Agriculteurs et industriels unis contre la grande distribution
La loi de modernisation de l’économie ravive les tensions entre distributeurs et fournisseurs. Ces derniers menacent de descendre dans la rue
Déja 600 signatures !La pétition lancée le 24 avril par l’Ania et de nombreux partenaires, dont Coop de France, la FNSEA et l’Ilec, semble être un véritable succès. Dans cette lettre adressée au président de la Répu-blique et aux parlementaires, les acteurs des filières agroalimentaires s’unissent contre le projet de loi de modernisation de l’économie (LME) et condamnent la modification de la loi Chatel. « Il est impératif de maintenir le juste équilibre atteint par la Loi Chatel en réaffirmant l’obligation de justifier les contreparties accordées aux fournisseurs par la distribution de détail ». Ils demandent également que soit inscrite « l’obligation pour les distributeurs de justifier sur facture les différents services qu’ils proposent ou imposent souvent » à leurs fournisseurs. La réaction de Luc Chatel ne s’est pas faite attendre. Le secrétaire d’Etat à la Consommation s’est opposé le 29 avril à la demande des industriels. Ins-crire les services des distributeurs (catalogues publicitaires, têtes de gondole...) dans les contrats reviendrait à recréer le système des marges arrières, pénalisant selon lui les industriels. Le projet de loi devrait être débattu à partir du 27 mai à l’Assemblée nationale, pour un vote final début juillet.
La loi Chatel 2, plus de concurrence pour accentuer la baisse des prix
Présentée le 28 avril au conseil des ministres, la LME entend introduire plus de concurrence dans la grande distribution en favorisant l’ouverture de nouveaux commerces et en permettant aux distributeurs de négocier les tarifs de leurs fournisseurs, industriels ou agriculteurs. Objectif : la baisse des prix, qui permettrait la relance du pouvoir d’achat.
La LME abolit la loi Galland sur la revente à perte, promulguée en 1996, qui avait eu pour conséquence une explosion des marges arrières. Ces sommes, exigées par les distributeurs, sont payées par les fournisseurs en échange de prestations commerciales, comme la mise en valeur du produit en tête en rayon ou des campagnes d’affichage. Avec les mar-ges arrières, les prix des produits de grande consommation auraient augmenté de 4 % chaque année depuis l’instauration de la loi Galland. Plusieurs réformes ont été entreprises pour lutter contre cette hausse, notamment la loi Chatel, qui aurait déja permis à certaines enseignes de baisser leurs tarifs de 20 à 30 %, selon la pétition.
Concernant la LME, les industriels craignent de nouvelles dérives. En effet, le texte n’oblige pas les distributeurs à justifier sur facture les avantages tarifaires obtenus de leurs fournisseurs en contrepartie de différents services. Un point dont ne démord pas le secrétaire d’Etat : « Ce qu’on ne veut pas, c’est que les contreparties soient clairement identifiées, qu’elles soient fléchées et que l’on revienne à un système procédurier, qui a été celui de la loi Galland ». Les industriels redoutent également la suppression de milliers d’emplois.
Le projet de loi fait l’unanimité contre lui
Les fournisseurs n’entendent pas se laisser faire, et les réactions de désaccord se multiplient. Dans leur pétition, les signataires demandent la réintroduction dans le texte des principes de « réciprocité respectée : il ne peut y avoir de négociation sans rien » et « d’application efficace : il ne peut y avoir de bonne mise en oeuvre du nouveau dispositif sans un certain délai d’application ». Sur la ligne de défense de l’Ania, la FEBPF ( Fédération des Entreprises de Boulangerie-Pâtisserie Fran-çaises ), moins concernée par les têtes de gondoles, a tout de même exprimé « de fortes inquiétudes » dans la mesure où cela affectera l’ensemble des relations distributeurs-fournisseurs. Pour les fabricants de pâtes, c’est un nouveau sujet d’inquiétude, la filière étant déjà fragilisée par la flambée des prix de la matière première. La profession est particulièrement concernée, les pâtes étant un produit d’appel en GMS. Les principaux syndicats agricoles, FNSEA, Coordination rurale et Confédération paysanne, s’opposent également au projet de réforme. Le président de la FNSEA, Jean-Michel Lesmetayer, demande « un observatoire non seulement des prix, mais aussi des marges. Sans possibilité de contrôle, on ne saura finalement jamais qui est le gagnant ou le perdant lorsqu’un prix est jugé exagéré ». Jean-René Buisson, le président de l’Ania, a enfoncé le clou en déclarant le 29 avril : « Nous maintenons le principe d’une manifestation fin mai. Notre détermination est totale pour faire évoluer ce texte devant le Parlement ».