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Biotechnologies : le projet de loi encadre les cultures transgéniques

La nouvelle loi prévoit la mise en place d’un fond d’indemnisation, crée un Conseil de biosécurité mais ignore le sacro-saint principe de précaution.

APRES UNE LONGUE période de non conformité avec la législation européenne, la France s’apprête enfin à retranscrire la directive 2001-18, avec l’arrivée prochaine de la loi sur les organismes génétiquement modifiés. A l’initiative personnelle de la député socialiste Geneviève Gaillard, le projet de loi relatif aux OGM préparé par le ministère de la Recherche a été dévoilé au public prématurément tandis que le gouvernement a prévu de l’adopter le 8 février. Loin d’être parfaite, cette loi encadre plus les cultures transgéniques qu’elle ne les freine.

Elle prévoit de mettre en place un un fond destiné à indemniser les agriculteurs victime de pollution OGM et crée un nouveau conseil des biotechnologies qui regroupe les anciens organes chargés d’évaluer les risques liés à l’introduction d’un nouvel Organisme génétiquement modifié. Au grand regret des associations de protection de l’environnement, des Verts et du Parti socialiste, le projet de loi ne mentionne pas le principe de précaution, pourtant très présent dans la directive européenne à l’origine du projet de loi.

Responsabilité sans faute à l’encontre de producteurs d’OGM

L’innovation du projet de loi réside dans la mise en place d’un système d’indemnisation en cas de pollution accidentelle ou non d’un champ non OGM par une parcelle transgénique voisine. Dans ce cas, l’agriculteur qui cultive des OGM sera tenu pour responsable, qu’il soit en faute ou non vis à vis des cahiers des charges à venir et de la réglementation en vigueur. Le projet est clair : “est instauré un régime de responsabilité sans faute à l’encontre de tout producteur d’une variété végétale génétiquement modifiée autorisée à la mise sur marché, afin de garantir à tout agriculteur victime d’une dissémination fortuite qu’il sera indemnisé. Le régime institué vise à couvrir le préjudice subit par tout exploitant d’une culture non OGM se trouvant dans un périmètre donné, fixé par décret, autour d’un ou plusieurs champs de plantes génétiquement modifiées”. Finalement, c’est l’agriculteur qui sera considéré comme pollueur, les entreprises de semences n’étant pas visées par le projet de loi en ce qui concerne la responsabilité.

L’AGPM (Association générale des producteurs de maïs) n’a pas manqué de critiquer cette «responsabilité sans faute» et travaille déjà sur la portée juridique de cette mesure. Pour François Lucas, président de la Coordination rurale, «Il est totalement anormal que ce soit au producteur agricole de garantir le risque alors qu’il utilisera une semence inscrite au catalogue et qu’il respectera le cahier des charges imposé. L’auteur du risque, cela doit uniquement être le semencier». Même constat chez Greenpeace qui dénonce dans un communiqué «l’impunité totale de l’industrie agroalimentaire, des semenciers, des transporteurs…».

Mise en place d’un fond d’indemnisation géré par l’Onic

En l’absence de système d’assurance pour le moment, le projet prévoit une garantie financière par le versement d’une taxe pour financer un fonds d’indemnisation. “Ce fonds sera régulièrement alimenté par une taxe assise sur la surface de plantes génétiquement modifiées cultivées par chacun des producteurs. Le montant de cette taxe sera fixé par arreté (…) dans une limite maximale de 100 E/ha de la variété OGM” précise le texte. Elle sera versée lors de la déclaration de la mise en culture. Le fonds pourra aussi être abondé par des versements d’organismes professionnel ou interprofessionnel. Luc Esprit, directeur général de L’AGPM a fait savoir que «le montant de la taxe doit être le plus proche de zéro». «Nous nous battrons pour qu’il ne dépasse pas 5 à 10 E/ha. La filière maïs et ses outils est prête à abonder ce fonds», a-t-il ajouté.

Enfin, le texte mentionne que la gestion du fond d’indemnisation sera assuré par un établissement public d’Etat, l’office interprofessionnel des grandes cultures. Il est prévu que le fond “est appelé à disparaitre dans un délai de cinq ans” pour “laisser place à un mécanisme assurantiel classique.”

Création d’un conseil des biotechnologies

Jusqu’à présent, la Commission du génie génétique, la Commission du génie biomoléculaire et le Comité de biovigilance évaluait les risques d’un nouvel Organisme génétiquement modifié introduit sur le sol français. La loi prévoit de regrouper ces trois instances en un seul Conseil des biotechnologies. Celui-ci sera chargé de valider ou non l’autorisation de mise sur le marché qui serait dorénavant “accordée pour dix ans” et non plus de manière permanente comme c’est le cas actuellement. Le Comité devrait être composé d’une section scientifique mais aussi d’une section économique et sociale, constituées de représentants de la société civile.

Concernant l’information du public, Arnaud Apoteker, responsable de la campagne OGM à Greenpeace et membre de l’actuel Comité de biovigilance, regrette que le texte renforce le «caractère confidentiel de certaines données, notamment des analyses toxicologiques menées sur les animaux alors même que certaines d’entres elles semblent indiquer que des OGM soulèvent de graves problèmes biologiques chez les rats».

Grand oublié du projet : le principe de précaution

L’absence de mention du principe de précaution dans le projet a fait bondir les associations de protection de la nature et de l’environnement. Ainsi, Lylian Le Goff, chargé des biotechnologies à France Nature Environnement parle d’un projet de loi «élaboré dans le secret» qui permet «l’introduction à grande échelle des OGM alors que les directives européennes insistent sur la maîtrise de la dissémination des OGM». Pour l’association le texte proposé ne transpose pas complètement la directive de l’UE sur le principe de précaution, sur l’information du public et l’évaluation des risques. Idem chez Greenpeace : «le terme de précaution n’apparait nulle part alors même que la législation européenne stipule qu’il a été tenu compte du principe de précaution lors de la rédaction de la présente (directive 2001-18) et il devra en être tenu compte lors de sa mise en oeuvre».

Au final, le projet de loi ne répond que partiellement aux attentes des acteurs du débat sur les OGM. L’AGPM qui a fustigé le principe de responsabilité pour faute s’est tout de même dite «très satisfaite» par l’arrivée du texte transposant la directive européenne. Pour les syndicats d’exploitants, la responsabilité en cas de dissémination reposant sur leur seules épaules aura du mal à passer. Ce sont en fait les semenciers qui s’en tirent le mieux, étant exonérés de toute responsabilité en cas de pollution génétique.

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