Conjoncture / productions animales
Flambée des cours des porcs charcutiers, faute d’offres suffisantes
Entre demande soutenue et offre limitée, les cours européens des porcs charcutiers atteignent des sommets et pourraient bien s’y accrocher.
En seulement deux mois, les cours des porcs charcutiers européens se sont envolés à des niveaux record depuis le passage à l’euro. Fin août, la référence allemande s’installait à 1,90 €/kg, soit un prix moyen payé au producteur estimé à 1,82 €/kg, en hausse de 25,5 % en un an. Dans le même temps, un éleveur néerlandais était payé autour de 1,77 €/kg, soit 26,4 % de plus que l’an dernier à la même époque. De son côté, le prix de base français s’est installé à 1,671 €/kg en moyenne sur la semaine 35, ce qui correspond à un prix moyen payé à l’éleveur proche de 1,821 €/kg contre 1,427 €/kg en 2011.
Une telle flambée des prix est à relier à la faiblesse de l’offre. Selon les dernières données du Marché du porc breton (MPB), en août, « des baisses d’abattage de 5 à 10% ont été relevées dans les grands bassins de production » européens. En France, dans la zone Uniporc Ouest, sur les cinq semaines se terminant le 31 août et « avec un nombre de journées d’abattage identique, la baisse est proche de 6 % ». Pour les professionnels de l’amont, ce net repli des disponibilités résulte du manque à gagner que subissent les élevages depuis plus de cinq ans. D’après le MPB, « la hausse du cours du porc aujourd’hui est la conséquence de la non réactivité du prix du porc aux hausses des coûts de revient ». Depuis 2007, l’absence d’augmentations significatives et durables des cours à la production a « usé économiquement les entreprises porcines et, cinq ans après la première flambée des céréales, des éleveurs (...) décrochent ».
Une bonne tenue de la demande
L’effet de levier de la baisse de la production est d’autant plus marqué que la demande se tient à de bons niveaux, tant sur le marché intérieur qu’à l’export. En France, selon les dernières données du panel Kantar, les achats de porc frais effectués par les ménages ont augmenté de 0,9 % de janvier à début août comparé à la même période de 2011. Dans le même temps, les achats de charcuterie ont gagné 2 %. Du côté des exportations, le dynamisme se poursuit. Pour le MPB, les exportations de l’Union européenne ont augmenté de 2,6 % au premier semestre 2012 comparé à 2011. Aux dires de certaines entreprises d’abattage-découpe, un ralentissement des volumes expédiés se serait néanmoins fait sentir en juin, sans grande surprise pour la saison, les mois d’été n’étant jamais propices aux échanges avec les pays tiers. Si l’intérêt des ménages pour la viande de porc se confirme et si une reprise du commerce extérieur a lieu en fin d’année, de nouvelles tensions sur les prix des porcs charcutiers ne sont pas à exclure.
Des prix fermes jusqu’en fin d’année
Ces prochains mois, c’est avant tout au niveau de la demande qu’il faudra faire attention. Car du côté de l’offre, aucun net retour n’est envisagé. Tout d’abord, la décapitalisation du cheptel européen de truies se confirme : -4,1 % en août 2011, -3,4 % en décembre 2011 et -2,6 % en août 2012, d’après le MPB. Ensuite, le prix de l’aliment devrait rester très élevé à court comme à moyen terme. Et d’après le MPB, « les coûts de production actuels auront un impact dans plusieurs mois » sur le niveau des disponibilités en élevage. À cela s’ajoute une hausse sensible des prix des porcelets. Depuis plusieurs mois, les disponibilités européennes sont très limitées tirant les cours vers le haut, malgré des coûts d’engraissement eux-aussi de plus en plus élevés. Enfin, beaucoup s’interrogent encore sur l’impact de la mise aux normes Bien-être des bâtiments d’élevage à compter du 1er janvier prochain. De nouveaux arrêts d’activité sont attendus. Si certains n’ont pas les moyens d’appliquer la directive communautaire, d’autres n’ont plus envie de poursuivre leur activité, faute de certitudes quant aux niveaux de prix des porcs charcutiers à moyen et long terme.