Export : les organismes stockeurs doivent être plus réactifs
Les professionnels de la filière ont mis le doigt sur les problèmes de compétitivité à l'export du blé tendre français cette année, lors d'une rencontre organisée par France Export Céréales, le 16 mars à Paris.

« Cette année n'est pas une grande réussite sur le plan commercial (…) On est collectivement responsable », s'est exprimé le président de France Export Céréales Jean-Pierre Langlois-Berthelot, durant la matinée d'information organisée par France Export Céréales le 16 mars à Paris. Pierre Duclos, responsable Trading chez Lecureur, s'appuie sur les chiffres à l'exportation du blé tendre français pour étayer ce constat. « Ce n'est pas énorme, mais les ventes de blé vers nos clients traditionnels sont globalement en baisse depuis 2012/2013. » Et ce, alors que la production hexagonale n'a cessé de croître depuis la récolte 2012, passant de 35,3 Mt à près de 41 Mt en 2015. Le cas le plus illustratif est celui de la Tunisie, où les parts de marché françaises passent d'environ 30 % à 15 % sur les quatre dernières campagnes.
Nous avions 4 Mt en trop dès le 14 juillet. Mais les organismes stockeurs ont fait de la rétention.
Le manque de réactivité et d'anticipation des organismes stockeurs (OS) sont les principales explications à la situation d'aujourd'hui, estiment les intervenants. Ces derniers ont décrit les comportements des principaux acheteurs et concurrents mondiaux pour tenter de le démontrer. L'Égypte se procure l'essentiel de ses besoins en début de campagne. « Près de 50 % des achats du Gasc sont réalisés durant le 1er trimestre de la campagne, soit sur juillet-septembre, et 75 % durant le premier semestre, soit sur juillet-décembre », argue Roland Guiragossian, responsable du bureau du Caire chez France Export Céréales. Or, de leur côté, les concurrents mer Noire que sont la Russie et l'Ukraine expédient l'essentiel de leurs volumes sur le premier semestre de la campagne, alors que l'Hexagone se positionne sur le second essentiellement, rappelle Pierre Duclos.
Forte capacité d'adaptation des pays baltes
Et cela s'est vérifié de manière encore plus marquée cette année, spécialement pour l'Ukraine, d'après ce dernier. « Jusqu'au mois de novembre, nous étions en France sur un rythme mou de 600.000 t à 700.000 t/mois. Et ce, alors que d'habitude, nous avions environ 11 Mt à exporter, contre 15 Mt cette année. En Ukraine, 6 Mt ont été expédiées entre juillet et septembre, soit 2 Mt/mois », contre 1 à 1,5 Mt/mois durant les quatre campagnes antérieures. Ajoutons à cela les pays de la mer Baltique, incluant la Suède, la Finlande, l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie. « Sur la période août-octobre, ces pays, voyant que leur production a doublé, ont été plus pertinents que nous. Ils se sont adaptés, ont mieux anticipé et ont raflé des parts de marché sur l'Algérie », alerte Pierre Duclos. Cette performance a été permise par des prix extrêmement compétitifs, d'après ce dernier. Par ailleurs, la zone était en mesure de proposer 50 % de ses blés à 12,5 % de protéines.
Les primes négatives ont freiné les ventes
Jean-François Loiseau, président d'Axéréal, a profité de l'occasion pour dénoncer la rétention des OS. « Nous avions 4 Mt en trop dès le 14 juillet. On le savait. Mais les OS ont fait de la rétention. On veut attendre et que les autres fassent les efforts. (…) Cette attitude nous pénalisera au 30 juin », s'est-il emporté. Pierre Duclos a de son côté pointé du doigt le fait que « les OS se sont trop focalisés sur des primes négatives ». La trop forte dépendance envers les clients traditionnels est également source d'inquiétudes, selon lui. « Les autorités algériennes ne vont pas faire d'ef-forts pour prendre notre surplus. » Et la situation pour 2016/2017 n'est pas pour rassurer, aucun incident climatique majeur n'étant signalé.
Le Maroc, une lueur d'espoir
Pourtant, tout n'est pas noir. Pierre Duclos estime un potentiel d'exportation de 13,43 Mt sur les destinations traditionnelles (cf. graphiques), contre 11,3 Mt en moyenne sur les quatre dernières années. Les plus grosses marges de progression se situent en Égypte, en Tunisie et au Maroc.
Ce dernier offre des possibilités très intéressantes pour la campagne suivante. « Cette année, le Maroc avance tranquillement dans ses achats, à 300.000 t/mois. Nous y avons envoyé environ 1 Mt depuis le début de la campagne, et nous pouvons espérer y expédier un total de 1,7 Mt d'ici mai 2016. L'année prochaine, le marché marocain devrait ouvrir très tôt, dès le mois d'août, en raison de la forte baisse de leur production à venir. S'il est encore prématuré pour donner des estimations précises, il ne serait pas étonnant que la France y place 2 à 2,5 Mt en 2016/2017 », explique Yann Lebeau, responsable du bureau de Casablanca chez France Export Céréales. À condition de proposer un prix compétitif et une qualité adéquate, bien entendu, rappelle ce dernier.
Les exigences du Gasc en termes de présence d'ergot dans le blé importé inquiètent encore les opérateurs. Roland Guiragossian, responsable du bureau du Caire, a indiqué qu'il existe un problème réglementaire de fond. « Une directive datant de 2001 interdit toute présence d'ergot. Mais en 2010, une autre tolère un taux de 0,5 %. » Il ajoute que le responsable de l'autorité de contrôle de quarantaine égyptien, récemment remercié, s'est basé sur l'ancienne directive et a déclenché « un clash avec tout le monde ». Une experte de la FAO détermine actuellement le risque de propagation de l'ergot dans les cultures égyptiennes, précise-t-il. Une décision du ministère devrait être prise dans quelques jours.