Formation
Apprentis boulangers à Shanghai
Depuis 2008, Shanghai Young Bakers forme chaque année une trentaine de jeunes Chinois marginalisés à la boulangerie française. L'initiative est soutenue par Grands Moulins de Paris, Lesaffre ou encore Accor.






Baguettes, viennoiseries, brioches et autres pains n'ont plus de secret pour la promotion 2016 de Shanghai Young Bakers (SYB). Au terme d'une formation d'un an à Shanghai, ces trente jeunes vont, pour la plupart, rejoindre de grands hôtels ou des enseignes de boulangerie, qui fleurissent partout dans l'Empire du Milieu. Le programme SYB, vers lequel ils ont été orientés par des ONG de leur province d'origine, leur délivre en effet une qualification en boulangerie reconnue en Chine, mais surtout les bases du savoir-faire boulanger français. « Le secteur de la boulangerie se développe très vite et peine a recruter du personnel qualifié. Même si les salaires de nos jeunes diplômés ne sont pas très élevés au démarrage, Shanghai Young Bakers leur ouvre de vraies perspectives professionnelles », explique Émilie Rigaud, directrice de programme.
Apprentissage théorique et pratique
Pendant l'année, les élèves alternent entre des journées de stage en entreprise et des cours théoriques. Ils apprennent également les bases de l'anglais et à travailler en équipe. « Quand ils ont un souci, ils ont tendance à se renfermer. Nous leur apprenons que dans le monde professionnel, il est essentiel de communiquer », détaille Émilie Rigaud. Les professeurs de boulangerie de SYB, eux-mêmes passés par le programme, ont perfectionné leur savoir-faire à l'École française de boulangerie et de pâtisserie (EFBP) d'Aurillac. Avec succès, puisque c'est un ancien de SYB qui a obtenu la meilleure note pour la baguette à la coupe du monde de boulangerie cette année (voir encadré).
Si le programme SYB, porté de-puis 2010 par la fondation Chi Heng, s'autofinance en partie grâce à l'organisation de formations (pour les professionnels et le grand public) et la vente de produits, il fait aussi appel au mécénat. À ses trois partenaires principaux, Solidarity Accor Hotels (fondation Accor), Lesaffre et Henkel, s'ajoutent de nom-” breuses entreprises actives grâce à des dons en nature. Grands Moulins de Paris fournit ainsi la farine, Lesaffre la levure, Sinodis (un distributeur chinois contrôlé par Savencia) des ingrédients, Kolb du matériel et Mazars un appui à la comptabilité. Au total, le budget atteint 1,9 M de yuans (255.000 €).
Il ne peut y avoir de développement de nos produits “sans une bonne mise en œuvre.
Pour Christian Poirot, directeur Export des Grands Moulins de Paris (GMP), le soutien de l'entreprise à l'association est naturel. « La formation nous importe : les GMP ont créé leur école en 1929 déjà. Le projet SYB repose sur la détermination de bénévoles. La formation professionnelle dans son ensemble, et en boulangerie en particulier, est un des maillons faibles de la Chine, explique-t-il. Il ne peut y avoir de développement de nos produits sans la bonne mise en œuvre de ceux-ci. En Chine et ailleurs... »
Ascension sociale possible
Agés de 17 à 23 ans, les jeunes formés par SYB n'ont pas eu une vie facile. Certains ont arrêté l'école dès 15 ans, d'autres sont orphelins, d'autres enfin ont leurs deux parents mais les voient au mieux une fois par an car ils sont retenus au loin pour le travail. « J'ai commencé à travailler à 16 ans et j'ai très peu d'éducation. Apprendre la technique de la boulangerie, c'est très important pour moi », explique He Liu, 22 ans. Liu Dong, 19 ans, est également ravi d'avoir intégré la formation. « J'aurais pu aller à l'université, mais pas dans un établissement de bon niveau. Du coup, je n'aurais jamais trouvé un travail intéressant. La boulangerie me plaît, et mes parents peuvent garder leur argent pour les études de ma sœur », explique-t-il. Leur diplôme en poche, la plupart des jeunes passés par SYB choisissent de parfaire leur apprentissage en tant que salarié dans une grande ville, mais certains espèrent déjà retourner chez eux un jour pour y monter leur affaire.
Alors que les meuniers chinois recherchent plutôt des blés australiens (soft) ou américains et canadiens (hard) pour améliorer leurs farines, afin de confectionner des petits pains mous comme c'est la tradition en Asie, le programme SYB diffuse la culture de la boulangerie française et de ses ingrédients. Avec la création peut-être, à terme, de nouvelles opportunités pour les blés et la meunerie française.
