Euroflour
L’association propose des solutions pour tenter d’atténuer la crise
URGENCE. La crise alimentaire domine les débats politiques. L’ensemble de la communauté internationale s’émeut, et cherche à analyser la situation et dégager des solutions à plus ou moins long terme. Euroflour, l’association européenne des meuniers qui assure environ 95 % des exportations européennes de farine, s’inquiète elle aussi de la flambée des cours du blé et de son impact sur les prix de la farine et du pain. Dans un communiqué du 16 avril, les meuniers européens lancent ainsi un appel à la négociation aux gouvernants des pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) importateurs. Ils leur demandent de profiter des discussions en cours avec l’Union européenne, en vue de la conclusion d’Accords de Partenariat Economique (APE), pour assurer « une saine complémentarité entre les importations et la production locale ».
Des politiques de gestion inadaptées
La situation est critique aujourd’hui dans de nombreux pays. Les actions entreprises pour y remédier ont un impact limité et relèvent souvent de la solution sparadrap. Pour tenter de lutter contre la hausse des prix, trois types de politiques sont mis en place. Les pays producteurs, tels que l’Argentine, la Chine ou l’Ukraine, limitent ainsi les exportations pour protéger leur marché intérieur en imposant des taxes à l’exportation ou des quotas. Les pays importateurs de blé, comme la Turquie et l’Egypte, se précipitent quant à eux sur les marchés et baissent leurs barrières douanières pour faciliter les échanges. D’autres gouvernements ont tenté de faire baisser les prix en diminuant le poids du pain (Mali) ou en incorporant d’autres types de farine à celle de blé (Nigéria).
Ces politiques sont aujourd’hui insuffisantes au regard des émeutes de la faim, qui ont déja touché un grand nombre d’Etats. Au Sénégal, la hausse vertigineuse des prix alimentaires a provoqué des tensions sociales, dont le point culminant a été atteint le 30 mars dernier avec une tentative avortée de « marche de protestation » contre la vie chère, violemment dispersée par la police. En Egypte, la distribution du pain se fait désormais sous surveillance militaire, tandis que des émeutes et des pillages se produisent au Cameroun ou en Côte d’Ivoire. Les boulangers et les consommateurs réagissent également contre la baisse de la qualité des farines locales, à l’instar de l’initiative des boulangers au Bénin, qui ont arrêté le travail.
Faciliter l’approvisionnement en farines d’importation
Sans pour autant prétendre résoudre la crise, Euroflour propose aux pays ACP fortement importateurs « d’adapter leur fiscalité à l’import et de limiter les obstacles au libre commerce de la farine, tels que les cahiers des charges impossibles à tenir ou les systèmes de mercuriales », et de profiter pour cela des négociations sur les APE. Ceux-ci devaient (normalement) se substituer le 1 er janvier 2008 au régime actuel de relations commerciales asymétriques, dont les pays ACP bénéficient depuis les Accords de Yaoundé(1963), puis ceux de Lomé (1975), reconduits pour la dernière fois en 1995. Tout cela en vue d’une amélioration de l’accès aux marchés pour les pays ACP afin de consolider l’intégration économique régionale de ces Etats.
Ces négociations devaient s’achever en décembre 2007 et représentaient selon Euro-flour, « une opportunité unique de libéraliser les échanges ». Cependant, de nombreux pays et organisations ont rejeté ces APE nuisant, selon eux, à leurs économies fragiles. Pour le moment, tous les pays ACP, à l’exception du Ghana, ont donc décidé d’exclure la farine de la libéralisation. Mais la poursuite des négociations cette année offre encore des possibilités. Nicolas Sarkozy vient d’ailleurs de charger Christiane Taubira d’une mission pour réfléchir aux moyens de faire des APE un « atout du partenariat » entre l’UE et les pays ACP. Cette mission devrait aboutir à un rapport le 15 juin 2008, selon un communiqué de l’Elysée. La députée devra notamment trouver « comment dissiper les malentendus et les doutes qui persistent dans certains pays quant aux finalités de la négociation des APE » et « quels peuvent être les leviers dont dispose l’UE pour encourager les ACP à poursuivre les négociations en vue d’APE complets et régionalisés ».
Des solutions qui ne permettent pas de répondre à l’urgence de la situation. Le Programme alimentaire mondial (PAM) a appelé le 22 avril à une mobilisation internationale contre le « tsunami silencieux » que constitue, selon lui, la crise alimentaire mondiale. Une crise qui menace d’entraîner dans la famine des millions de personnes suppléméntaires, selon l’organisation.