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Blés tendres Bio, l'Inra s'implique dans la sélection

L'agriculture bio souffre d'un manque de variétés spécifiquement sélectionnées pour s'adapter à ses règles de culture sans engrais ni pesticides de synthèse. L'Inra a lancé plusieurs stratégies pour y remédier, notamment en blé tendre.

Depuis cinquante ans, les sélectionneurs privés et publics ont investi majoritairement dans la sélection de variétés productives pour les systèmes intensifs, à forte fertilisation azotée, et avec herbicides. Conséquences : l'offre en variétés adaptées à la bio reste insuffisante en quantité et en diversité pour répondre aux attentes des utilisateurs dans un marché porteur. En outre, le manque de disponibilités en semences certifiées bio(1) oblige les agriculteurs à utiliser des semences conventionnelles non traitées.

Deux logiques, deux stratégies

En bio, le choix des variétés dépend des débouchés : en circuits courts, les paysans boulangers – de plus en plus nombreux – recherchent une stabilité de rendement et de qualité quelles que soient les variations du milieu, et s'orientent vers les variétés populations (cf. encadré) sélectionnées au champ par les agriculteurs eux-mêmes. En circuits plus ou moins ” longs, les rendements, le taux de protéines et la qualité boulangère sont privilégiés, et les agriculteurs optent pour des variétés lignées pures à fort rendement obtenues par sélection classique(2) . « En bio, elles doivent être résistantes aux bioagresseurs, compétitives face aux adventices, et efficientes pour l'utilisation de l'azote », explique Bernard Rolland, chercheur à l'Inra de Rennes-Le Rheu. Pour répondre à ces enjeux, l'implication de l'Institut de recherche, d'abord discrète, monte en puissance sur ces deux stratégies de sélection, en lignée pure et variétés populations. La situation évolue et les résultats arrivent…

L'adoption par le CTPS d'une procédure originale d'évaluation en bio est une première en France.

Deux nouvelles variétés spéciales bio

Côté lignées pures, l'Inra a inscrit en 2011 les deux premières variétés de blé tendre pour l'agriculture biologique, Hendrix et Skerzzo, qui montrent d'excellentes performances en conduite bio, surtout dans la zone nord. La nouveauté, c'est qu'elles ont été évaluées sur des critères spécifiques pour l'usage en bio : le rendement et la qualité boulangère. « L'adoption par le CTPS d'une procédure originale d'évaluation en bio est une première en France », se réjouit Bernard Rolland, qui a porté cette recherche pendant plusieurs années. Sur le terrain, ces deux variétés se développent. Les surfaces consacrées à leur multiplication représentent, en 2014, la moitié de celles de Renan, variété phare jusqu'à présent en bio avec Saturnus. « Depuis 2004, une seconde vague de sélection est en cours et pourrait aboutir à des variétés encore plus performantes », continue Bernard Rolland. Deux variétés sont en intention de dépôt, susceptibles d'être inscrites au catalogue en 2017, si tout va bien.

Retour des variétés populations

Parallèlement, quelques chercheurs de l'Inra travaillent depuis plus de dix ans sur la sélection décentralisée et participative à la ferme à partir de variétés populations. Ce, en lien avec le réseau Semences Paysannes(3) . Une démarche novatrice au sein de l'Institut de recherche, au début pas vraiment ouvert à ces méthodes. « C'est une autre approche qui ne cherche pas forcément à augmenter les rendements, mais à les stabiliser dans des conditions environnementales fluctuantes », rappelle Véronique Chable, de l'Inra de Rennes-le Rheu, chef de file de cette démarche. Un programme de sélection participative a démarré en 2005 pour le blé tendre entre le Réseau semences paysannes et une équipe de l'Inra du Moulon. La collaboration a abouti à la mise au point d'une méthodologie de sélection au sein d'un réseau d'agriculteurs. Laissées de côté depuis cinquante ans, les variétés populations ont des atouts, notamment pour maintenir et enrichir la biodiversité et la stabilité des systèmes naturels. « Elles répondent aussi aux besoins des producteurs de semences paysannes qui recherchent l'adaptabilité, la stabilité des rendements et l'autonomie », résume Véronique Chable.

(1) : semence certifiée bio : semence dont les plantes mères ont été produites conformément aux règles de l'agriculture biologique pendant au moins une génération ou, pour les plantes pérennes, deux saisons de végétation (CE 834/2007) ; (2) : rendement en bio du blé tendre : 33 q/ha en moyenne en 2011/2012 (FranceAgriMer) contre 70 à 80 q/ha en conventionnel ; (3) : Réseau semences paysannes, créé en 2003, rassemble 75 associations.

Semences populations : la réglementation va évoluer

Hétérogènes et évolutives, les variétés populations sont difficiles à décrire et dérogent au principe DHS (distinction, homogénéité, stabilité) nécessaire à l'inscription des variétés de blé tendre au catalogue et à leur commercialisation, ainsi que pour l'obtention de COV (Certificat d'obtention végétale). Elles ne peuvent donc pas être vendues, ni échangées, sauf dans un cadre de recherche. Elles sont libres de droit (sans protection intellectuelle) et peuvent donc être ressemées sans verser de contribution. Seuls les agriculteurs qui les ont sélectionnées les utilisent pour leur propre production. Or la situation évolue pour leur donner un statut réglementaire. « Les textes proposés par la Commission européenne devraient reconnaître le droit d'échanger des variétés populations pour la production, se réjouit Véronique Chable de l'Inra. Ces échanges resteront à petites échelles et locaux, ce qui est de toute façon la vocation de ces semences créées par les paysans sur leur terroir pour leurs consommateurs. »

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