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Canal Seine-Nord Europe : qu'en est-il des plateformes logistiques ?

Si les professionnels de la filière agricole s’accordent à dire que l’ouverture du canal à grand gabarit va modifier les flux de grains dans le quart Nord-Est de la France, les plateformes logistiques qui doivent y contribuer sont à la traîne, exception faite de l’unité portuaire de Nesle-Languevoisin.

Le canal Seine-Nord Europe est la pièce maîtresse du projet Seine-Escaut, qui reliera à terme par une voie navigable intérieure à grand gabarit le bassin de la Seine au bassin de l’Escaut dans le nord de la France, en Belgique et au Pays-Bas, ainsi qu’à d’autres grands bassins fluviaux tels le Rhin et le Meuse.
© VNF

L’Union européenne a attribué en juin 2023 son quatrième financement destiné à la liaison fluviale Seine-Escaut (cf. carte). Sur les 506 millions d’euros (M€) octroyés, 405 M€ sont destinés à la construction du canal Seine-Nord Europe, notamment à son creusement. « Nous avançons. Après des années extrêmement difficiles pour passer du rêve à la réalité, le projet rentre dans une phase opérationnelle définitive », commentait Dominique Riquet, député européen et membre du conseil de surveillance de la Société du canal Seine-Nord Europe (SCSNE), lors d’une conférence de presse le 28 juin à Lille.

 

Le Canal Seine-Nord Europe en chiffres

Le canal Seine-Nord Europe, c’est 107 km de voies navigables à grand gabarit permettant la circulation de bateaux d’une longueur jusqu’à 185 m, d’une largeur jusqu’à 11,40 m et d’une capacité de 4 000 t, soit l’équivalent de 220 camions.

Source : Alliance Seine-Escaut.

 

Massification du trafic par voie d’eau

La mise en service du canal à grand gabarit Seine-Nord Europe, prévue en 2030, assurera une massification accrue des flux de pondéreux par voie fluviale entre le Bassin parisien et l’Europe du Nord.

« L’ouverture de ce canal à grand gabarit va permettre de développer les flux de céréales et autres pondéreux. Et ce, grâce à un effet d’économies d’échelle en lien avec l’agrandissement des cales des bateaux », déclare Christine Morel, responsable développement des Établissements Davenne (groupe Scat) et présidente de la commission fluviale de l’Union des entreprises de transport et logistique de France.

Un avis partagé par Alain Charvillat, directeur Céréales Export de Sénalia (cf. témoignage ci-contre), qui considère que « ce canal à grand gabarit peut devenir un axe structurant de l’hinterland nord France pour desservir les ports d’Anvers et d’Amsterdam, ou inversement pour rapatrier de la marchandise depuis ces places portuaires ». Et le dirigeant de Sénalia de donner un exemple : « Je pense notamment à l’un de nos clients qui transporte par camion son cacao depuis le port d’Anvers vers ses chocolateries en Normandie. Demain, il sera plus intéressant de le transférer en conteneurs par péniche ».

 

Témoignage

« Quid du disponible exportable sur le port de Rouen ? », s'interroge Alain Charvillat, directeur céréales export de Sénalia

« Concrètement, nous sommes plutôt partagés sur les impacts que pourrait avoir le canal Seine-Nord Europe sur notre activité.

D’un côté, il peut faciliter l’export sur le nord Europe au départ des installations fluviales de la Seine, particulièrement du silo de Bonnières-sur-Seine en ce qui nous concerne. Ce site de stockage peut être pour nous un bon axe de développement. Aujourd’hui, les maïs et les pois exportés par Sénalia sont des lots chargés à Bonnières-sur-Seine sur de petits bateaux, qui empruntent les canaux à petit gabarit à destination de l’Europe du Nord. Mais demain, avec l’ouverture du canal Seine-Nord Europe, nous pourrons charger la marchandise sur des unités de plus grande taille, ce qui nous permettra de massifier et diversifier les flux.

De l’autre, l’ouverture de ce canal peut représenter un point de vigilance quant aux volumes de l’hinterland disponibles pour le port de Rouen puisque, par définition, tout ce qui pourrait monter directement en péniche sur le nord Europe ne pourra pas être acheminé sur le port de Rouen.

Au-delà de ces remarques, il est difficile de savoir exactement ce qu’il va se passer. »

 

Des plateformes logistiques en cours de réflexion

« À ma connaissance, plusieurs structures de la filière agricole réfléchissent à l’intérêt de s’installer sur l’une des plateformes multimodales, qui jalonneront le canal Seine-Nord Europe. Elles y travaillent car cet ouvrage va devenir un axe structurant de la logistique céréalière, pour desservir soit le port de Rouen, soit le port de Dunkerque, soit l’Europe du Nord directement par péniche », souligne Alain Charvillat.

De fait, quatre plateformes multimodales, développées par les collectivités territoriales, sont programmées à Marquion (Somme), Nesle (Pas-de-Calais), Noyon (Oise) et Péronne (Somme). De plus, inscrite dans la déclaration d’utilité publique relative au canal Seine-Nord Europe de 2018, une plateforme privée avec un quai céréalier, portée par l’union de coopératives agricoles Euroseine, est également prévue à Languevoisin-Quiquery (Somme), à moins de deux kilomètres du port de Nesle.

 

Témoignage

« Le canal SNE permettra d’agrandir notre hinterland », déclare Joël Ratel, directeur général de Nord Céréales

« Nous attendons l’ouverture du canal Seine-Nord Europe (canal SNE) car il permettra d’agrandir notre hinterland à l’Aisne, l’Oise et la Marne, qui alimenteront l’ouvrage en céréales. L’objectif est de remonter davantage de grains vers le port de Dunkerque.

Nous n’avons pas d’inquiétude concernant une éventuelle perte de tonnage, qui pourrait monter sur le nord de l’Europe directement par péniche. Aujourd’hui, des flux sont déjà en place et, dans les années à venir, l’Europe du Nord ne va pas consommer plus de céréales. Bien au contraire, au vu des décisions prises aux Pays-Bas de réduire de 30 % son élevage.

Pour l’instant, nous n’avons pas prévu d’investir sur l’une des plateformes logistiques qui jalonneront le canal SNE. La plateforme de Languevoisin, portée par Euroseine, est de fait ouverte à tout opérateur de la filière agricole ou d’autres secteurs d’activité. Dans ce cadre, des organismes collecteurs, tel que Nord Céréales, pourraient être intéressés. Aujourd’hui, il y a des discussions en cours mais aucun projet abouti.

Ce canal à grand gabarit Seine-Nord Europe ne pourra que booster le fret fluvial. »

 

« C’est donc tout naturellement que la Communauté de communes de l’est de la Somme et Euroseine ont signé un protocole d’accord pour travailler main dans la main à la conception de l’unité portuaire de Nesle-Languevoisin », déclare Luc Vermersch, président d’Euroseine et président délégué de Noriap. Les deux partenaires travaillent en étroite collaboration pour établir un maximum de synergie entre le port de Nesle et la plateforme de Languevoisin. « Dans ce cadre, nous mettons tout en œuvre pour que la voie ferrée atteigne l’unité portuaire de Nesle-Languevoisin », souligne le président.

Si les plateformes multimodales de Marquion, Noyon et Péronne n’en sont qu’au stade de la conception, avec la plateforme de Languevoisin, Euroseine est dans le concret. « Notre projet est mûr pour accueillir rapidement des activités agricoles, puisque Noriap possède déjà sur le site un silo bord à quai côté canal du Nord. Ainsi pouvons-nous préfigurer des flux avant la mise en eau du canal Seine-Nord Europe, qui passera à 500 mètres de là », affirme Luc Vermersch. Fort d’une réserve foncière accumulée depuis 2021, Euroseine ambitionne de relier a minima le silo Noriap au canal Seine-Nord Europe, voire de créer un nouveau silo portuaire, sous sa bannière. Parallèlement, Euroseine réfléchit à une solution engrais avec Inoxa, une centrale d’achat d’agrofourniture. « Nous travaillons également sur un gros projet de méthanisation, avec l’utilisation de la voie d’eau pour une partie de l’approvisionnement », complète le président.

Euroseine a par ailleurs des contacts avec d’autres secteurs industriels, comme le BTP dans le cadre du projet Multiregio. Pour pallier le manque de cale en France, l’Association des industries de produits de construction, ce programme de développement travaille à la création de cales de bateau en navette au sein d’une solution logistique intégrée, du pré au post-acheminement. Dans un premier temps, il s’agirait de transporter des matériaux de construction ou des éléments du nouveau canal, via le canal du Nord.

« Ainsi, la plateforme de Languevoisin peut accueillir toutes les activités en lien avec le vrac et les pulvérulents, qui nécessitent du foncier et/ou qui génèrent du bruit, des poussières ou tout autre désagrément pour les riverains si elles étaient installées dans l’enceinte d’une agglomération, comme le port de Nesle », résume Luc Vermersch.

 

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