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Canal Seine-Nord Europe : les travaux vont entraîner la fermeture du canal du Nord pendant de nombreux mois

Outre le problème du financement et de la construction des plateformes multimodales, la construction du canal Seine-Nord Europe va conduire à l’arrêt temporaire de la navigation sur le canal du Nord. Les chargeurs, à l’image du groupe coopératif Unéal, vont devoir adapter leur logistique en conséquence, avec à la clef des surcoûts potentiels qui pourraient être répercutés sur le prix des céréales.

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Le voie d'eau est largement utilisée pour le transport des céréales.
© CFNR Groupe Rhenus

Les Assises du fleuve qui se sont déroulées les 22 et 23 mai à Strasbourg ont permis de mettre un coup de projecteur sur la voie d’eau. Cependant, les professionnels du secteur sont restés sur leur faim, en l’absence d’annonces gouvernementales ou d’informations pratiques concernant les préoccupations du secteur. A l’exemple de cet avitailleur qui doit renouveler sa flotte et ne sait pas quel type de bateau choisir car il n’a aucune vision à long terme sur le type de carburant qui sera disponible. Ou encore sur le déroulement des travaux du canal Seine-Nord Europe et des plateformes multimodales, dans le cadre de le réseau à grand gabarit Seine-Escaut.

Lire aussi : Liaison fluviale Seine-Escaut : plus qu’une infrastructure en cours de construction, un véritable écosystème à structurer

Dans ce contexte, La Dépêche Le petit meunier a demandé à Jean-Laurent Herrmann, conseiller technique pour la voie d’eau et ancien président de la Bourse des grains de Strasbourg de faire le point sur ce dossier.

Des travaux retardés par les intempéries

Les travaux du canal à grand gabarit Seine-Nord Europe, infrastructure majeure de la liaison Seine-Escaut, avancent comme prévu. On enregistre seulement quelques retards programmés, en lien avec les intempéries qui ont un temps empêché l’intervention des engins de terrassement sur les terrains inondés ou gorgés d’eau. 

Les quelques manifestations d’opposants n’ont pas donné lieu à un arrêt de chantier en raison d’un recours judiciaire, toutes les autorisations ayant été délivrées.

Des appels d’offres pour concrétiser les plateformes multimodales

Différentes plateformes multimodales doivent se construire le long du canal. Les appels d’offres doivent sortir très prochainement, pour que les entreprises intéressées puissent présenter leurs propositions. 

Il y a des entreprises, surtout dans le monde céréalier, qui s’intéressent à ce canal à grand gabarit car il permet un accès direct à la Belgique et les Pays-Bas. Quand on regarde les sorties de céréales qui peuvent s’effectuer vers le nord de l’Europe au départ des régions françaises traversées par le canal, cette alternative logistique fluviale paraît intéressante. Et ce, d’autant plus, qu’au retour, des engrais peuvent être acheminés, particulièrement des Pays-Bas, pour approvisionner les agriculteurs hexagonaux de l’hinterland du canal, ce qui éviterait de coûteux retours à vide.

Lire aussi :   Noriap investit 10 millions d'euros dans Euroseine, la plateforme portuaire fluviale de Languevoisin

Un autre secteur, intéressé par ce canal à grand gabarit, est celui des conteneurs. Si demain, ces caisses ramenées actuellement par la route pourraient emprunter la voie fluviale, grâce aux plateformes multimodales qui vont jalonner la liaison Seine-Escaut.

Après, c’est toute l’histoire de la poule et de l’œuf. « Je prends l’exemple d’une petite commune qui n’a pas d’associations sportives car elle ne possède pas d’infrastructures sportives. Du moment que la commune décide de construire une salle de sport, les habitants vont monter un club, puis deux puis trois », illustre Jean-Laurent Herrmann. Autrement dit, dès que le canal sera construit, à l’horizon 2030, les entreprises s’intéresseront alors aux opportunités qui s’offrent à elles et s’installeront sur les plateformes multimodales. Mais un industriel qui ne connaît pas la voie d’eau ne viendra pas d’office s’installer bord à quai.

Le problème va consister à dimensionner la plateforme logistique en fonction de la potentielle activité industrielle qu’elle pourrait attirer.

Le problème va consister à dimensionner la plateforme logistique en fonction de la potentielle activité industrielle qu’elle pourrait attirer. « Il faut voir comment les premiers appels d’offres vont être construits. A mon avis, ils vont proposer aux entreprises intéressées des terrains bitumés, avec accès à des grues de (dé)chargement, des engins de manutention voire des entrepôts de stockage. Mais je ne pense pas que les industriels vont y implanter leur usine directement au bord de l’eau. Ce serait une très bonne chose mais c’est improbable, de mon point de vue », commente Jean-Laurent Herrmann.

Un canal du Nord fermé pendant 18 à 24 mois

Le seul souci qui va apparaître, vers la fin des travaux, est la fermeture à la navigation nord-sud de l’actuel canal du Nord, qui va être traversé par le nouveau canal à grand gabarit. Et ce, pour plusieurs mois. Cette interdiction inquiète les professionnels de la voie d’eau, qui s’interrogent sur les alternatives potentielles. A l’exemple du groupe coopératif Unéal, implanté sur le territoire des Hauts-de-France, qui possède treize silos bord à quai. Aujourd’hui, près de 50 % du volume de grains collecté par la coopérative passe par la voie d’eau, que ce soit pour alimenter ses clients français et nord-européens, ou partir sur les pays tiers via le port de Dunkerque.

Aujourd’hui, un des solutions envisageables seraient de faire un pont routier permettant le transit des marchandises par camion d’un côté à l’autre de la section coupée du canal du Nord, ce qui coûterait très cher. Une autre solution serait que les marchandises en provenance des ports d’Anvers ou d’Amsterdam passent par la mer du Nord, la Manche puis la Seine pour éviter le secteur en travaux. 

Dans tous les cas, les chargeurs devront adapter leur chaîne logistique , ce qui pourrait engendrer des surcoûts de transport. Ces derniers seraient alors répercuter sur le tarif des marchandises transportées. Dans le cas des organismes stockeurs, ce sont les prix des céréales et autres oléoprotéagineux, produits dans l'hinterland du canal du Nord, qui pourraient en pâtir.

« Mais ma crainte est de perdre des clients sur cet axe fluvial car ils auront trouvé une solution logistique temporaire qui pourrait devenir pérenne », alerte Jean-Laurent Herrmann.

Un financement qui reste à boucler

Par ailleurs, le financement des travaux du canal Seine-Nord Europe ne serait a priori pas assuré à 100 %, selon notre interlocuteur. « Cela concernerait quelques millions d’euros. L’Etat devrait les prendre en charge car il paraît improbable maintenant que le chantier soit stoppé par manque de financement. » 

Il reste simplement à déterminer si seul l’Etat mettra la main à la poche ou si les régions et les départements seront invités à participer au pot commun.

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