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2004, une année charnière pour l’Union européenne

Avec l’intégration de dix nouveaux pays et l’ouverture des négociations avec la Turquie, l’UE a pris l’année dernière une nouvelle dimension.

L’EUROPE A EN EFFET connu une année 2004 qui lui a donné un nouveau visage géographique, structurel et politico-économique. Avec l’entrée des dix nouveaux pays (Pologne, Hongrie, République tchèque, Lituanie, Lettonie, Estonie, Slovaquie, Slovénie, Chypre et Malte), le domaine agricole européen est lui aussi transfiguré par cette profonde mutation.

La meunerie inquiète

Bien sûr, avec l’arrivée dans leur rang des nouveaux membres de l’UE, les meuniers européens, réunis au sein du Gam, laissent percevoir une certaine inquiétude quant aux changements que cela peut engendrer. Lors de leur congrès en juin 2004, ils ont écouté avec attention Russell Mildon, directeur des marchés des produits végétaux à la direction générale de l’Agriculture de la Commission européenne. Pour lui, l’élargissement à 25 n’était qu’une étape supplémentaire dans le processus d’unification européenne et il restait maintenant à intégrer les pays qui «frappent à notre porte» à savoir, la Croatie, la Turquie, la Roumanie ou encore la Macédoine…

Russel Mildon a assuré que les meuniers européens n’avaient pas à s’inquiéter de ces intégrations : «Huit des dix nouveaux pays appliquent déjà la réforme de la Pac.» Pour le représentant de la Commission, l’UE à 25 n’apportera que peu d’évolution ou de changement de physionomie dans la production et pour l’équilibre production/consommation. Lâchant même ironiquement, «vous aurez toujours assez de matières premières à acheter dans la limite où vous paierez le prix pour que le producteur puisse vivre de sa récolte et ne soit pas tenté de mettre en jachère…» Un avis pas tout à fait partagé par Klaus Schumacher, vice-président du Coceral et chef du département économique d’Alfred C. Toepfer International. Pour lui, l’intégration des dix nouveaux Etats membres engendre en effet une augmentation cumulée des surfaces de céréales, de la production, alors que les utilisations alimentaires devraient être stables et celles en alimentation animale en légère progression. En effet, si la production de volailles et de porcs pourrait enregistrer une certaine augmentation, en revanche, celle de bovins devrait baisser. Le plus inquiétant étant le potentiel d’exportation des dix nouveaux pays. Plus de 5 Mt de blé, 2 Mt d’orges et 4 Mt de maïs. «L’excédent sera là, que peut-on en faire ?», s’interroge Klaus Schumacher, qui s’attend à une évolution comparable de la situation des dix nouveaux pays de l’UE en Russie et Ukraine. Pour lui, le marché à 25 va donc conduire à une situation de surplus à l’export qui va progresser —l’UE devenant notamment à l’avenir un exportateur net de maïs— et une plus grande volatilité des prix. Pour Klaus Schumacher, tous ces changements vont obliger les opérateurs à «repenser les stratégies d’achats», ni plus ni moins !

La Hongrie, l’autre pays du maïs

Bien sûr, la Hongrie sera au cœur des débats, et notamment, en ce qui concerne le marché des semences. Ce nouveau pays membre a enregistré une récolte record de maïs et est venu perturber le marché européen. Budapest se retrouve excédentaire en blé et en maïs, mais n’a pas de capacités de stockage suffisantes. On s’attend donc à ce qu’elle vienne brader son maïs sur le marché de l’Europe du Sud. «Il est évident que nous allons perdre le marché grec», a avoué Claude Lacadée, directeur adjoint de l’AGPM, lors du congrès du maïs 2004 à Lyon. Et il faudra sans doute faire appel à l’intervention pour cause d’excédents, ce qui est le cas actuellement. Malgré cela, on a ressenti la volonté des maïsiculteurs français d’intégrer au plus vite la Hongrie dans la CEPM, la Confédération européenne des producteurs de maïs. Un allié qui peut peser lourd pour le lobby maïsiculteur à Bruxelles.

Le président Valéry Giscard d’Estaing, invité au congrès des céréaliers à Clermont-Ferrand, a pu, au travers d’un discours fort apprécié par l’assemblée et non dénué d’humour, présenter l’Union européenne et rendre ses diverses instances un peu moins opaques aux yeux de la profession. Il a bien entendu défendu son projet de Constitution européenne et en a profité pour rassurer les céréaliers. «La Constitution n’a rien d’ultralibérale, elle s’inscrit dans la continuité de ce que font les membres de l’UE : économie de marché, respect du progrès social et développement durable», a-t-il expliqué. Mais le plus jeune président élu de la cinquième république est aussi venu parler d’agriculture. «L’agriculture française doit être l’agriculture leader de l’Europe. Ses filières agroalimentaires et notamment céréalières font partie des plus performantes au monde», a t-il déclaré, poursuivant «le marché n’est plus national, mais européen. L’Europe doit avoir davantage d’ambition pour son agriculture.»

Turquie, le grand pari européen

Bien sûr, l’évènement de cette fin d’année 2004, a été la décision des chefs d’Etats des 25 d’ouvrir des négociations avec la Turquie en octobre prochain. Une véritable chance et opportunité pour certains, une perte d’identité de l’Europe pour d’autres.

Economiquement, selon les projections de la Commission européenne, les importations turques s’élèveraient à 80 milliards d’euros d’ici dix ans. En 2004, la croissance économique du pays a atteint quasiment 10 % et 8 % l’année passée. C’est le deuxième pays, après la Chine, à connaître une telle croissance.

A ce rythme, la Turquie dans dix ans, avec une population aux environs de 80 millions d’habitant, pourrait atteindre un PIB de 1.000 milliards de dollars. Pour l’ambassadeur de Turquie en France —interviewé par notre hebdomadaire en novembre 2004—, c’est donc un marché énorme qui s’ouvre et sur lequel la France est un des mieux placés pour bénéficier de ce développement.

Pour Uluç Özülker, «l’Europe prend une nouvelle dimension avec l’entrée des dix nouveaux membres cette année. La vision de l’Europe du début de sa construction est dépassée. Il faut rebâtir et reconstruire une nouvelle Europe».

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