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« Il faut qu’une partie de la valeur ajoutée revienne au producteur »

Xavier Beulin, nouveau président de la FNSEA. Cela faisait une quarantaine d’années qu’un producteur de grandes cultures n’avait pas été à la tête du syndicat majoritaire.

La dépêche-Le Petit Meunier : Comment abordez-vous votre mandat ?
Xavier Beulin : Nous avons plusieurs dossiers à traiter. La réforme de la Pac, les négociations commerciales internationales, avec l’OMC mais aussi bilatérales, et en particulier celles du Mercosur, qui nous interpellent. On connaît la volonté de conquête et l’agressivité de l’Amérique du Sud sur le marché européen. Nous serons très vigilants. Si les marchés du maïs et de l’éthanol sont concernés, celui de la viande bovine pourrait également en souffrir énormément. Autre dossier, l’application de la LMA et notamment la contractualisation. Nous serons aussi très attentifs aux travaux de l’observatoire des prix et des marges. L’enjeu sera de bien identifier la valeur des matières premières dans le produit fini pour faire en sorte qu’une partie de cette valeur ajoutée revienne au producteur. Plus l’élaboration et la transformation sont importantes, comme dans les produits finis animaux, plus cette tâche est difficile.

LD-LPM : Aurez-vous une réflexion similaire sur le pain ?
XB : Pourquoi pas. Les pouvoirs publics sont très sensibles aux prix des produits de grande consommation. Lorsque le pétrole monte, les prix des carburants suivent. Mais quand les matières premières agricoles progressent, ceux au bout de la chaîne doivent rester étals. Ce n'est pas logique. L’observatoire doit nous aider à remettre de l’équité dans les filières mais aussi à révéler de manière plus transparente et objective cette relation matières premières/produit fini. D’autant que certaines informations peuvent brouiller les pistes. Accentuation de la volatilité avec l’arrivée des fonds financiers sur les marchés des matières premières végétales, multiplication de phénomènes climatiques inhabituels ou encore difficulté à connaître le niveau des stocks mondiaux. Les Chinois, régulièrement aux achats, sont-ils par exemple en situation de tension pour leurs propres besoins alimentaires ou pas ? Ce sont des infos très sensibles mais difficiles à obtenir.
Tout cela pose la question de la place des politiques publiques dans l’encadrement des marchés. Il faudrait repenser ou réinstaurer un minimum d’intervention pour gommer ou amortir les excès, à la baisse comme à la hausse.

LD-LPM : En quoi la transparence sur les marchés à terme apporterait plus de visibilité sur le physique ?
XB : Ce ne serait qu’un premier pas. Il faudrait aussi pouvoir limiter l’intervention d’un opérateur sur un marché dès lors que son objet d’investissement n’a rien à voir avec les matières premières agricoles. Il ne s’agit pas de tuer les marchés à terme mais de contenir les volumes engagés et de borner les possibilités de progression et de repli comme à Chicago.

LD-LPM : Vous avez déclaré dans une interview à AgraPresse au sujet du revenu « Une hausse annoncée de 66% ne doit pas nous faire oublier ce que cela cache : la volatilité des prix agricoles. », pouvez-vous développer ?
XB : D’un point de vue d’un céréalier, la volatilité n’est pas forcément un problème avec les outils de gestion de prix et de couverture disponibles. Mais c’est très différent au niveau de la relation animal/végétal ou pour la transformation, comme pour la production de bioéthanol par exemple. Nous aurons du mal à construire des filières solides avec de telles amplitudes de prix marquées par un passage de 100 à 200 €/t en trois mois ! Si l’élevage français, très sensible, notamment en hors sol, perdait 15 à 20 % de sa capacité de production dans les années à venir, les volumes non consommés seraient renvoyés sur les autres compartiments du marché, intérieur et export, créant un déséquilibre et pesant sur les prix.

LD-LPM : Comment alors pérenniser ces débouchés ?
XB : Nous avons commencé à travailler au travers d’Orama et de la filière animale. Depuis vingt ans, nous avons spécialisé nos systèmes, avec des exploitations en monoproductions. Il faut repenser nos schémas. Pas au niveau des exploitations. Je réfute l’idée de remettre de l’élevage dans nos exploitations, de l’autoconsommation, refaire du circuit court… Cela peut être une solution pour certains, pas pour l’agriculture en général. En revanche, n’a-t-on pas la capacité, au niveau des bassins ou des régions administratives, de développer des relations interfilières entre les secteurs animaux et végétaux ? Les OS n’ont-ils pas un rôle à jouer dans cette interconnexion ?
Nous devons aussi réfléchir à des synergies entre nos marchés, alimentaires, industriels et export. Ce qui fait la valorisation du blé, de l’orge ou du colza, c’est la somme de ces débouchés. Quand tout va bien, on cale les modèles sur des prix de matières premières moyens et tout le monde y trouve son compte. Mais en cas de tension à la baisse ou à la hausse, nous le déstructurons. Comment produire sereinement du biodiesel avec un colza à plus de 500 €/t ?

LD-LPM : Mettre d’accord tous les acteurs privés d’intérêts divergents ne sera pas facile…
XB : Nous devons imaginer les outils interprofessionnels permettant de satisfaire tous ces marchés et d’amortir ces excès de variations de prix. Je crois à des dispositifs engageant, à hauteur de 20 à 30 %, la production d’une exploitation pour assurer un minimum d’approvisionnement à chacune de nos filières. Sur la mienne, je dédie environ un tiers de mon colza à la filière Diester. Je sais qu’il sera vendu moins cher que sur le marché alimentaire. Mais c’est parce que je dédie une part de mon volume au biodiesel que je profite de prix plus élevés en alimentaire. La grande difficulté est désormais de passer d’une approche collective à une acceptation individuelle.
Nous avons aussi intérêt à mieux ancrer l’amont à l’aval. Pendant les années 80 et 90, c’est l’industrie agroalimentaire qui comptait, sans se soucier du sourcing. Aujourd’hui, sans un amont développé et puissant, l’aval est fragile. Et l’amont a besoin de l’aval pour valoriser ses productions. Il faut donc, une nouvelle fois, s’interroger sur de nouvelles relations au sein de la filière.
Nous pouvons aussi ancrer capitalistiquement le producteur dans la transformation. Cela se fait déjà indirectement via les coopératives. Mais, ne peut-on pas aller plus loin ? Certaines coopératives ont ouvert des fonds d’investissement aux producteurs.

LD-LPM : Où en est le dossier de la directive sur les énergies renouvelables ?
XB : Le dossier français a été transmis à Bruxelles. Mais les difficultés demeurent. Il s’agit du zonage sur lesquels il y aurait une interdiction de produire des cultures énergétiques. Avec la question de la catégorie des prairies permanentes. Selon la directive, toutes les surfaces en herbe auraient une valeur environnementale et seraient riches en biodiversité. Or ce n’est pas toujours le cas. Les surfaces disponibles pour les cultures énergétiques, notamment en Lorraine, seraient largement amputées.
Nous souhaitons aussi que la notion de co-responsabilité soit reconnue entre tous les acteurs de la filière et pas seulement aux collecteurs. Nous avons proposé que 3 % des dossiers tirés au sort puissent être contrôlés par un organisme certificateur.
Nous espérons la validation du schéma volontaire. Enfin, nous aimerions que, pour la récolte 2010, le régime ne soit que déclaratif pour pouvoir travailler normalement. Les Allemands ont déposé leur schéma avant nous, entraînant des problèmes en Lorraine où des volumes partent de l’autre côté du Rhin. Si notre schéma est agréé rapidement, tout ira bien.

LD-LPM : Quel rôle le stockage peut-il jouer en terme de régulation des marchés ?
XB : La voie du stockage in situ de manière contractuelle et pluriannuelle est très intéressante. Pourquoi ne pas envisager aussi des contractualisations d’état à état pour garantir à certains pays importateurs un approvisionnement, y compris lors de flambées ? Je pense plus particulièrement au bassin méditerranéen, pour une partie de ses besoins. Nous y avons des clients récurrents. J’espère que l’Egypte tirera les conclusions de ce qui s’est passé cette campagne. En 2009, elle a opté pour les origines russe et kazakhe. Quoi qu’on en dise, l’Europe est plutôt à l’abri des grands incidents climatiques. Il ne s’agit pas d’aide alimentaire, mais de contractualisation marchande, là aussi pluriannuelle, avec des systèmes de pondération de prix. Le congrès Orama qui se tiendra les 18 et 19 janvier sera tourné vers l’export dans ces régions.

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