Biocarburants, appréciés mais toujours bridés
Si le biodiesel est déjà incorporé à 7 % dans le gazole et le bioéthanol à près de 6 % dans les essences, passer à la vitesse supérieure semble plus délicat au niveau législatif.


Près des deux tiers des français (64%) approuvent le fait que l'agriculture nationale produise des biocarburants qui peuvent se mélanger à des carburants d'origine pétrolière, selon une étude réalisée par l'Ifop en juin 2014. «L'éthanol et le biodiesel sont respectivement incorporés dans l'essence et le diesel depuis pas mal de temps, rappelle Sylvain Demoures, secrétaire général du SNPAA (syndicat national des producteurs d'alcool agricole). Le biodiesel l'est déjà à hauteur de 7%, tandis que l'éthanol atteint presque 6%». Sur fond de mondial de l'automobile qui se tient à Paris jusqu'au 19 octobre, de projet de loi de transition énergétique en débat depuis le 6 octobre à l'Assemblée nationale et autres réglementations, le point sur la situation actuelle et les perspectives pour les biocarburants.
90% des véhicules essence compatibles avec le SP95-E10
Toutes les essences en France contiennent du bioéthanol, jusqu'à 5% dans le SP95 et SP98, jusqu'à 10% dans le SP95-E10 et entre 65 et 85% dans le Superéthanol E85. «90% de l'éthanol est aujourd'hui incorporé dans l'E10. 54% des stations services (4.700) le proposent. Nous souhaitons arriver à 90%. Cela traîne parce qu'il y a un petit investissement à faire, et un travail sur la distribution. Certains franchiseurs, distributeurs ont eu peur de perdre des clients en faisant le choix de l'E10 mais, maintenant qu'il est compatible avec un grand nombre de véhicules essence, Cela devrait se débloquer».
Encore de nombreux obstacles pour l'E85
En ce qui concerne l'E85, la situation est plus sombre. S'il y a déjà 30.000 véhicules flex fuel qui circulent dans l'Hexagone, selon Sylvain Demoures, et un nombre de stations qui serait passé de 300 à 500 en dix-huit mois, les offres de modèles font défaut. En effet, Ford a annoncé en juillet l'arrêt de sa Ford Focus, « qui était la seule offre sur le marché français accessible à de nombreux ménages ». « La norme antipollution Euro 5b pose problème aux constructeurs pour passer les contrôles techniques. Elle ne distingue pas les hydrocarbures et le bioethanol, ce qui fausse les mesures. Nous travaillons auprès de la Commission européenne pour qu'elle soit revue. Une fois cela fait, les constructeurs auront de nouveau un intérêt à investir dans le flex fuel. Cette mesure a notamment bloqué Renault et Peugeot». Une alternative à ce problème est l'utilisation de kits FlexFuel, « mais là encore nous demandons leur homologation avec des critères précis dans l'intérêt des consommateurs. Nous y travaillons avec les autorités, et notamment la DGEC (Direction générale de l'énergie et du climat, NDLR)».
Il y a un an, dans le cadre de la réduction d'émission de CO2 du secteur des transports, la Commission européenne a fixé pour les constructeurs de voitures un objectif de 95 g de CO2 par km en 2021, contre plutôt 160 aujourd'hui, avec une première étape de 130 g en 2015 pour les modèles neufs commercialisés. S'ils n'atteignent pas ces objectifs, ils font face à des pénalités financières. L'électrique qui bénéficie d'un gros bonus, est très attractif pour les constructeurs. Enfin, pour le moment les biocarburants ne sont pas exemptés de la taxe carbone, votée fin 2013 et qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2015. Ce qui ferait monter de 2 cts/l le gazole et d'un peu moins de 1,8 cts/l l'essence, si les pétroliers la répercutent intégralement dans les prix à la pompe.
Les autres grands pays producteurs de bioéthanol ne rencontrent pas les mêmes problèmes. Au Brésil, 90% des véhicules sont flex fuel, avec des taux d'incorporation allant jusqu'à 25%. Les autorités pourraient accepter un taux de 27,5%. Chez le géant sud-américain, toutes les grandes marques sont implantées, mais leurs normes n'étant pas les mêmes que les nôtres, les véhicules proposés ne sont pas exportables en France. De même, aux États-Unis, beaucoup de constructeurs proposent des véhicules flex fuel. L'E15 est généralisé. Néanmoins pour des taux supérieurs, les stations sont concentrées dans la Corn Belt.
Plus positif, la transition énergétique veut inciter l'Etat et ses établissements publics, ainsi que les collectivités à avoir respectivement 50 et 20 % de véhicules «propres» au 1er janvier 2016. « Nous avons veillé à ce que les véhicules flex fuel appartiennent à cette catégorie ».
« Le principal avantage de l'E85 reste son prix. Il y a 30 à 40 % de ristourne par rapport à du SP95, soit un carburant à moins d'1 € le litre. Si l'on tient compte de la surconsommation, cela revient environ à 1,1 €/l ».
Et du côté du biodiesel?
« Le diester existe depuis la fin des années 80 et se trouve dans le gazole de monsieur tout le monde depuis 1995, à un taux d'incorporation de 7 % », explique Gaël Pet-ton, responsable communication ” Diester chez Sofiprotéol. « Nous sommes dans une réfléxion pour aller plus loin, sachant que jusqu'à 30 %, il n'y a pas besoin de modification de motorisation, donc le B10 (gazole avec 10 % de biodiesel incorporé ) ne fait pas peur en termes technique ». Sans oublier de préciser qu'il y a un équilibre usage alimentaire/non alimentaire des cultures à respecter. À noter que plus de 8.000 véhicules (bus, bennes de collecte de déchêts ménagers, services techniques, ainsi que des flottes privées) roulent déjà avec du B30, « qui réduit de 20 % les émissions de particules », précise Gaël Petton.
“Jusqu'à 30% de biodiesel, il n'y a pas besoin de modification de motorisation.