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GES : « Notre agriculture peut se mobiliser encore davantage »

À une semaine de l'ouverture du Sia, le président de la République, François Hollande, a accepté de répondre à une interview d'Agra Presse que nous publions en partie.

L'année 2015 est marquée par l'impératif écologique lié au sommet de Paris sur le réchauffement climatique. Quelle mission supplémentaire demandez-vous à l'agriculture d'assumer sur la question environnementale ?

François Hollande : J'invite les agriculteurs à se saisir pleinement des enjeux de la conférence sur le climat. Qu'ils ne considèrent pas l'accord qui en sortira comme comportant des nouvelles contraintes mais comme offrant des opportunités supplémentaires pour promouvoir l'agriculture française. J'ai d'ailleurs veillé à ce que les spécificités du secteur agricole soient reconnues dans la plate-forme du Conseil européen pour la préparation de cette conférence. Notre agriculture qui est déjà soucieuse de ses émissions de gaz à effet de serre (GES) peut se mobiliser encore plus pour stocker davantage de carbone dans les sols, conduire une sélection génétique pour produire des plantes plus résistantes à la sécheresse, traiter davantage les déchets agricoles avec la méthanisation. Jamais je n'accuserai l'agriculture d'être à l'origine du réchauffement de la planète. Mais j'ajouterai toujours que l'agriculture peut contribuer à sa diminution. Il faut produire plus et produire mieux, c'est le sens de la stratégie d'agroécologie, proposée par Stéphane Le Foll.

Ne faudrait-il pas davantage de régulation des marchés pour permettre aux agriculteurs de mieux répondre aux exigences environnementales ?

F. H. : D'abord, la France a obtenu en 2013 une renégociation de la Pac qui était, à bien des égards, inespérée. Autant en ce qui concerne sa place dans le budget européen que ses modalités d'application. Nous avons pu renforcer la régulation des marchés, augmenter le couplage des aides tout en introduisant le verdissement.

F. H. : Mais face à des cours de plus en plus volatiles et qui sont insupportables pour beaucoup de producteurs, nous devons, à crédits constants, réguler davantage. Les pouvoirs de la Commission européenne ont été renforcés, elle doit s'en saisir. J'ai donc écrit au président Jean-Claude Juncker pour que des mesures de gestion des marchés soient prises. L'Europe doit adopter rapidement une décision concernant le stockage privé pour la viande porcine pour redresser des cours particulièrement bas et pour compenser les effets de l'embargo russe. C'est la pérennité de nombreuses exploitations qui est en cause.

À ce sujet, après l'accord de Minsk, s'il est respecté, peut-on espérer une prochaine levée de l'embargo russe ?

F. H. : Depuis plusieurs semaines, j'ai engagé des démarches auprès des autorités russes pour une levée progressive de cet embargo. Si je m'engage autant pour la paix en Ukraine, c'est bien sûr pour que nous en terminions avec une guerre qui a déjà fait plus de 5.000 morts. Mais c'est aussi pour que nous retrouvions des relations amicales et commerciales avec la Russie. J'ai l'espoir que si l'accord de Minsk se confirme – mais nous avons beaucoup d'incertitudes dans cette période – nous puissions aller très vite vers une reprise de nos échanges.

Sur les questions environnementales, les agriculteurs ont le sentiment que la France sur-transpose de manière excessive les réglementations européennes. Ne pensez-vous pas que c'est effectivement le cas ?

F. H. : Elle l'a trop fait dans le passé. Elle a ajouté des contrôles aux contrôles et alourdit les charges des exploitants. Or les formalités administratives ont aussi un coût financier. D'où l'ouverture de trois chantiers par le gouvernement : le premier concerne l'environnement et la simplification des règles. Je pense notamment à la définition des cours d'eau mais aussi au régime des installations classées. Un alignement des dossiers d'étude d'impact sur ceux de nos principaux partenaires européens signifiera moins de papiers, des décisions plus rapides, des délais de ” recours raccourcis. Ainsi, pour les élevages de volailles, le seuil à partir duquel l'autorisation sera nécessaire passera de 30.000 à 40.000 dès juin prochain. Le second chantier a trait à la réglementation sur le travail. Les mesures concernant la pénibilité ne seront de fait pas applicables en 2015 et, à partir de 2016, une approche plus collective et forfaitaire sera privilégiée. En ce qui concerne l'apprentissage des mineurs, des simplifications seront apportées dès le mois de mai.

J'ai l'espoir que si l'accord de Minsk se confirme nous puissions aller très vite vers une reprise de nos échanges.

Le troisième chantier concerne les contrôles pour stabiliser les règles, privilégier les contrôles sur pièces par rapport aux contrôles sur place, favoriser la concertation entre administrations et réaliser sans armes les contrôles sur les exploitations.

Et en ce qui concerne les nitrates ?

F. H. : Concernant les nitrates, j'ai demandé aux ministres de l'Écologie et de l'Agriculture de revoir les extensions de zones vulnérables par rapport à ce qui était prévu en juin. Précisons que ce n'est pas parce qu'un territoire est classé en zone vulnérable qu'il est impossible à une exploitation agricole de travailler. L'exemple m'est souvent donné de l'Allemagne dont l'intégralité du territoire est classée en zones vulnérables mais dont l'agriculture est tout de même compétitive.

L'an dernier vous aviez eu un discours très encourageant à l'égard des biotechnologies et des OGM en particulier. Depuis, il ne s'est pas passé grand-chose hormis une directive européenne qui permet à tout pays membre de l'UE de prohiber les OGM sur son sol.

F. H. : La réalité, c'est que les consommateurs, qu'ils soient français ou européens, sont hostiles aux OGM qui existent aujourd'hui. Ils les considèrent, à tort ou à raison, comme n'apportant pas d'avantages réels mais comportant au contraire des risques pour l'environnement. C'est pour cela que ce sujet constitue l'une de nos lignes rouges dans la négociation commerciale entre l'Europe et les États-Unis. Mais dans la lutte contre le réchauffement climatique, les biotechnologies peuvent nous permettre d'être plus sobres dans la consommation énergétique, de stocker davantage de carbone, de développer de nouvelles méthodes de production. C'est pourquoi notre pays doit poursuivre son effort de recherche publique sur les biotechnologies, ce qui suppose que les chercheurs français puissent faire leur travail en toute sérénité et conserver une expertise sur ces technologies, de manière à éviter leur mauvais usage, voire dénoncer ceux qui les instrumentalisent. L'objectif est d'intégrer les avancées de la science dans le travail agricole. Le Haut conseil des biotechnologies sera un lieu utile pour faire partager ces enjeux à l'ensemble des acteurs.

Les distributeurs devraient-ils être plus souples à l'égard de leurs fournisseurs agricoles et agroalimentaires ?

F. H. : Les distributeurs bénéficient du Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, ils ont eu les aides du Pacte de responsabilité, il ne faudrait pas qu'ils essaient de les toucher deux fois : une fois parce qu'ils sont employeurs et une autre fois parce qu'ils sont acheteurs. Ils ne peuvent pas demander en permanence des rabais à leurs fournisseurs pour abaisser encore les prix. J'ai demandé au gouvernement de veiller à ces compléments de marge et de favoriser des relations contractuelles plus équilibrées entre la distribution et l'agriculture.

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