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Inra / Sécheresse
Des parades aux manques d’eau ?

L’Inra vient de diffuser sa synthèse des connaissances collectives sur l’adaptation de l’agriculture à la sécheresse demandée par le ministère

LES EPISODES de sécheresse se multiplient en France, et c’est à chaque fois le même scénario : la consommation d’eau par l’agriculture est pointée du doigt. Et aux dires des experts, ces situations devraient se multiplier, l’évolution climatique tendant vers une hausse des températures et de l’occurrence d’événements extrêmes, comme des déficits de pluviométrie. Le gouvernement a souhaité engager une réflexion sur l’adaptation de l’agriculture à cette nouvelle donne. Le ministère a ainsi commandé, en juillet 2005, une expertise scientifique et collective sur ce thème. Les résultats de cette étude, pilotée par l’Inra, ont été diffusés, le 19 octobre dernier. Ces travaux Le rapport est disponible sur les sites “www.inra.fr” et “www. agriculture.gouv.fr”. – limités au territoire métropolitain, aux zones d’agriculture et d’élevage, hors forêts – n’ont pas pour objet de faire de la préconisation, mais de « mettre à disposition des porteurs d’enjeux des éléments pour faire leur choix », explique le représentant du ministère, Jean-Marie Aurand et de disposer d’une évaluation de référence. L’occasion également de « mettre un peu plus d’objectivité dans les débats », insiste-t-il. L’Inra a cherché à établir les bases physiques d’une gestion équilibrée de la ressource, la diversité des conditions interdisant toute généralisation à l’échelle nationale. Il a tenté d’identifier les systèmes de culture les mieux adaptés à un manque d’eau et les voies d’amélioration génétiques et agronomiques éventuelles. Enfin, il a essayé d’analyser les modalités d’actions économiques et politiques facilitant une gestion équilibrée ou permettant aux producteurs de mieux appréhender ces aléas climatiques.

L’amélioration génétique ne fera pas de miracle

Les chercheurs ont exploré plusieurs voies permettant le maintien et le développement d’une production agricole en conditions de sécheresse, et en premier lieu celle de la génétique. Deux paramètres sont alors à garder en tête : pour l’agriculteur, il ne suffit pas que la culture survive à la sécheresse, elle doit aussi continuer à produire. Et il n’est pas de production possible sans transpiration. En d’autres termes, « on ne peut pas produire sans eau », résume François Tardieu, directeur de recherche à l’Inra de Montpellier. Limiter la consommation hydrique de la plante risquerait d’augmenter le risque de stress thermique et de pénaliser la photosynthèse, les échanges d’eau et de CO 2 se faisant par la même voie, les stomates. Pour améliorer la tolérance des végétaux à la sécheresse, il faut dès lors optimiser ces échanges. La sélection génétique menée ces vingt dernières années a déjà fait ses preuves : le maïs est désormais moins sensible à la sécheresse pendant la phase critique de floraison. « Il y a plus de production à sec, mais le risque de morts a augmenté », tempère le chercheur.

Trois pistes d’amélioration sont alors envisageables. L’esquive tout d’abord. Elle consiste à opter pour des variétés précoces à cycle court permettant de déplacer les cycles culturaux pour que la plante ne soit plus exposée au manque d’eau pendant des phases critiques. L’évitement suggère, lui, de réduire la transpiration en limitant la croissance. Ces deux solutions s’accompagnent cependant d’une baisse de rendement potentiel. L’évitement suppose en effet une augmentation de la vigueur racinaire qui a un coût en terme de biomasse. Cette option se justifierait néanmoins en sol profond. La stratégie la plus prometteuse serait, pour les chercheurs, la “reprogrammation génétique de la plante” pour maintenir la croissance en période de sécheresse en privilégiant les organes essentiels à la production. Elle doit se faire en fonction du milieu et des objectifs de l’agriculteur. Dans tous les cas, « on échange un risque contre une baisse de rendement maximum, il faut que l’agriculteur l’accepte », insiste François Tardieu. S’il existe encore des marges de progrès en matière de génétique, il ne faut pas attendre de miracle comme le précise le rapport des experts.

Sorgho et tournesol, de bons candidats, mais pas assez rentables

Pour limiter sa dépendance à la sécheresse, l’agriculteur peut aussi jouer sur les systèmes de culture. Les moins vulnérables sont bien sûr ceux à base d’espèces d’hiver. Pour celles d’été, il est possible de jouer la stratégie de l’esquive. Mais la voie la plus intéressante serait, selon l’Inra, le recours à des espèces alliant l’évitement à des caractères de tolérance, à savoir le tournesol, qui consomme l’eau avant les périodes de pénurie, et le sorgho, qui aime la chaleur et peut être cultivé en pluvial comme en irrigué. Dans ce cas, il est d’ailleurs moins gourmand que le maïs. Si les producteurs font déjà appel à ces cultures quand ils peuvent anticiper la sécheresse, ils s’en détournent une fois la situation revenue à la normale. Ces cultures souffrent en effet de sérieux handicaps économiques. Le tournesol présente un défaut de productivité et une faible marge brute induite. Quant au sorgho, il permet de dégager une marge brute assez proche de celle du maïs en dépit d’un moindre niveau de production. Les charges associées à sa culture sont effet faibles. Et les exemples américain et espagnol attestent de son intérêt en alimentation animale. Le hic c’est, qu’en France, la filière n’est pas suffisamment structurée. Et cela affecte le niveau de la marge brute de cette culture.

Inutile en revanche, dans les situations de sécheresse actuelles d’employer des techniques d’aridoculture (travail réduit du sol, apport de fertilisants au semis, faible densité de semis), leurs effets restant marginaux. La principale source d’amélioration des itinéraires techniques serait de jouer sur les quantités et fréquences d’irrigation. L’optimisation se joue alors à l’échelle des bassins versants et doit faire l’objet de concertations entre les différents utilisateurs. Pour l’Inra, il est alors nécessaire d’étudier et croiser les informations relatives au climat, sol et systèmes de culture pour établir des bases de données. « Cela peut paraître lourd à mettre en œuvre, mais comment envisager d’engager des négociations entre acteurs sur des objectifs de gestion volumétrique sans se donner les bases physiques pour les atteindre ? », s’interroge l’institut.

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