Filière avicole
Doux chute et entraîne avec lui toute une filière
Les difficultés économiques du leader européen de la volaille menace l’avenir de ses éleveurs mais aussi de ses multiples fournisseurs.
Charles Doux ayant déclaré son entreprise, leader européenne du marché de la volaille, en cessation de paiement le 31 mai, le tribunal de commerce de Quimper l’a placé le 1er juin en redressement judiciaire. Sa défection menace l’avenir de ses quelques 750 salariés en France, essentiellement en Bretagne, mais aussi des 800 éleveurs approvisionnant ses usines. L’issue des six mois d’observation accordés par la justice sont pour eux comme une épée de Damoclès. De nombreux autres fournisseurs et prestataires de services, notamment des coopératives céréalières, mais aussi des fabricants de panure, de cartons, sont concernés au premier chef par la poursuite de l’activité de l’entreprise famiale à l’implantation internationale.
En amont, des fournisseurs inquiets
Fonctionnant largement en intégration, le groupe Doux dispose de quatre usines d’aliments pour volaille situés en Bretagne, en Vendée et en Sologne (respectivement à Bannelec, Pluguffan, L’Oie et Clémont). Ces unités de production emploient actuellement une centaine de personnes et produisent environ 17.500 t d’aliments volaille par semaine selon le groupe Doux. Pour cela, l’ensemble des sites industriels consomment un peu plus de 50.000 t de céréales par mois (blé et maïs essentiellement). Une semaine avant le dépôt de bilan, de nombreux opérateurs refusaient déjà de livrer les usines d’aliments Doux. Si l’activité se poursuit, comme le soutient la direction du groupe, comment ces usines seront-elles approvisionnées en matières premières puisque certains fournisseurs, coopératives et négoces, n’ont pas été payés pour des livraisons antérieures ? Certains se disent prêts à fournir, mais avec de très fortes garanties de paiement, voire un versement comptant.
Des réunions en région étaient prévues le 4 juin. La question d’une intervention préfectorale, imposant une réquisition pour ne pas laisser les animaux mourir de faim, n’était pas exclue. Peu d’informations ont filtré depuis.
De possibles candidats à la reprise
Plusieurs pistes sont envisageables pour l’avenir du groupe et de ses différentes branches concernées : l’activité Volailles fraîches sur la France, sous marque Père Dodu essentiellement, et le poulet export vers le Moyen-Orient. Daniel Sauvaget, le patron de Tilly-Sabco (qui assure 25 % des exportations françaises de poulet surgelés, Doux en réalisant 75 %), étudierait une reprise avec des coopératives agricoles, selon AgraPresse. Mais il n’est pas sûr que l’Autorité de la Concurrence accepte une solution qui laisse la totalité de l’activité entre ses mains. L’entreprise LDC pourrait quant à elle être intéressée par Père Dodu. Mais là encore l’Autorité de la Concurrence pourrait s’y opposer. Des coo-pératives (Terrena est notamment citée) sont également évoquées par les professionnels comme étant intéressées. Une chose est sûre : une restructuration générale du secteur ne devrait pas pouvoir être évitée.
La faute brésilienne ?
L’un des pièges ayant conduit la société Doux à cette situation serait l’acquisition d’une entreprise brésilienne, Frangosoul, en 1998. L’entreprise française aurait été “piégée” par l’attribution d’aides financières publiques, réservées aux seules entreprises de nationalité brésilienne, selon AgraPresse. L’entité sud-américaine pèserait pour 200 M€, selon Les Échos. L’achat de cette entreprise ne serait pas du tout amortie. Pourtant, elle assurerait 40 % des ventes du groupe familial français. Hausse des cours des céréales, tension des relations avec la grande distribution, situation de surcapacité de production auraient aussi précipité la chute de l’entreprise bretonne. La dépendance aux subventions permettant de compenser le manque de compétitivité à l’export sur le marché mondial des poulets congelés y a sans doute également participé.