette étape a représenté un défi technologique car l’amande de blé dur est particulièrement résistante. C’est d’ailleurs pour cela qu’en temps normal la céréale est destinée à la semoulerie.
Le temps de travail est aussi plus important pour le boulanger, d’où le nom de Mie’nutie, puisque c’est un produit dont la fabrication nécessité d’être méticuleux. « La pa-nification se fait à l’ancienne et il faut être un très bon artisan boulanger pour maîtriser le procédé », précise Anaïs Bernabé. C’est l’Inra de Nantes qui a aidé à mettre en œuvre avec quatre boulangers pilotes, un protocole de panification adapté aux caractéristiques de la farine de blé dur. Actuellement, la formation des nouveaux boulangers souhaitant participer à l’aventure est dispensée par Claude Seisen, boulanger retraité qui faisait partie des quatre boulangers de départ. Les futurs « Mie’nutieux » sont entre de bonnes mains puisque Claude Seisen a non seulement été élu meilleur ouvrier de France, mais il est également grand maître de la confrérie de la défense du pain artisanal de la région Languedoc-Roussillon. Il se déplace directement dans les boulangeries pour diffuser son expérience, « il a l’avantage d’être proche des préoccupations des artisans », ajoute Anaïs Bernabé.

Vers les 10 000 t valorisées et les 200 points de vente
« Le projet ayant démarré en mai 2012, les volumes transformés sont encore faibles par rapport à l’objectif de 10 000 t, fixé pour fin 2013-mi 2014 », révèle Guillaume Duboin. La formation de l’artisan pour la réalisation d’un produit final très technique ralentit le développement et d’expan-sion de la Mie’nutie. Sachant que la coopérative a un rendement moyen de 4-4,5 t/ha en blé dur, l’objectif de 10 000 t représente une surface d’environ 2 200-2 500 ha. Le but est atteignable puisque les producteurs de blé dur adhérents d’Arterris travaillent entre 2.500 et 3.000 ha en Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées. « Aujourd’hui, il n’y a pas de contractualisation avec les agriculteurs. Arterris fait son assemblage avec la marchandise à disposition mais, à long terme, c’est une possibilité », déclare Guillaume Duboin. Sortie il y a deux mois, la Mie’nutie est vendue dans 70-75 points de vente, sur un objectif de 200 à deux ans. Les acteurs du projet ambitionnent que la baguette soit distribuée sur toute la région méditerranéenne, productrice de blé dur.

Un avenir plutôt prometteur
Selon Anaïs Bernabé, les aspects nutritionnels entre une farine de blé tendre et une farine de blé dur sont quasiment les mêmes. Il devrait d’ailleurs bientôt y avoir une étude comparative sur la satiété engendrée par ces deux farines, en partenariat avec l’Inra de Nantes.
« Jusqu’à maintenant, le retour des clients est en général très bon. Le seul problème rencontré est que les consommateurs sont souvent dubitatifs sur le fait que la baguette soit 100 % naturelle à cause de sa mie très jaune. Et pourtant, il n’y a aucun ajout. Les seuls ingrédients utilisés dans l’atelier du boulanger sont l’eau, le sel et la levure. » Le prix n’est pas un handicap, car la baguette Mie’nutie de 250 g coûte le même prix qu’une baguette de tradition française, soit 1,1€-1,2€. Pour Guillaume Duboin, il n’y a pas tellement d’avenir pour la Mie’nutie en boulangerie industrielle. En revanche, il pourrait y avoir des débouchés pour la farine de blé dur en biscuiterie.

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