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Changement climatique : l'agriculture en première ligne

Jean-François Soussana, directeur scientifique Environnement de l'Inra, commente les messages essentiels du second volet du 5e rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, adopté le 31 mars par les États impliqués.

L « 'une des choses nouvelles qu'apporte ce rapport, consacré aux connaissances disponibles dans la littérature scientifique sur les impacts du changement climatique, est que l'on dispose maintenant de données sur les conséquences observées (cf. graphique), indique en préambule le directeur scientifique Environnement de l'Inra, Jean-François Soussana, qui a écrit la partie relative à l'agriculture, la forêt et la pêche en Europe, du dernier rapport publié par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec). Nous avons maintenant les bases nécessaires pour montrer qu'il y a un impact négatif du changement climatique sur l'évolution du rendement d'un certain nombre de grandes cultures. »

Des impacts à tous niveaux

De 1980 à 2010, les rendements du blé ont été pénalisés à hauteur de 5,5 % et de 4 % pour le maïs, au niveau mondial, par rapport à un climat qui n'aurait pas été modifié, d'après le document. Par contre, aucun effet significatif n'a été détecté pour le soja et le riz. « En Europe, le message est à nuancer, tempère le scientifique. Concernant le blé, l'évolution du rendement est plutôt négative pour la partie sud et centrale, ce qui n'est pas vrai dans les latitudes plus élevées, comme la Scandinavie. »

Un autre aspect du changement climatique concerne sa variabilité. « Nous avons connu cette décennie des extrêmes climatiques », comme la canicule de 2003, « la plus sévère depuis cinq-cents ans en France et en Europe centrale », avec des pertes qui sont montées à 20-30 %, particulièrement sur les cultures d'été. Des destructions qui ont concerné 40 % des céréales sur l'Espagne et le Portugal, en 2005.

« Même s'il est difficile de conclure sur la relation entre dérèglement météorologique et prix agricoles, ces aléas climatiques sont un facteur de déclenchement du renchérissement brutal des grains sur les marchés, souligne le responsable de l'Inra. À l'image de ce qui s'est passé en 2007 en blé, suite à la sécheresse australienne, ou encore en 2010, où la canicule sur l'ouest de la Russie a conduit à l'arrêt de ses exportations. » Un ” constat qui a amené le G20 à prendre des mesures au niveau international, qui visent à avoir une meilleure transparence sur l'état des stocks, afin d'éviter toute spéculation excessive. « Une tentative pour essayer d'améliorer la situation, estimée dangereuse. »

Les baisses de rendement pourraient atteindre 25 % en cas de non adaptation.

Par ailleurs, on s'attend à un développement accru des bioagresseurs (comme les maladies à virus et autres phytoplasmes), en raison de la prolifération de leur vecteur, les insectes. Idem en ce qui concerne les infections fongiques hivernales. Cependant, en été, un moindre développement des champignons serait observé en cas de sécheresse.

Une autre incidence du changement climatique concerne la qualité des cultures, « avec des problèmes d'échaudage ou de moindre teneur en protéine des grains », suite à une faible absoption de l'azote par les plantes en cas de sécheresse.

Des projections alarmistes...

Concernant les projections climatiques pour la fin du XXIe siècle, on s'attend, « dans le cas d'un scenario pessimiste où l'on n'arrive pas à limiter l'effet de serre », à une hausse globale des températures de 4°C par rapport à la période préindustrielle. Ce qui conduira, globalement sur la moitié sud de l'Europe, France y comprise, à « une hausse importante de la fréquence des canicules et sécheresses printanières et estivales ». En parallèle, des précipitations intenses en hiver sont à prévoir, avec à la clef des inondations, des destructions de semis, des sols engorgés.

Comment adapter ses pratiques culturales ?

La mise en œuvre de variétés à cycle court et de semis précoces est une stratégie d'esquive par rapport à la sécheresse et aux chaleurs intenses. « Mais elle mène à des risques accrus de sols engorgés et impraticables au moment d'emblaver », tempère Jean-François Soussana, le directeur scientifique Environnement de l'Inra. L'irrigation est une autre pratique d'adaptation, qui sera délicate à piloter en raison de tensions accrues sur les ressources en eau. D'où la nécessité de développer des techniques d'irrigation de précision. Un autre axe de recherche concerne les variétés plus tolérantes à la sécheresse, avec une meilleure efficience de l'utilisation de l'eau. « Mais, dans les situations à fortes contraintes, des substitutions de cultures devront être envisagées, telles que le maïs par le sorgho. » Il faudra aussi renforcer les moyens d'épidémiosurveillance. Reste que la diversification culturale est un atout maître, pour diluer les risques climatiques.

Au plan mondial, sur 2010-2030, autant de projections locales font état d'une baisse ou d'une hausse des rendements. Par contre, sur la fin du siècle, 80 % des études indiquent un impact négatif du changement climatique sur les rendements. « Et dans 40 % des cas, la baisse des rendements atteindrait 25 % » par rapport à un scenario à météo constante.

... qu'une adaptation limiterait

« Cependant, c'est quelque chose que l'on peut éviter. » À partir de 2050, l'ampleur du changement climatique va être fonction des émissions de GES. Et il est montré que, si la hausse globale des températures est limitée à 2°C, les rendements devront moins en pâtir.

De plus, l'adaptation au changement climatique permettrait de retrouver +15 à +18 % de rendement à l'échelle mondiale, par rapport à une situation non adaptée. « Mais il faut être prudent sur l'ampleur que peut prendre l'adaptation, car elle est très variable d'une latitude à l'autre », conclut Jean-François Soussana.

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