Biocontrôle : une jeune filière en ordre de bataille
L'utilisation des produits de biocontrôle s'inscrit dans le projet agro-écologique de la France, défendu par le ministre de l'Agriculture. Un forum, qui voulait identifier les leviers du développement de la filière, a mis en évidence nombre de divergences.

Tous les acteurs du biocontrôle en France (cf. encadré) ont compris que le moment était venu de se lancer dans la bataille, se réjouit Jean-Pierre Princen, le président d'IBMA France (antenne locale de l'International Biocontrol Manufacturers Association), à l'issue du Forum sur le biocontrôle organisé le 22 avril par Stéphane Le Foll. Le ministère de l'Agriculture et ses équipes ont pris la mesure du soutien dont a besoin notre filière industrielle pour décoller, notamment de l'incitation à l'achat de produits de biocontrôle. » Limitée dans le temps, elle permettrait, d'après Jean-Pierre Princen, de « donner le coup de main nécessaire au démarrage de la filière du ”biocontrôle », afin de « porter de 5 % à 15 % d'ici 2018 sa part de chiffre d'affaires sur le marché français de la protection des plantes ». Il s'agit, selon lui, de « compenser la prise de risques des agriculteurs » qui doivent « se former à penser différemment » la conduite sanitaire de leurs élevages et cultures, pour passer d'une démarche purement curative (via les produits phytopharmaceutiques ou autres médicaments chimiques) à « des démarches de prévention par l'emploi, à titre d'exemples, de vaccins des plantes ou autres insectes prédateurs pour réguler la pression des nuisibles ».
L'industrie du biocontrôle a besoin de soutien financier, et de délais clairs et courts “d'évaluation de l'Anses.
Cette demande d'« incitation financière directe “positive” significative » d'IBMA France, assimilée par certains à une subvention à la commercialisation de produits de biocontrôle, ne fait pas l'unanimité dans la profession. « C'est une sorte de dumping commercial qui, lorsqu'elle sera arrêtée, risque de faire retomber le soufflé, réagit François Blua, DG de Biodevas Laboratoires, qui crée et distribue des produits de biocontrôle et des biostimulants à base de substances naturelles végétales (cf. p. 20). C'est le propre de chaque société d'élaborer sa stratégie commerciale, et d'être ou non compétitive. »
Une définition qui n'inclut pas les biostimulantsFrançois Blua est par ailleurs en désaccord avec la définition du bio-contrôle d'IBMA France (cf. encadré), qui serait « l'équivalent naturel des phytosanitaires », résume le chef d'entreprise. L'association en distingue les biostimulants, relevant d'après elle « du domaine de la nutrition et non de la protection », qui « vont faire partie d'une révision de la réglementation Engrais qui devrait avoir lieu au niveau européen en 2015 ». Selon le DG de Biodevas Laboratoires, « la biostimulation relève de l'application préventive de produits de contrôle de problématiques sanitaires, le biocontrôle concernerait davantage des produits à velléité curative », répondant à la même logique. Il ajoute : « L'IBMA a présenté sa définition, mais il faudrait que l'Anses et la DGAL fassent de même », et trouver un consensus.
Le passage par une AMM à moduler selon les produitsLes professionnels sont unanimes quant à la nécessité de former distributeurs et agriculteurs à l'utilisation des produits de biocontrôle, aux modes d'action complexes, et d'assouplir la procédure d'homologation dont les délais sont beaucoup trop longs et sans lisibilité.
Les avis divergent en revanche concernant l'autorisation de mise sur le marché (AMM) des produits de biocontrôle. « Pour l'industrie (phytopharmaceutique) chimique, qui entre en force dans la filière, l'AMM est une sorte d'assurance en termes de commercialisation et d'utilisation », considère le DG de Biodevas Laboratoires. Selon lui, « il est ridicule » d'imposer indifféremment à l'ensemble des produits de biocontrôle –« notamment aux substances naturelles végétales (dont la non toxicité n'est plus à démontrer) »– une AMM, alors qu'ils relèvent de technologies très variées. « Les produits de biocontrôle avec des velléités curatives ne représentent que 15 % des solutions, précise-t-il. Les autres concernent soit de la prévention, soit de la répétition d'application a posteriori ou de traitements réguliers », qui ne relèvent pas de la même logique que les produits chimiques, purement curatifs, soumis à l'AMM.
Selon la définition actuelle, validée par les industriels d'IBMA France, « les produits de biocontrôle sont des agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures. En font partie : les macro-organismes, les microorganismes, les médiateurs chimiques (comme les phéromones et les kairomones), les substances naturelles d'origine végétale, animale ou minérale, ainsi que d'autres produits et technologies nouvelles à faible risque. » En France, le marché du biocontrôle, en phase de développement, regroupe plus de 70 PME et grands groupes, indique IBMA France. En forte croissance (+15 à 20 %/an), notamment à l'export, il est estimé à 100 M€ en 2013 (550 M€/UE et 1,6 Md€/monde).
« Aussi, avec d'autres entreprises françaises indépendantes, nous allons essayer de rentrer en relation avec le ministère de l'Agriculture, afin de pouvoir participer aux prochaines réunions, déclare François Blua. Et d'insister : « Nous espérons qu'IBMA France, qui fait des propositions dans le sens des intérêts de ses adhérents (dont font partie plusieurs multinationales, telles que Bayer, Syngenta ou BASF, NDLR), ne soit pas leur seul interlocuteur. »