Biomasse-énergie : le marché s’organise
LE DEUXIEME APPEL à projets du gouvernement pour la production d’électricité à partir de biomasse sera lancé au début de l’été, avec semble-t-il de «bonnes avancées» quant aux prix d’achat de l’électricité par EDF, a déclaré Claude Roy, revenant d’une réunion à Matignon. Dès cette année, des opérateurs industriels énergéticiens et spécialistes de l’environnement (Dalkia, Veolia, Bouygues, Elyo,…) seront prêts à passer des contrats d’achats de biomasse contenant le maximum de matière sèche à la tonne.
Un débouché pour des céréales de moindre qualité technologique
En attendant l’essor des cultures de taillis à courte rotation, ce sera surtout des céréales fourragères (blé, orge, triticale, seigle, sorgho) qui seront cultivées dans l’optique du rendement, et non de la qualité alimentaire. On prendra la plante entière, paille et grain. «Pas la peine de produire des grains à haute teneur en protéine, puisqu’on brûle la protéine». Donc, moins d’engrais azotés, de traitements, d’heures de travail aux champs que pour une production alimentaire. Les variétés les moins qualitatives, comme le foin, pourront convenir.
Lorsque les cultures de taillis seront en place, chaque hectare pourra générer 800 E de chiffre d’affaires au producteur. A cela s’ajoute la valorisation des tonnes de CO2 évitées, soit 400 E. Si l’opérateur reverse la moitié de cette somme à l’agriculteur, soit 200 E, ce dernier peut espérer une recette de 1.000 E/ha, selon Claude Roy. «N’oubliez pas de signer le contrat de CO2», a-t-il lancé. Le CO2 fait l’objet d’un marché des quotas en Europe, avec un prix de l’ordre de 20 E/t évitée, qui s’applique aux industries fortement consommatrices d’énergie.
Des opérateurs dubitatifs quant à l’impact sur les prix
L’intervention du coordinateur interministériel pour la biomasse a provoqué des remous dans l’auditoire. Les producteurs et leurs représentants, même dans les chambres d’agriculture, sont sceptiques devant les annonces d’embellie sur les marchés des matières premières. Beaucoup d’entre eux pensent que l’émergence d’une industrie de la biomasse-énergie risque de se faire à partir des matières premières les moins chères produites dans le monde, dans les pays à bas salaires. Mais Claude Roy a réitéré sa conviction : les prix des matières premières augmenteront car il faudra à la fois produire pour les besoins énergétiques et alimentaires d’une population de 9 Mds d’habitants en 2040. Les prix des terres continueront à augmenter et tant l’OMC que la Pac ne tiennent pas compte de ces évolutions. Selon lui, «la Pac a vingt ans de retard. Nous sommes dans une économie mono-marché et malthusienne. Or nous allons vers une économie pluri-marchés et anti-malthusienne».
La cellulose ouvre des marchés multiples : énergie, chimie, matériaux, et parmi ceux-ci, il sera rentable de remplacer l’acier et l’aluminium par des matériaux composites à partir de végétaux, quand le baril dépassera les 100 $, selon Claude Roy. Le potentiel de biomasse-énergie, de 11 Mt équivalent-pétrole en 2005 est, selon lui, prévu à 15 Mt en 2015, 30 Mt en 2030, 40 Mt en 2040.