Assurance : les maïsiculteurs veulent s'inspirer du Farm Bill
Lors des Journées Maïs, à Toulouse, les producteurs ont affirmé leur désir de se rapprocher des principes de la politique agricole américaine qu'ils jugent davantage axée sur la gestion du risque de pertes de revenu.

« Tandis qu'en Europe nous commençons à parler de gestion des risques, aux États-Unis le modèle est déterminé depuis février 2014 et représente 85 % du budget du Farm Bill. Les Américains ont testé de nombreuses méthodes et ont eu de nombreux échecs, mais c'est à partir des erreurs que l'on peut construire un modèle viable », argumente Jean Cordier, lors des Journées Maïs qui se sont déroulées à Toulouse, les 17 et 18 novembre. Jean Cordier, professeur à l'Agrocampus Ouest, a présenté son analyse comparative des outils de gestion du risque, supportés par le Farm Bill 2014 et la Pac 2014-2020. Les États-Unis ont longtemps soutenu les revenus agricoles par des paiements compensatoires qui tendaient à stabiliser les revenus. À l'inverse, la Pac visait à soutenir des instruments, afin de stabiliser les cours avec un prix d'intervention, des quotas à la production.
Aux États-Unis, les contrats d'assurance sur les rendements ou sur le chiffre d'affaires par hectare arrivent en deuxième position dans le budget, après l'aide alimentaire et avant les aides contracycliques. Ces derniers font partie des nombreux outils –« complets, coordonnés et dynamiques », selon le professeur– qui sont à la disposition des farmers. Les aides contracycliques assurent la rentabilité minimum d'une exploitation. Puis viennent les contrats d'assurance, ceux financiers et physiques, avec dans chacun d'eux une politique de rendement. « La force des Américains est qu'ils se basent sur leurs connaissances au niveau des rendements, des évolutions climatiques, du big data… Ils utilisent des techniques d'information pour connaître davantage les risques », ajoute Jean Cordier.
Les aides directes représentent 72 % de la Pac
En Europe, le système de gestion des risques est tout à fait différent. Tout d'abord, 72 % du budget de la Pac est consacré aux aides directes. Les filets de sécurité en représentent 5 % et les instruments privés 1 %. « Autant dire que notre politique est contraire à celle outre-Atlantique. D'ailleurs, depuis 2005, c'est l'atonie, dénonce le professeur. La gestion du risque est illustrée dans les deux piliers de la Pac. Dans le premier, sont regroupés les aides directes et les filets de sécurité. Ce n'est que dans le second pilier que l'on parle des marges de l'agriculteur. Il est mentionné : “un support aux fonds mutuels sur les risques de production, aux assurances et aux instruments de stabilisation du revenu”. Ce dernier n'est pas encore en vigueur puisque la commission d'application de cette directive ne s'est toujours pas réunie : preuve de notre retard. Depuis dix ans, nos dirigeants suppriment petit à petit les filets de sécurité et ne font que se demander comment ils vont les remplacer. À Bruxelles, on parle davantage de développement rural que de gestion des risques », ironise-t-il.
« La gestion des risques doit être un fondement de la Pac »
Pour intégrer la gestion des risques dans la Pac, Jean Cordier a sa petite idée et a soumis quelques recommandations à la Commission européenne. Parmi lesquelles : intégrer une épargne de précaution défiscalisée, construire un pont entre les contrats financiers et ceux d'assurance, proposer des tests de terrain ou encore créer des fonds européens pour réassurer les situations extrêmes, en transfé-rant le budget des DPU vers un système de gestion des risques, quand ces derniers ne sont plus gérables par un contrat privé.
Une assurance “coup dur” pour la filière semencière
Ces deux Journées Maïs ont également été l'occasion de voter la mise en œuvre d'un dispositif d'assurance “coup dur”, initié par la Fédération nationale des producteurs de semences de maïs et de sorgho (FNPSMS). Ce système est financé sur les fonds interprofessionnels, créant ainsi un fonds mutualiste. « Cette assurance, souscrite en plus de celles existantes, assure un capital de 1.000 €/ha, avec une franchise de ”15 %. Son déclenchement est prévu quand le rendement réel est inférieur à 85 % du rendement assuré (moyenne décennale d'un rendement brut) et sa tarification s'élève à 0,762 % », a expliqué le président de la FNPSMS, Joël Arnaud, annonçant un lancement au printemps 2016. Le groupe de travail consacré à cette étude a simulé les indémisations qu'auraient touché les maïsiculteurs, selon leur région de production, lors de la sécheresse de 2003 (cf. tableau). Le montant global aurait atteint près de 3,1 M€.
À Bruxelles, on parle davantage de bio et de filière courte que de gestion du risque des revenus.
Lors des assemblées générales, Pierre Blanc, président de l'AGPM Maïs Semence, a exprimé ses craintes concernant l'assurance socle du ministère de l'Agriculture, pénalisant, selon lui, « les productions spécialisées telles que le maïs semence et le maïs doux ».
Autre sujet d'actualité débattu lors des Journées Maïs: les tarifs d'électricité réglementés qui prendront fin d'ici janvier prochain et qui inquiètent quelque peu les Irrigants de France. Pour Christophe Leininger, directeur adjoint du développement des marchés à la CRE (Commission de régulation de l'énergie), l'ouverture de l'accès à la concurence n'est pas synonyme d'ouverture du réseau. « ERDF restera indépendant, les tarifs d'électricité risquent à court terme d'être en baisse », affirme-t-il. Les Irrigants de France resteront tout de même attentifs afin que leurs offres demeurent adaptées aux spécificités de l'irrigation, notamment l'heuro-saisonnalité, la flexibilité et le lien avec le fournisseur.