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Bio : une conjoncture défavorable mais des raisons d’espérer

Si l’inquiétude plane sur la filière biologique en raison d’une forte tendance à la baisse des prix, les opérateurs se veulent optimistes.

Une grande partie des opérateurs prend conscience que la poursuite du plongeon des cours ferait rapidement couler la filière qui peine déjà à s’installer et reste très fragile. La progression régulière des surfaces céréalières françaises depuis dix ans pour atteindre, en 2004, 87.667 ha en bio et en conversion, soit un bond de 7% par rapport à 2003, a permis de renverser la tendance: de déficitaire, la France est devenue excédentaire. Et comme la consommation n’a pas suivi cet essor sur le même rythme, le rapport de force entre les opérateurs s’est inversé en faveur des transformateurs. Pourtant une grande partie de ces derniers reconnaissent que le marché est très sensible. «Il est dangereux de tirer trop sur la corde, met en garde Jean-Louis Dupuy, président de la commission bio de l’AMNF et patron du Moulin Dupuy-Couturier, situé à L’Etrat près de Saint-Etienne (Loire). Tous les maillons de la filière doivent être solidaires, pour maintenir et développer la bio française.»

Chute des marges à l’hectare

Avec des rendements inférieurs d’environ 30% à 50% selon les cultures à ceux de l’agriculture conventionnelle (selon une enquête Onic pour 2004, la moyenne du blé bio est à 30 quintaux, celles du maïs à 50 q et de l’orge à 28 q) et des prix qui chutent, les marges nettes sont en train de s’effondrer. Une enquête réalisée par Yves Chabanel d’Arvalis-Institut du végétal pour le Sud-Ouest Enquête réalisée auprès de 24 agriculteurs bio ayant au moins trois ans de pratique après la conversion et prenant en compte tous les coûts de production (charges fixes et opérationnelles, avec rémunération de la main d’œuvre familiale sur la base du Smic). révèle ainsi qu’entre 2003 et 2004, la marge nette a dégringolé de 150 euros par hectare pour le blé tendre bio, atteignant 63 euros/ha (contre 150 euros/ha en conventionnel). D’autres études internes aux chambres d’agriculture confirment cette tendance. D’où les mises en gardes faites aux acheteurs pour qu’ils prennent en compte cette donne. D’après l’enquête d’Yves Chabanel, la situation du tournesol bio serait encore plus problématique, présentant des marges brutes négatives.

Pronostics difficiles

Dans ce contexte, l’attentisme règne sur les marchés de la nouvelle campagne. «Difficile de faire des pronostics et d’émettre des prix», indique Jean-Marie Pautard, président de la Cocebi, coopérative bio de Bourgogne (8.500 t de collecte). Si la nouvelle récolte s’annonce plutôt favorable, la sécheresse risque de faire baisser les prévisions, non seulement sur les protéagineux, qui souffrent particulièrement, mais aussi sur le blé. De plus, les stocks de l’ancienne campagne semblent moins importants que prévus, des dégagements ayant eu lieu durant juin. «Même si les achats de précaution vont certainement peser sur le début de campagne, le marché devrait se maintenir», prévoit Jean-Marie Pautard. Le sentiment est le même chez l’ensemble des organismes stockeurs qui paraissent moins inquiets, qu’il y a quelques mois. Mais ces estimations n’arrivent pas à convaincre les acheteurs qui refusent encore s’engager sur des prix, notamment pour les céréales secondaires. «Leurs prix dépendront du taux de déclassement du blé meunier», rappelle un opérateur. Si le scénario est le même qu’en 2004/2005, avec près de la moitié du blé déclassé en raison d’un taux de protéines trop faible, cela peut peser lourdement sur leurs cours. Et raffermir ceux du blé meunier. Car le taux de protéines réclamé par les meuniers se situe aujourd’hui à 11%, voire plus parfois. Une surenchère que les producteurs ont parfois du mal à atteindre. Du côté du colza, l’attentisme est aussi de mise. Si les surfaces ont augmenté, les rendements seront-ils au rendez-vous, sachant que cette culture est difficile en bio? Il est vrai que les prix annoncés à l’importation (pays de l’Est, Canada, Chine) peuvent peser sur la tendance, mais les enjeux concernant le maintien de la filière française ne peuvent être ignorés.

Nécessité de réguler le marché

Autres paramètres à considérer pour cette nouvelle campagne : la suppression de la dérogation autorisant 10% de matières premières conventionnelles dans l’aliment pour bétail bio. Si cette disposition est prise, elle pourrait profiter au marché, d’autant plus qu’elle concerne l’Union européenne et que les autres pays autorisent jusqu’à 20% de conventionnel pour certaines espèces La suppression de cette dérogation, prévue au 24 août 2005, est actuellement en discussion au comité permanent de l’Agriculture bio à Bruxelles. Reste à savoir quelles options seront prises pour éviter les problèmes techniques et les surcoûts liés à la recherche d’équilibre des acides aminés..

Enfin, la filière pourrait parvenir à mieux s’organiser pour enrayer les excédents. Ce, en mettant en place des outils de régulation de marché. Comme l’explique Salvador Ferrêt, responsable de la commission bio d’Intercéréales et directeur d’Agribio Union (Tarn) : «C’est dans un esprit constructif que nous travaillons au sein de l’Interprofession céréalière bio. Actuellement, ce sont les difficultés que rencontrent les producteurs qui nous mobilisent tous. Nous espérons pouvoir faire des propositions concrètes et durables dans le courant de l’été. Cependant nous devons rester réalistes. Quel que soit le mécanisme, la régulation du marché est indispensable et son impact sera certainement très important mais nous ne devons pas en attendre de miracle. Cette action devra prendre sa place parmi un ensemble d’actions cohérentes complémentaires et durables. C’est à cette condition que la bio pourra espérer accéder à un développement moins chaotique.»

Car pour tous les opérateurs, l’aide fiscale aux producteurs bio annoncée par le gouvernement français dans le cadre de la LOA, soit 2.000 euros par exploitation et par an, est vraiment trop négligeable pour soutenir la filière.

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