Affichage environnemental, l'UE expérimente dans l'IAA
L'expérimentation européenne sur l'empreinte environnementale compromet-elle les travaux menés en France sur le sujet ? Alors que l'UE lance un appel à projets sur la filière agroalimentaire, les industriels sont en droit de s'interroger.
« La France a joué un rôle important dans le lancement de l'initiative de l'affichage environnemental au niveau de la Commission européenne », rappelle Sylvain Chevassus, chargé de mission Europe International du Commisariat général au développement durable (CGDD). Et Florence Scarsi, sa chargée de mission Alimentation durable, de préciser : « Les principes fondamentaux de l'affichage environnemental en France, que sont le multicritère et l'analyse de cycle de vie (ACV), sont également ceux de l'évaluation des impacts environnementaux des produits au niveau européen. » L'Envifood Protocol, déclinaison pour le secteur agroalimentaire du document méthodologique Product Environnemental Footprint (PEF) de la Commission européenne, présente ” cependant des divergences avec la vision française de l'empreinte environnementale des produits. L'un des enjeux de l'expérimentation, lancée en janvier par la Commission européenne pour le secteur de l'agroalimentaire (après un premier appel à projets en mai 2013 dédié aux autres produits), est d'influencer un dispositif qui pourrait, à terme, être généralisé au niveau européen. « Les règles élaborées au cours de cette expérimentation deviendront le dispositif applicable à tous les États membres, insiste Florence Scarsi. On ne peut donc qu'espérer des candidatures d'entreprises ou de fédérations françaises de l'agroalimentaire, directement ou via leurs organisations européennes. » Et Jessica Petit, consultante ACV & Écoconception de Bureau Veritas Codde de renchérir : « Les entreprises hexagonales ont tout intérêt à se proposer comme pilote (et non, simple participant) pour pouvoir diriger un des dix projets qui seront sélectionnés (sachant que trois seront conduits par la Commission européenne). »
Entreprise, syndicat, association, ONG, organisation internationale ou université de recherche peuvent postuler.
Quid des spécificités nationales ?
Malgré de forts points de convergence sur les fondamentaux entre l'Union européenne et la France, subsistent des écarts tant sur l'évaluation que l'affichage des impacts environnementaux.
« Alors que l'Envifood définit 14 catégories d'impact pour le secteur agroalimentaire, dont aucun sur la biodiversité, la France n'a retenu que 5 indicateurs, relatifs à cette notion, à l'eau et au changement climatique », indique Florence Scarsi. Cette différence s'explique par le champ de communication choisi. « Les guides méthologiques européens peuvent permettre une communication de l'information environnementale au consommateur, comme en France, mais également entre entreprises. » Reste que dans les deux cas, aucun outil (support ou format) n'est privilégié à ce stade. « La Commission européenne s'oriente vers l'approche française d'un nombre d'indicateurs réduit pour une communication au consommateur. » Autre exemple de divergence : les règles de coupure. « Contrairement au BPX 30-323 (document méthodologique français d'évaluation des impacts environnementaux des produits, NDLR), où les flux inférieurs à 5 % peuvent être négligés, sous conditions, pour simplifier l'ACV, il n'existe pas de règles de coupure dans le PEF. »
Bien que la France travaille actuellement à aligner sa méthodologie sur le document européen, « certaines spécificités nationales devraient être conservées pour des raisons de pragmatisme et d'expérience », confie Florence Scarsi.
Une expérimentation cruciale
L'objectif de l'expérimentation dans le secteur agroalimentaire, dont le calendrier s'étale jusqu'en fin 2016, est triple : tester un processus d'élaboration des règles environnementales sectorielles cohérentes avec les documents méthodologiques européens généraux, tester différents modes de vérification et de communication.
S'il est encore trop tôt pour quantifier l'engagement des entreprises françaises à l'expérimentation européenne relative à l'empreinte environnementale dans le secteur agroalimentaire, l'appel à projets courant jusqu'au 28 mars prochain, « on peut penser qu'elles vont fortement s'impliquer, au vu de leur participation à la démarche française sur l'affichage environnemental », avance Jessica Petit de Bureau Veritas Codde. Sur les 168 entreprises engagées, on comptait 70 industriels de l'agroalimentaire (41 %). Cependant, « on observe une baisse de motivation, voire un découragement, de nombreux participants, le temps, l'énergie et l'argent dépensés dans le projet français n'ayant pas encore abouti à un retour sur investissement. »
« Aussi les entreprises françaises ont-elles tout à gagner à participer à cette expérimentation, insiste Jessica Petit. Elles auraient plus de chance de faire valoir ce qui a été décidé dans la méthodologie française. » À l'exemple de « la prise en compte au niveau européen du stockage du carbone ou de l'impact sur la biodiversité », note Florence Scarsi. Cette expérimentation européenne permettrait également de « valoriser les référentiels sectoriels et sous-sectoriels déjà validés par la plateforme Ademe-Afnor », ajoute Jessica Petit, sans oublier la base de données AgriBalyse, qui répertorie les ACV des principaux produits agricoles français, végétaux et animaux. La démarche européenne pourrait par ailleurs « alimenter la réflexion nationale en matière de vérification de l'information, un des trois points de vigilance relevés dans le rapport du gouvernement au Parlement sur l'expérimentation nationale », conclut Florence Scarsi.